FUKUSHIMA : LA SITUATION RESTE TRES GRAVE
Par Dominique Leglu directrice de la rédaction de Sciences et Avenir
Samedi 2 avril. 12H.
Dans cette crise majeure de Fukushima, chaque mot compte. Surtout quand l’attention du public risque de se relâcher, car cela fait exactement 3 semaines que tout a commencé ! Ainsi, hier, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, peu suspect d’être un anti-nucléaire notoire, estimait que la situation dans la centrale « reste très grave ». De son côté, en France, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) jugeait que « l’état des réacteurs 1 à 3 reste très préoccupant ».
Dans cette crise majeure de Fukushima, chaque mot compte. Surtout quand l’attention du public risque de se relâcher, car cela fait exactement 3 semaines que tout a commencé ! Ainsi, hier, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, peu suspect d’être un anti-nucléaire notoire, estimait que la situation dans la centrale « reste très grave ». De son côté, en France, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) jugeait que « l’état des réacteurs 1 à 3 reste très préoccupant ».
Ce n’est effectivement pas parce qu’on ne voit plus d’explosions sur les écrans de télévision ni de rotation d’hélicoptères des Forces d’auto-défense japonaises (l’armée japonaise) jeter de l’eau sur les piscines de combustible usagé que tout est réglé, loin de là.
Dimanche, nous avions révélé dans ce blog (1) un document d’Areva incriminant de façon ciblée le réacteur n°2, montrant comment, par le bas de l’enceinte de confinement endommagée, pouvaient s’échapper divers produits de fission radioactif, entraînés notamment par l’eau employée pour refroidir le cœur du réacteur. Et c’est justement autour du réacteur n°2 qu’une grande attention s’est à nouveau concentrée ces dernières heures. A été annoncée, en effet, la découverte par des travailleurs d’une fissure d’environ 20cm affectant une tranchée bétonnée par laquelle passent des câbles reliés aux pompes puisant l’eau (quand elles marchent) dans la mer. Au-dessus de cette fissure, le dégagement de radioactivité est puissant, 1000 millisieverts/h selon Hidehiko Nishiyama, vice directeur général de l’agence de sûreté nucléaire japonaise NISA. Mais à l’heure qu’il est, on en est réduit à se demander si cette découverte (première fissure annoncée officiellement) peut expliquer à elle seule l’incessante montée de radioactivité relevée dans la mer.
Une chose semble sûre, l’information sur ce qui se passe réellement actuellement dans la centrale risque d’être de plus en plus difficile à obtenir car le dispositif international a changé ces derniers jours. Non seulement des experts d’Areva se sont rendus au Japon, ce qui a frappé les esprits en France, mais de très nombreux experts américains sont également sur place. Comme le rappelle l’IRSN, l’opérateur de la centrale TEPCO « est maintenant assisté à la fois du concepteur des réacteurs (General Electric) et de la NRC, l’autorité de sûreté américaine. » (2) Sans oublier l’arrivée de 140 « Marines », corps spécialisé en cette occurrence dans la lutte anti radiations, le Chemical Biological Incident Response Force (lutte contre les incidents chimiques et biologiques et aussi nucléaires bien que son nom ne le précise pas).
Où interviendront-ils exactement ? Dans les zones de bord de mer très contaminées ? Dans la zone d’exclusion où des cadavres n’ont pas pu être dégagés, ce qui choque profondément la population japonaise ?
Jusqu’où aideront-ils TEPCO dans ses efforts pour éliminer l’eau radioactive (en particulier dans les bâtiments des turbines) qui empêche toute remise en marche de circuits « habituels » de refroidissement ? Ou pour mettre en place cette « île flottante artificielle » annoncée par TEPCO (rapporté par Kyodo news -de type « Megafloat » afin d’y injecter et conserver l’eau polluée par la radioactivité (type de structure développée par le Shipbuilding Research Centre of Japan (SRC) (3)).
La gestion actuelle de la catastrophe – et le manque d’informations claires qui pourrait bien en résulter – est absolument cruciale pour tous les pays (et leurs opérateurs) possédant des centrales nucléaires. L’onde de choc de cette catastrophe s’est déjà fait sentir… en Allemagne. Et on ne peut que s’interroger : comment vont réagir les autorités américaines ? On sait que le ministre de l'énergie, le physicien et prix Nobel Steven Chu, auprès d’Obama, l’avait poussé à reprendre une stratégie pro-nucléaire. On sait les affirmations immédiates du président français Nicolas Sarkozy dès les débuts de la catastrophe de poursuivre la voie nucléaire française – le gouvernement promettant néanmoins quelques jours plus tard un audit sur les centrales.
Rappelons, pour mémoire, que les Américains, dans les premiers jours de la catastrophe, se sont montrés extrêmement inquiets à propos des piscines contenant le combustible usagé (2), et d’une certaine façon un peu moins sur l’évolution des cœurs de réacteur - influencés par leur vision rétrospective de Three Mile Island [ ?] où les rejets radioactifs dans l’environnement étaient demeurés limités. Cette inquiétude perdure outre-Atlantique (même si les piscines de Fukushima semblent correctement refroidies pour l’instant - l'AIEA a précisé aujourd'hui à midi que "180 tonnes d'eau avaient été injectées hier 1er avril dans la piscine n°4) et elle provoque des échanges assez rudes chez les spécialistes (notamment envers l'actuel président de la NRC. L’ « Union of concerned scientists »fait remarquer qu’aux Etats-Unis, les piscines de combustible usagé sont encore plus pleines qu’elles ne le sont au Japon. Un audit de trois mois a été lancé pour réexaminer à la fois l’état des réacteurs et celle des piscines afférentes. Avec une interrogation majeure à la clé, qui fait le débat : faut-il continuer à garder ces barres de combustible (extrêmement dangereuses si elles ne sont plus refroidies et sont mises à l’air) dans des piscines proches des réacteurs, ou faut-il les entreposer dans des lieux prévus à cet effet, des entreposages à sec – jugés par certains plus fiables ? Pour mémoire, il y aurait 65 000 tonnes de combustible usagé à gérer aux Etats-Unis… Il est clair qu’une « bonne » gestion de ce grave problème des piscines (4) mis en exergue par la catastrophe de Fukushima, est cruciale, notamment pour les Américains. « L’acceptabilité » du nucléaire outre-Atlantique peut reposer en grande partie sur cette question.
Non, nous n’avons pas fini d’entendre parler de Fukushima, même s’il est à craindre qu’il sera de plus en plus difficile d’obtenir des informations précises et fiables (plusieurs sources) – quid des mesures de la radioactivité en mer en particulier ? En attendant, n’oublions pas que les opérations continuent dans les réacteurs, où les cœurs ont fondu (là aussi, les appréciations sur les niveaux de fonte varient, entre 70% pour le réacteur 1 par Steven Chu, cité par le New York Times, et 30% pour le réacteur 2…). Vu la chaleur qui continue d’être dégagée par le combustible, vu les réactions chimiques qui continuent de s’y produire (avec dégagement d’hydrogène), il est prévu l’injection d’azote dans les enceintes afin de prévenir toute nouvelle explosion (l’azote est un gaz inerte, contrairement à l’oxygène qui favorise les explosions). Et il faut continuer à refroidir, refroidir, refroidir (4).
Une catastrophe qui dure, notre société de l'éphémère et de l'info en continu est-elle capable de l'envisager ?
De la suivre et de la comprendre ?
C'est aussi une des questions fondamentales qui se pose aujourd'hui à nous. Aux politiques, aux entreprises, aux médias, à l'opinion...
Une catastrophe qui dure, notre société de l'éphémère et de l'info en continu est-elle capable de l'envisager ?
De la suivre et de la comprendre ?
C'est aussi une des questions fondamentales qui se pose aujourd'hui à nous. Aux politiques, aux entreprises, aux médias, à l'opinion...
Fukushima sera un révélateur.
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