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vendredi 1 juillet 2011

Un journaliste belge de retour de Libye écrit sa colère ; on peut toujours nous barragouiner que c'est une "guerre humanitaire": menteurs!


De retour de Libye un journaliste belge écrit sa colère. 

On est d’ailleurs en droit de se demander pourquoi aucune manifestation n’est organisée en France pour l’arrêt de cette guerre qui dure depuis 3 mois maintenant...ni pour le soutien au peuple grec en lutte depuis plus d’un an...

Vendredi matin 18 mars 2011, mon radio réveil s’enclencha et j’eus directement droit à une interview avec le ministre des Affaires Etrangères Vanackere. Il trépignait d’impatience de pouvoir partir en guerre contre la Libye.
Et malgré que les deux premiers points de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU appellent à une solution diplomatique, Vanackere ne parlait que du point 3 selon lequel ‘toutes les mesures’ sont permises. Il était donc très clair à quoi on pouvait s’attendre. Cela m’a rendu malade et j’ai juré.

La guerre me rend malade

Je ne sais pas ce que les gens ressentent lorsque l’on bat les tambours de guerre, mais moi j’en suis littéralement malade. Et quelques heures plus tard, après le débat au Parlement Belge, je ne me sentais pas mieux. Personne, je veux donc dire pas un seul membre du parlement, n’a voté contre ou s’est abstenu lors du vote sur le soutien de la Belgique à la guerre. Et cela alors que les membres de notre parlement ont l’habitude de palabrer durant des mois avant de prendre une décision et sont à ce jour occupés depuis plus d’un an à la formation d’un gouvernement.
Mercredi matin 8 juin, j’ai reçu un appel … me demandant si je voulais aller en Libye. Comme le souligne Michel Collon : “chaque guerre est précédée par des média-mensonges”, c’était donc une occasion unique d’aller m’en rendre compte sur place. Je n’ai donc pas hésité très longtemps, et vendredi 10 juin nous sommes partis avec 4 autres belges en direction de Tunis, en Tunisie. De là, nous avons continué le samedi matin avec 9 autres participants internationaux en direction de Tripoli, un voyage en car de 17 heures. Pendant 3 jours nous avons participé à une mission d’observation et à une conférence sur la guerre et les droits de l’homme sur invitation de l’ “Association des Avocats et Juristes de la Méditerranée”.
Vas-tu soutenir Kadhafi ?”, ai-je plusieurs fois entendu. J’ai fait partie de ce voyage afin de me rendre compte moi-même des conséquences des bombardements de l’OTAN sur Tripoli. Contrairement à Van Rompuy, Sarkozy, Berlusconi, Obama ou Verhofstadt, qui étaient honorés de serrer la main à Kadhafi lorsqu’il s’agissait de signer des contrats, je n’ai aucune affinité avec Kadhafi. Cela ne veut pas dire pour autant que je ne vais pas m’opposer à une guerre de l’OTAN qui défend uniquement les intérêts occidentaux. Surtout lorsque nous examinons le palmarès de l’OTAN. S’ils bombardaient vraiment pour défendre les droits de l’homme – ce qui me semble déjà une contradiction en soi – on peut alors trouver d’autres adresses comme l’Arabie Saoudite par exemple. Rappelons-nous l’histoire du ’bon’ et ’mauvais’ Arabe vers laquelle renvoie Mohamed Hassan lors de son interview avec Michel Collon concernant l’histoire de la Libye. Un bon Arabe se soumet aux intérêts occidentaux, contrairement au mauvais Arabe. Lorsque Kadhafi était en France il y a quelques mois, il faisait encore partie de la première catégorie, car il ne fut pas arrêté à l’Elysée, à présent il fait partie de la deuxième.

Le calme règne dans la zone de guerre

Alors que nous approchions de la frontière Tunisie/Libye, la tension augmenta dans le car. L’un des participants Tunisiens de la délégation reçut un appel. Al Jazeera annonça qu’ il y avait des affrontements à Zawiyah, une ville située sur le chemin vers Tripoli. Après quelques minutes de discussion, il fut décidé de continuer notre chemin. Nous avons appris par la suite qu’un groupe de rebelles avait essayé d’occuper la ville, mais n’y était pas parvenu. Lorsque vers 3 heures du matin nous roulions à travers la ville, tout était très calme.
En chemin vers Tripoli, notre car fut quelques fois contrôlé par des policiers en uniforme. Nous n’avons aperçu ni char, ni matériel militaire lourd. A Tripoli également, tout était remarquablement calme. Pas de soldats ni de tanks dans les rues. Les bazars étaient agréablement animés. De petits bus de transport faisaient des allers-retours et les gens étaient à la plage. Pas tout à fait une situation de guerre comme je me l’étais imaginée. En tout cas, pas une ville qui pourrait tomber à chaque moment, comme nous le fait croire l’OTAN lorsqu’ils parlent de la période post-Kadhafi. Pourtant, les habitants de Tripoli avaient quand même peur. La ville est régulièrement bombardée et ils peuvent donc en être victime à chaque instant.

L’OTAN part en guerre

Pendant 3 jours, nous sommes restés à Tripoli et nous pouvions nouer des contacts. Entre les conférences et les visites organisées, nous nous sommes rendus seuls en ville en reconnaissance. Les réactions des gens avec lesquels nous parlions étaient toujours les mêmes. Aussi bien le représentant des clans en Libye, la communauté africaine en Libye, les propriétaires de magasins, les étudiants et l’homme de la rue nous ont confirmé leur soutien au gouvernement. Tous condamnaient l’attaque de l’OTAN qui n’est là que pour « voler les richesses Libyennes ». Et malgré qu’un certains d’entre eux étaient également critiques vis-à-vis du gouvernement, ils n’encensèrent pas pour autant les rebelles qu’ils qualifient unanimement comme : “Al Qaeda, maffieux, opportunistes, ...”. Depuis le début, il s’agit d’une rébellion armée qui a commencé en Occident. Ils n’ont aucune confiance dans les leaders de la rébellion qui ont combattu en Afghanistan contre l’occupation des Etats-Unis, ou dans des opportunistes qui se trouvaient auparavant dans le gouvernement et qui font tout à coup volte-face.
Au même moment, ils nous mettent en garde - nous Européens - du fait qu’en cas de victoire des rebelles, la Libye deviendrait un pôle d’attirance pour les extrémistes religieux, du Mali au Soudan. L’Europe ne doit pas s’étonner que de cette ‘nouvelle’ Libye, des attentats soient planifiés contre l’Europe. La Libye va être tiraillée entre des guerres de clans, entre Arabes et Africains. Le développement du pays et de toute l’Afrique du Nord sera miné. La Libye s’oriente plus vers l’Afrique que vers le monde Arabe et les 4.000.000 d’étrangers en Libye ont généré jusqu’au début de la guerre, des ressources pour les pays voisins. Ils nous ont mis en garde contre la "Somalisation" de la Libye, ce qui finalement déstabilisera toute la région.
L’OTAN avait espéré que le régime libyen s’écroulerait de l’intérieur. L’Occident savait probablement que les ministres de la Justice, des Affaires Etrangères et Intérieures, et d’autres diplomates retourneraient leurs vestes. Néanmoins, le gouvernement tient toujours bon et l’OTAN se retrouve avec un fameux problème. A Tripoli, les gens nous ont confirmé que la population avait été armée. On parle de 2.000.000 armes qui ont été distribuées. Ce ne sera donc pas évident pour l’OTAN de contrôler Tripoli. Sûrement pas s’ils ne comptent que sur les rebelles, qui ne font plus aucune avancée depuis des semaines et ce malgré l’aide des bombardements de l’OTAN.

Cibles civiles et infrastructure

Sur ces 3 jours, nous avons pu visiter l’ancien centre de la ville, l’Académie, La Place Verte, le Bab Al Azizia et la maison bombardée du fils de Kadhafi. Chacune de ces places est une cible ou peut en devenir une, pour l’OTAN. Dans le centre ville, nous avons visité tous les jours le souk et avons discuté avec les commerçants. Quelques jours plus tard un autre souk fut bombardé. Nous avons également visité l’Académie. Des étudiants y suivent une formation afin d’obtenir un master ou un doctorat en langues ou en sciences. Le même jour, l’OTAN bombarda l’université de Al Fatah à Tripoli. Lors du bombardement du 30 avril sur la maison de Saif Al-Arab, le fils de Kadhafi ainsi que trois de ses enfants sont morts. En 1986, les Etats-Unis ont bombardé Bab Al Azizia, la résidence de Kadhafi. Aujourd’hui c’est une place centrale où les Libyens viennent montrer leur soutien au gouvernement. On y trouve de nombreuses familles et des étrangers venus de toute l’Afrique. Depuis le début de la guerre, le 19 mars, cette place a été déjà bombardée à trois reprises.
Il apparaît que l’OTAN bombarde des cibles civiles et des infrastructures à Tripoli, ce qui est illégal, même selon la résolution 1973. Les Tripolitains n’en sont pas pour autant découragés et s’opposent encore plus fort contre l’OTAN. Sur la Place Verte centrale, peu après notre départ - le 17 juin (4 mois après le début de la rébellion) - des centaines de milliers de Libyens se retrouvèrent pour exprimer leur soutien au gouvernement. Ce qui fit dire au journaliste de la chaîne CNN “... this crisis in Libya isn’t ending any time soon”. [1]

Le Hold-up du siècle

Avec les participants à la conférence nous avons eu le temps d’analyser les enjeux de la guerre et d’échanger nos opinions. L’indépendance de la Libye, qui n’a pas d’emprunt auprès de la Banque Mondiale ou du FMI, exaspère l’Occident. Ce que je ne savais pas c’est que la Libye possède plus de 143 tonnes d’or (valeur de +/- 4,8 milliard d’euro). Une quantité non négligeable dans des temps de crise financière. Cette attaque de l’OTAN s’avère ainsi être le hold-up du siècle. La Libye est également la force motrice pour l’établissement d’une banque Africaine de développement et à plus long terme, elle pense aussi à une monnaie unitaire Africaine. Ce n’est pas pour rien que la Libye est appelée la mère de l’Afrique. La guerre devient donc une nouvelle guerre coloniale qui menace l’indépendance des pays Nord-africains et menace par extension toute l’Afrique. N’oublions pas que l’Afrique est un continent très riche. Étant donné que les relations entre la Libye et le reste de l’Afrique sont très solides, il est logique que la Libye reçoive à ce titre l’aide des pays voisins. C’est ainsi qu’il y a des allers-retours de camions entre la Tunisie et la Libye. Il en est de même avec l’Algérie et le Niger.
Tout le monde était d’accord pour dire que l’Occident convoite aussi le pétrole (9e au monde sur le plan des réserves avérées), le gaz (23e) et l’uranium. Dans le même temps, l’intervention militaire menace aussi les révoltes populaires en Tunisie et en Egypte. Il était clair pour tout le monde que la rébellion en Libye n’est pas comparable avec ces révoltes et veut obtenir exactement le contraire. L’occident veut à tout prix éviter un front indépendant « Tunisie-Libye-Egypte ». Cela menacerait leurs intérêts géostratégiques dans la région. Le canal de Suez doit rester accessible et Israël ne peut être menacé.
Et enfin encore ceci : n’oublions pas que la Libye est un des nombreux pays qui coopère actuellement avec la Chine, l’Inde, le Brésil,.... Le monde unipolaire, dans lequel les Etats-Unis déterminent ce qui se passe dans le monde, est en train de changer vers un monde multi-polaire. La crise économique touche surtout l’occident et la force économique des Etat-Unis s’en trouve défiée. Obama fait donc tout ce qu’il peut pour ne pas perdre la position dominante des Etats-Unis. Néanmoins il apparaît qu’il y a à présent un vent contraire. Aux Etats-Unis, une dizaine de membres du congrès contestent la légalité de cette guerre. A l’intérieur de l’OTAN, les oppositions augmentent du fait que la guerre se prolonge plus que prévu et que l’addition, surtout pour la France, augmente considérablement. Pour la Belgique le problème n’est apparemment pas le même. De Crem vient d’annoncer que la Belgique pourra honorer son engagement en Libye pendant une durée indéterminée, même si la facture s’élève déjà à 5.000.000 euro par mois.

Alors « diplomatie » quand-même ?

Il apparaît que ce que notre ministre Vanackere et nos parlementaires n’ont jamais voulu, est quand même en train d’arriver. Comme les articles 1 & 2 de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU le demandent, des initiatives diplomatiques émergent de partout afin de mettre un terme à la guerre. Il y a déjà des contacts entres les autorités Libyennes et les rebelles. La Russie demande depuis longtemps de laisser faire le travail diplomatique ; Amr Mousa de la Ligue Arabe appelle à un cessez-le-feu et à une solution politique. « Last but not least », Groen ! demande un-cessez-le-feu temporaire. Ils s’inspirent peut-être des déclarations de Robert Gates, ministre de la Défense des Etats-Unis, sur la guerre en Afghanistan : “Cette sorte de guerre se termine généralement par des pourparlers”. On peut douter du fait que l’Occident et les rebelles vont s’inscrire dans ces propositions. Les propositions venant du Venezuela, de la Turquie et de l’Union Africaine avaient déjà été rejetées auparavant. De plus, la proposition du gouvernement Libyen d’organiser des élections a peu de chance d’aboutir. Tout comme en Palestine, ce ne seront probablement pas "nos" hommes qui gagneront.

A la recherche d’informations

De retour en Belgique, un tel voyage vous poursuit. Je me suis donc mis immédiatement à la recherche de plus d’informations sur la Libye. Ce n’est pas évident de trouver des informations qui n’émanent pas des médias Occidentaux, d’Al Jazeera, ou des médias libyens (oui, ils existent). Je suis ainsi tombé sur ce rapport récent : “Libye : Un avenir incertain - Compte-rendu de mission d’évaluation auprès des belligérants libyens”, d’une mission d’observation française indépendante. Pour être honnête, j’étais assez déçu après l’avoir lu. Non pas à cause du contenu, mais soudainement je n’avais plus rien à raconter de mon voyage. Le rapport, écrit par des experts indépendants, compte 44 pages et traite de toutes les facettes de la guerre en Libye. Un « must » pour tout un chacun qui veut juger de la situation en étant bien informé.
Et avant d’oublier : cette guerre n’a rien à voir avec les droits de l’homme. Vous vous en doutiez déjà, non ?

Par Mario Franssen le 29/06/2011
Source : INTAL

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