En bas Henri lors d'une manifestation nationale :30 Septembre 1991 Paris
La photo du haut lors du pot qui a suivi mon jugement à Riom
Il y a 5 ans Henri nous quittait pour sa dernière demeure , Henri Savel était directeur de la FDSEA 03 , cela à été pour nous tous une lourde perte , et pour moi un profond chagrin , Henri était un ami , un ami au sens noble du terme , ce qui l’y a de plus précieux dans la vie , de ces hommes qui sont toujours là , toujours présent quand on est dans le besoin , dans la peine , confronté à des soucis qui semblent énormes ,Henri savait se faire discret , presque inexistant, transparent , c’était un militant à nul autre pareil , un responsable qui considérait l’homme comme essentiel , au centre de toutes ses attentions , ce militant avait vécut le militantisme appliquant pour lui ce qui expliquait vouloir comme société.
En son hommage , je republie ce que sur son cercueil , je lui avais lu , texte que j’avais écrit la nuit suivant son décès,le23 Décembre.
A toute sa famille à son épouse et ses deux enfants je leur dit encore toute mon amitié ; si c’est terrible de perdre un ami , pour eux , cela a un été un vrai drame , tellement Henri était attachant .
Lettre à mon ami Henri Savel
Henri laisse moi parler de toi. Je sais, tu détestais que l’on s’occupe de toi, que l’on parle de toi, que l’on s’inquiète à ton sujet. Tu avais horreur des « m’as tu vu ».
Tu étais un type bien, un de ces hommes qui marquent leur époque, un être simple, discret, efficace, et tellement cultivé.
Originaire de Haute Loire, tu as puisé ce sens profond du militantisme chez tes parents. Ton père Jean Batiste était un grand militant, arrêté en 1941 interné au sinistre camp de Saint Paul d’Eyjeaux en Haute Vienne, il a subit toutes les humiliations des communistes de cette époque. Dans la résistance il connu ta mère Rosy très engagée comme lui, ton père a été le réorganisateur du parti communiste en Haute Loire et son premier secrétaire fédéral après guerre. Je cite cela car en lisant ce qui a été écrit sur tes parents je te reconnais Henri.
Militant discret mais efficace, effacé et intelligent, pour toi, du syndicalisme ouvrier, où tu siégeais il y a quelques années aux Prud’homme pour la CGT, au syndicalisme agricole où tu étais directeur de la FDSEA, les idéaux du parti communiste étaient le lien, le ciment de ton engagement.
Ecologiste avant la lettre, tes positions contre l’agriculture productiviste expansionniste, que nos détracteurs considéraient comme des positions passéistes marquaient bien ta façon d’analyser les choses ; il y a longtemps que tu avais compris que l’agriculture du traité de Rome et de la loi d’orientation de 1961 était vouée à l’échec, nous mesurons aujourd’hui à quel point tu avais raison. Engagé dans le parti communiste tu ne te mettais jamais en avant mais tu étais tellement efficace, tu as toujours privilégié le contact humain.
Doué d’une belle intelligence, il fallait bien te connaître pour découvrir en toi un être de grande culture, tu possédais des capacités d’analyse exceptionnelles. Tu étais très pudique, très discret et jamais tu n’étalais ton savoir : qui savait d’ailleurs que tu avais décroché le 12 février 1996 un diplôme universitaire de gestion de projet option espace rural.
Dans ton attitude, tu allais toujours à l’essentiel en te mettant à la portée de ton interlocuteur et jamais tu n’aurais mis quelqu'un en position d’infériorité sous prétexte que tu savais. Oui Henri sous ton allure désinvolte se cachait un intellectuel un personnage aux capacités impressionnantes, surprenantes. Et jamais tu ne parlais de toi, jamais tu ne te plaignais, jusqu’au bout tu auras milité jusqu’à ton dernier souffle.
Directeur de la FDSEA : ce titre te paraissait trop pompeux pour toi et tu le tournais facilement en dérision, mais quelles capacités de synthèse tu possédais, effacé là aussi, tu as toujours milité pour une agriculture paysanne à taille humaine, pour les paysans tu étais un ami, un allié, un défenseur. Tu as toujours privilégié la dignité humaine, combattu pour l’homme et contre la puissance de l’argent ; ton camp c’était celui de l’être humain, du faible contre le puissant, du pauvre contre le riche, de l’humaniste contre l’affairiste.
Des leçons de modestie, tu nous en as donné tout au long de ton engagement : aider les autres était ton credo. Communiste se conjuguait pour toi au présent. Chacune de tes actions témoignait de ton attachement à ces idéaux, critique mais toujours constructif tu restais fidèle à tes racines.
Le hasard du calendrier a fait que né le 21 avril 1951 ton 51ème anniversaire coïncidait avec le séisme politique du 21 avril 2002 et l’arrivée au deuxième tour de la présidentielle du fasciste Le Pen, cette situation t’avais beaucoup affecté, comme t’avais beaucoup peiné l’arrivée quelques années plus tôt de Lesage et de sa politique désastreuse à la chambre d’agriculture de l’Allier.
Tous les coups portés aux plus humbles te touchaient de très près. Homme de terrain tu as toujours collé à la réalité des situations, tu as toujours vécu avec ceux qui souffraient, jamais tu ne t’es éloigné des difficultés rencontrées chez les gens, au contraire tu les vivais avec eux.
Tu as porté très haut l’étendard du militantisme, avec toi être communiste c’était rassurant. Mais tu me disais souvent : « la société capitaliste est un milieu hostile, débattons, critiquons nous mais dehors serrons nous les coudes sinon nous irons à la catastrophe » Samedi il y a à peine huit jours tu me parlais encore de cela. Tu m’as toujours impressionné dans ta façon de voir les choses et je dois l’avouer tu avais pratiquement toujours raison.
2003 a été une année très dure pour les paysans et par ricoché pour toi aussi, tu t’inquiétais toujours pour nous, pour les plus faibles et dans la gestion désastreuse de cette crise tu disais :« c’est une façon comme une autre d’en supprimer davantage » en parlant des paysans les plus vulnérables. Même si tu en parlais avec un certain détachement on sentait que tout cela te touchait vraiment.
Je voudrais s’il te plait rappeler un instant de l’histoire du syndicalisme plus personnel où j’ai compris ta réelle valeur. Fin 1991 alors que j’étais dans le bureau d’un juge d’instruction suite à mon inculpation celui-ci après m’avoir mesuré une claque pour me faire dire ce qu’il voulait entendre, regarde par la fenêtre et après t’avoir aperçu devant les paysans et amis qui étaient dans la cour me lance à la figure en faisant allusion à ta moustache et ta tête blonde « et en plus vous êtes venu avec votre horde de gaulois ». Oui ce jour là j’étais fière de cette horde de gaulois, fière de toi Henri, fière de constater que tu intimidais ce fonctionnaire d’opérette qui agissait pour le compte du trop fameux préfet Dégrémont qui faisant tant de mal à l’époque à Henri Friaud et la FDSEA : nous dérangions et cela devenait insupportable. Oui Henri tu m’as aidé à survivre dans ces moments difficiles tu étais un vrai soutien celui qui ne fait pas semblant.
Les dernières années ont été terrible pour toi, car à la dégradation de la situation se doublait une lutte sans merci contre la maladie, jamais tu ne nous en parlais mais nous le devinions, comme toujours tu étais très pudique et tu assumais ton rôle, certains disaient que tu étais aigri mais comment pouvait-il en être autrement ? Reste que tu t’inquiétais d’abord des autres en les aidant toujours, tu n’as jamais failli à ta mission. Tu étais considérablement affaibli mais tu faisais encore des réunions pourtant nous savions qu’elles te coûtaient. Les derniers mois tu forçais notre admiration et samedi encore quand je t’ai demandé si cela allait tu m’as répondu :« le toubib m’a trouvé une cochonnerie mais ça va ». Pour toi cela allait toujours, ta mission c’était s’occuper des autres.
En ces moments tragiques ,je pense à tous tes amis, à la FDSEA à tous ses présidents qui s’y sont succédés : Georges Mercier, Henri Friaud qui a vécu avec toi l’une des plus dures périodes du syndicalisme, à Pierre Thomas, à ton ancien directeur Roger Giraud ; je pense à celui avec qui tu as beaucoup travaillé ces dernières années : Bruno Vif, à Jean Louis Grener au bureau, au conseil d’administration, à tous ces présidents de syndicats communaux qui perdent un ami sincère, à la section des retraités ,des fermiers métayers qui savaient trouver en toi un vrai soutien, au bourbonnais rural, aux militants du parti communiste à ses dirigeants qui perdent l’un de leur plus dévoué ami, je perd quand à moi un copain un ami des plus sincère.
Je pense à Dominique ton épouse ,à Zacharie ,à Emmanuelle tes enfants, à toute ta famille qui ont tant payé de par ton engagement, je voudrais leur dire toute mon amitié et au nom de mes camarades leur présenter nos plus sincères condoléances.
Adieu Henri, tu t’en vas reposer dans cette terre que tu as tant défendue, ton action ton engagement ton dévouement ton abnégation pendant toutes ces années passées à Montluçon et dans l’Allier seront pour nous une très grande leçon de militantisme.
Jean Claude Depoil