Monsieur le Ministre d’Etat,
Le 16 avril dernier, à l’ « Institut du Monde Arabe », vous avez prononcé des déclarations très importantes et critiques sur la politique française passée concernant le long positionnement de la France face aux pouvoirs installés dans cette partie du monde aujourd’hui confrontés positivement à ce qu’on a appelé le « printemps arabe ».
Vous avez notamment déclaré que : « Nous, Français, pensions très bien connaître ces sociétés, avec lesquelles nos liens sont anciens et solides. Mais le « printemps arabe » nous a montré que nous en ignorions des pans entiers. » Vous avez soutenu l’idée juste selon laquelle : « par le passé, retenus notamment par la crainte de la menace fondamentaliste, nous avons parfois hésité à réagir face à certaines atteintes» aux droits de l'Homme. »
Cette lucidité d’analyse politique suppose et induit aussi, naturellement, de changer notre approche et notre grille de lecture de ce qui se passe là-bas, notamment au Proche-Orient.
Le poids du passé ne se lève visiblement pas d’un seul coup et passer des déclarations aux actes ne s’opère pas en un seul coup, de toute évidence. On peut constater que les vieilles lunettes d’hier servent encore à regarder des temps présents.
C’est spécialement et malheureusement la triste réalité s’agissant de ce cas emblématique du positionnement français relativement au conflit israélo-palestinien : le cas de notre jeune compatriote Salah Hamouri. Il est en prison depuis plus de 6 ans dans les geôles israéliennes alors que son accusation et son emprisonnement ne repose sur aucun fait tangible, ainsi que le montre le « jugement » du tribunal militaire israélien d’Ofer (installé en Cisjordanie) et vos déclarations récentes dont j’ai pris acte publiquement avec satisfaction.
En effet, alors que vous reconnaissez clairement son innocence et que vous trouvez également « honorable » son attitude, voici que dans un courrier au sénateur Jean Berthou, en date du 20 juin, vous indiquez que : « les services compétents du Ministère des Affaires étrangères et européennes continuent à être attentifs à la situation de M.HAMOURI et attachés à obtenir une issue favorable, dans la limite de leurs compétences et le respect de l'indépendance de la justice israélienne ».
Monsieur le Ministre d’Etat, il ne s’agit pas, dans le cas de Salah Hamouri, d’une « justice indépendante » qui l’a condamné sans preuve mais d’un tribunal israélien d’occupation qui, comme tous les tribunaux militaires d’occupation, est tout sauf bien évidemment « juste » et « indépendant».
L’histoire en témoigne, en tous lieux et en tous temps. Ne retenons que cet exemple qui vous dit nécessairement quelque chose : le tribunal de Clermont-Ferrand, à la solde de l’occupant, qui en août 1940 condamna le général de Gaulle à mort par contumace et qui devait le déchoir de sa nationalité française. Devant ce « jugement » le général e Gaulle eut ces mots : « nul et non avenu. »
Il en va de même – toutes choses égales par ailleurs – pour Salah Hamouri.
Le tribunal militaire israélien d’Ofer installée en territoire palestinien n’est pas « juste » et « indépendant », et ceci par principe. Et la Cisjordanie – pas plus que Gaza – ne sont israéliens mais occupés par Israël.
Il ne s’agit pas de la justice israélienne, en général, mais d’un tribunal d’exception qui a jugé Salah Hamouri.
Il en résulte, en bonne logique avec vos diverses déclarations et écrits, qu’il convient d’exiger – je dis bien : exiger – auprès des autorités israéliennes la libération pure et simple de notre compatriote Salah Hamouri d’autant plus que son emprisonnement ne repose sur rien, sauf qu’il refuse pacifiquement l’occupation de la terre qui l’a vu naître.
Il a déjà passé plus de 6 ans en prison. Un seul jour de prison aurait déjà été une injustice flagrante.
C’est dans ce sens que je vous demande, de nouveau, d’intervenir rapidement et avec force.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre d’Etat, à l’assurance de mes salutations les plus distinguées.
Jean-Claude Lefort
Député honoraire
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