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mardi 15 mars 2011

« Tu peux nous voler notre sommeil, Nous avons dormi trop longtemps »


                     


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                                                                                                                                                    Tu peux élever tes palais sur nos champs


                                                                                                                                                  Avec notre labeur et le travail de nos mains,


Tu peux lâcher tes chiens dans les rues

Et renfermer sur nous tes prisons,

Tu peux nous voler notre sommeil
Nous avons dormi trop longtemps
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Poème d’Ahmed Fouad Negm chanté par Cheikh Imam.
Khaled Saïd est peut-être le Mohamed Bouazizi égyptien. Depuis que la population a découvert les photos insoutenables du visage méconnaissable du jeune homme battu sauvagement à mort en pleine rue par la police de Moubarak, grand ami des États-Unis, de l’Europe et d’Israël entre autres, les manifestations en Égypte n’ont pour ainsi dire jamais cessées. Khaled Saïd est devenu l’icône de la révolution égyptienne comme Bouazizi l’est pour la révolution tunisienne. Mais Khaled Saïd n’est que l’étincelle qui a enflammé tout un peuple qui depuis longtemps souffrait en silence sous le règne du régime de Moubarak.
Combien d’égyptiens et d’égyptiennes ont été torturés par la police de Moubarak ? Combien d’hommes, de femmes et de familles entières ont été brisés par la torture ? Personne ne le sait avec précision. Les tortionnaires égyptiens ont acquis une renommée telle que des pays comme les États-Unis et la Suède, entre autres, extradaient illégalement des détenus présumés « islamistes » vers l’Égypte pour les torturer (1).
Les égyptiens confondaient cette pratique barbare avec le régime lui-même. Ils savent que l’un ne peut se passer de l’autre. Pour se maintenir, le régime avait besoin de terroriser la population et la torture ne pouvait s’exercer efficacement (les experts disent scientifiquement) que par le pouvoir de Moubarak. A la veille de sa chute, le 10 février 2011, alors que tout le monde attendait son départ, Moubarak est apparu à la télévision pour dire … qu’il restait au pouvoir. Pour Moubarak le pouvoir n’était pas un moyen mais une fin : le pouvoir pour le pouvoir !
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Khaled Said
Mais la torture, cette négation totale de l’être humain, n’est pas le seul visage du régime. La corruption constituait l’autre face hideuse de l’Égypte de Moubarak. En 2009 Transparency International classait l’Égypte au 115e rang sur 180 pays. Pendant les dix-huit jours de la révolution, Moubarak et sa famille passaient leur temps à transférer des sommes colossales vers des comptes indétectables à l’étranger. La presse a évalué la fortune du tyran entre 40 et 70 milliards de dollars. Ces chiffres sont peut-être exagérés, mais Moubarak et sa famille utilisaient tout l’appareil de l’État égyptien pour s’enrichir le plus rapidement possible : rentes et prébendes en tout genre, commissions et rétrocommissions en marge de contrats gaziers, d’armements, de vente et d’achat d’entreprises publiques, d’ investissements immobiliers dans les États du Golfe etc. etc.(2).
La corruption gangrénait non seulement la tête du régime, mais tout le corps social. La corruption, à l’instar d’un cancer, rongeait toute la société égyptienne. Elle se répandait dans la société comme les métastases dans un corps malade. Il n’est pas jusqu’au policier, au douanier, au dernier des fonctionnaires qui ne participait à ce terrible fléau social. La corruption était devenue une quasi-institution . Elle a permis au clan Moubarak d’amasser une fortune qui n’a d’égale que la misère de l’immense majorité des égyptiens.
Au Caire par exemple, des milliers et des milliers de citoyens pauvres vivent dans ce que les égyptiens appellent « les cités des morts » c’est-à-dire dans des cimetières ! Pour survivre, les plus pauvres, et ils sont hélas très nombreux (40% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour), vendent, en « pièces détachées », leurs organes : « l’Égypte est régulièrement citée parmi les pays les plus concernés au monde par le commerce d’organes » (3).
Il faut dire que les programmes de stabilisation et d’ajustement structurel du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale appliqués avec zèle par le régime de Moubarak ont nettement contribué à cette misère en orientant par exemple la production agricole vers l’exportation au détriment de la culture vivrière, celle qui correspond aux besoins de la population. Les petits paysans sont ainsi arrachés à leur terre, ruinés et remplacés par les gros propriétaires terriens. Ces politiques libérales acceptées déjà par Sadate, qui a remplacé Nasser en 1970, poursuivies par Moubarak ont détruit également ce qui restait encore des services publics de l’Éducation et de la Santé. Les subventions aux produits de première nécessité ont été progressivement supprimées et des pans entiers de l’économie égyptienne ont été privatisés (4). La misère est ainsi devenue le lot quotidien de l’immense majorité du peuple égyptien.
C’est ce régime là qui a été porté à bout de bras par les bourgeoisies américaines, européennes et leurs institutions internationales. Le capitalisme et l’impérialisme n’ont jamais été incompatibles avec les dictatures qui sont souvent leurs produits les plus authentiques. Les États-Unis apportaient à l’Égypte de Moubarak une « aide » financière, humaine et surtout militaire qui n’est dépassée que par celle accordée à l’État terroriste d’Israël. Mais la contrepartie était très lourde. Non seulement le pays a perdu toute souveraineté et toute dignité, mais surtout Moubarak, comme Sadate avant lui, a trahi le peuple palestinien. Faut-il rappeler que la cause palestinienne est la cause de tous les peuples arabes ? « La paix » séparée avec Israël (le Traité de paix israélo-égyptien est signé le 26 mars 1979 à Washington à la suite des Accords de Camp David de 1978) est une véritable machine de guerre contre le peuple palestinien. Sadate a payé de sa vie cette trahison. Moubarak qui l’a remplacé en 1981, a approuvé et justifié, au nom de cet accord, les deux invasions du Liban, la féroce répression des Intifadas palestiniennes et les massacres de l’opération « Plomb durci ». Il a même entamé, pour plaire à ses maîtres américains et israéliens, la construction d’un mur d’acier souterrain participant ainsi directement à l’étouffement de la bande de Gaza où vivent un million et demi de palestiniens déjà soumis à un terrible blocus de la part d’Israël. Ce blocus, entre autres, donne la mesure de la cruauté des dirigeants de cet État anachronique.
La révolution arabe en marche dévoilera davantage encore le visage hideux de l’entité sioniste. Quel contraste, en effet, entre les peuples du monde arabe qui désirent ardemment bâtir une société démocratique débarrassée des despotes d’un autre âge et l’État hébreux dirigé par une équipe d’extrémistes fanatiques, qui construit le « Grand Israël » sur les cadavres des palestiniens. D’un côté, une folle envie de démocratie, de dignité et d’une société meilleure s’est emparée des peuples arabes, de l’autre, Israël qui s’enfonce, chaque jour un peu plus, dans le fanatisme et la barbarie.
Si les bourgeoisies occidentales ont tout fait pour maintenir au pouvoir un régime aussi cruel et corrompu que celui de Moubarak, le peuple égyptien, lui, désirait de toute ses forces le renverser. Les égyptiens ne scandaient-ils pas à l’unisson dans tout le pays « le peuple veut renverser le régime » ? Ce slogan a été repris, d’ailleurs, par les peuples arabes en lutte contre leurs tyrans. Le régime de Moubarak a créé une situation insoutenable pour le peuple égyptien. La situation était devenue explosive et elle a effectivement...explosé. Le peuple d’Égypte a su se débarrasser, et d’une manière admirable, de ce régime tyrannique soutenu par les Etats-Unis, l’Europe et Israël. Décidément l’intérêt des peuples et ceux de l’impérialisme et du sionisme sont absolument incompatibles.
Torture, corruption, misère et trahison sont les caractéristiques et les fondements du régime de Moubarak. Dignité, liberté, démocratie et solidarité sont les valeurs pour lesquelles le peuple d’Égypte a donné généreusement des centaines de martyrs et des milliers de blessés. Khaled Saïd l’égyptien, Mohamed Bouazizi le tunisien et tous les martyres tombés pour une nouvelle société resteront à jamais gravés dans la mémoire et le cœur des masses arabes opprimées.
Mohamed Belaali

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