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mercredi 20 juillet 2011

Emilie Carles m'a fait découvrir la merveilleuse vallée de la Clarée, avec son livre "la soupe aux herbes sauvages ; elle nous a quitté le 29 juillet 1979


Le 29 juillet 1979, Émilie Carles quitte la Vallée de la Clarée


« C’est pareil pour toutes choses, ce qui paraît irréalisable pour l’heure sera une réalité demain. »
Émilie Allais est née en 1900 à Val des Prés, petit vil­lage situé dans la « Vallée de la Clarée », à l’écart de bien des pol­lu­tions, au Nord-est de Briançon. Son père est paysan de mon­ta­gne. Elle a 5 frères et sœurs. A quatre ans, elle perd sa mère fou­droyée dans un champ. La vie n’est pas facile. Les jour­nées d’Émilie sont dou­bles : aux champs et à l’école. Elle fait 7 km à pied pour aller à l’école à Briançon, car elle veut deve­nir ins­ti­tu­trice. A 16 ans elle par­vient à quit­ter sa vallée pour Paris, afin d’obte­nir son diplôme. Émilie est la seule des six enfants de sa famille à pour­sui­vre des études. A Paris elle décou­vre et se sent à l’aise au sein du milieu anar­chiste et paci­fiste de l’immé­diat après-guerre. Mais déjà à 14 ans, elle s’était forgée des idées anti­mi­li­ta­ris­tes, après que, ses deux frères étant partis à la guerre en 1914, lors d’une per­mis­sion, l’un d’eux lui ait montré l’absur­dité de ce conflit.
De retour au pays, atteinte d’une lésion tuber­cu­leuse, elle exer­cera le métier d’ins­ti­tu­trice durant qua­rante ans dans ses mon­ta­gnes des Hautes-Alpes. Elle apprend à ses élèves la tolé­rance, le refus de la guerre et la fierté de leurs tra­di­tions pay­san­nes. D’abord ins­ti­tu­trice en rem­pla­ce­ment en 1923 aux Gourniers de Réallon, puis à Val des Prés, Émilie devint maî­tresse à l’école mater­nelle des Alberts, puis du Villaré en 1934, puis revient à Val des Prés en 1951 pour être nommée ins­ti­tu­trice titu­laire de l’école.
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En 1927 elle ren­contre Jean Carles, de onze ans son aîné, qui devient son com­pa­gnon. II est paci­fiste, liber­taire et libre-pen­seur. II va lui révé­ler tout ce qu’elle pen­sait. Avec lui, elle lutte contre l’injus­tice, la guerre, le racisme, le patriar­cat et la sou­mis­sion des femmes. Ensemble, en 1936, ils trans­for­ment la grande ferme fami­liale en auberge-hôtel « Les Arcades », pour accueillir les vacan­ciers du Front Populaire, qui se rem­plit de copains et de copi­nes anar­chis­tes grâce aux peti­tes annon­ces dans les jour­naux « La Patrie Humaine » et « l’En-Dehors »[1]. Le salaire d’Émilie comble sou­vent le défi­cit de l’auberge. Ils ont trois enfants : deux fils et une fille. Mais durant la guerre de 39-45, un drame immense se passe devant chez eux, à Val des Prés : leur fille « Nini », âgée de 6 ans, est écrasée par un camion mili­taire. Jean, son mari, refu­sant de partir à la Guerre doit se cacher pour éviter d’être fusillé comme déser­teur et se réfu­gie dans un camp de maqui­sards où il fait la cui­sine. Par la suite, il se mobi­lise pour éviter que leur fils n’aille com­bat­tre durant la guerre d’Algérie ; mais épuisé, vic­time d’une mala­die, Jean Carles meurt subi­te­ment en 1962. Il était tout son bon­heur. Émilie prend sa retraite la même année.
Restée seule avec ses enfants, Émilie Carles conti­nuera encore à se mani­fes­ter pour défen­dre la mon­ta­gne du sac­cage auto­rou­tier. En 1974, elle réus­sit à mobi­li­ser la popu­la­tion de Val des Près contre le projet d’auto­route Fos/Mer-Turin qui abou­ti­rait à la des­truc­tion de la “Vallée de la Clarée”. Le 13 Août 1973, elle prend la tête d’une mani­fes­ta­tion à Briançon contre ce projet. Le 27 Octobre 1976, elle orga­nise une confé­rence de presse à Paris devant des repré­sen­tants de minis­tè­res et des jour­na­lis­tes. Émilie fait grosse impres­sion et obtient gain de cause : “la Vallée de la Clarée” sera désor­mais clas­sée et on ne pourra plus dévi­sa­ger ce coin unique et vivant de nature et de calme.
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Elle a raconté sa vie et ses révol­tes dans une auto­bio­gra­phie : « Une soupe aux herbes sau­va­ges » qui parait en jan­vier 1978. Ce livre, qui lui a été demandé, est un immense succès, imprimé à des mil­lions d’exem­plai­res et tra­duit dans une dizaine de lan­gues.
Le 29 juillet 1979, Emilie Carles meurt à Val des Prés ; elle fait don de son corps.
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Voici trois extraits du livre d’Emilie Carles, « Une soupe aux herbes sau­va­ges » :

C’EST FÉERIQUE... LA VALLÉE DE LA CLARÉE

« Dès les pre­miers beaux jours de l’année, alors que la mon­ta­gne est encore impré­gnée par l’humi­dité de la neige à peine fondue, j’ai pour habi­tude de me repo­ser, allon­gée dans mon fau­teuil sur la ter­rasse du Vivier. Dès le matin, le soleil vient y des­si­ner un jeu d’ombres et de lumiè­res qui m’est tout aussi fami­lier que la voix de ceux que j’aime. La Clarée, cette rivière bénie des dieux, coule à mes pieds. J’aper­çois à tra­vers les bran­ches des arbres le mou­ve­ment de ses ondes trans­pa­ren­tes qui varient en cou­leurs et en inten­sité, tour à tour tumul­tueu­ses ou calmes, gron­dan­tes ou mono­to­nes. Autour de moi les oiseaux chan­tent. Je leur parle et ils me répon­dent et je prends ce concert pour moi seule. Quelle pré­somp­tion ! Ils chan­tent l’hymne au soleil, celui dont Rostand disait : « O soleil toi sans qui les choses en serait pas ce qu’elles sont. » Les gout­tes de pluie de la nuit accro­chées aux feuilles des saules irra­dient sous les rayons. C’est fée­ri­que, c’est para­di­sia­que. J’ai sous les yeux le plus beau pays du monde. »
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PRÉSERVER LA VIE DE CE VAL NATUREL... CONTRE LE PROJET DE SACCAGE AUTOROUTIER

« Ce qu’il fau­drait, c’est que les gens de la com­mune pren­nent cons­cience que cette auto­route n’est pas pour eux. J’essaie de leur expli­quer, je leur dis : « Pour aller à l’autre bout du vil­lage, pour aller à Pamplinet ou à la Vachette, quelle route pren­drez-vous ? Toujours la même vieille route, pen­dant que les autres vous pas­se­ront au-dessus de la tête en vous envoyant leurs gaz d’échappement. Cette dévia­tion s’ajou­tera au reste, à la voie express et à la voie ferrée elle aussi prévue. Notre vallée ne sera plus qu’un immense cou­loir de béton, avec le bruit, l’odeur et la pol­lu­tion. La Clarée devien­dra comme la vallée de la Maurienne, un endroit mort où le feuillage est détruit, les mou­tons obli­gés de s’en aller ailleurs. » C’est ça qu’ils doi­vent se mettre dans la tête, cette auto­route et tout ce qui va avec, ce n’est pas conçu pour le bien du vil­lage et pour le bien des pay­sans. »
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LA VRAIE SOUPE AUX HERBES SAUVAGES... SANS CHEF, SANS DOMINATEUR

« Ça, c’est du plan­tain et voilà de l’oseille sau­vage, de la drouille, de l’ortie ou barbe à bouc, du pis­sen­lit, de la dou­cette, un petit char­don des champs ou chon­zio, une plante lai­teuse, le lai­chu­ron, du mille-feuilles, du cha­la­brei aux feuilles lar­ge­ment den­te­lées, de la tétra­gone ou épinard sau­vage, de la langue bogne, une feuille de sauge et un brin de cibou­lette. A cela j’ajoute une pointe d’ail, quel­ques pommes de terre ou une poi­gnée de riz et j’obtiens une soupe onc­tueuse et déli­cieuse. Pour la réus­sir, ce qui importe, c’est de res­pec­ter les pro­por­tions. Il faut très peu d’herbes de chaque sorte afin qu’aucune ne l’emporte sur les autres. »
source : rebellion . info

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