C’est le Canard enchaîné, dans son édition du 23 novembre, qui a levé le lièvre – un « lièvre » de belle taille : des officiers de la DGSE, le service de contre-espionnage français, ont été envoyés au nord du Liban et en Turquie avec pour mission d’instruire et de structurer les « contingents » de l’ »Armée syrienne libre« , censée regrouper des « milliers » de « déserteurs » syriens. Et dont le chef nominal, le colonel Ryad al-Asaad, se trouve précisément réfugié en Turquie depuis deux mois. Selon le Canard, « plusieurs membres du service Action de la DGSE et le « Commandement des opérations spéciales » (COS) sont déjà prêts en Turquie, s’ils en reçoivent l’ordre, à former ces déserteurs à la guérilla urbaine« . Interrogé, un officier de haut rang de la Direction du renseignement militaire confirme l’info, indiquant que ce sont les Français et les Britanniques qui ont pris l’initiative de rencontrer les responsables de l’ASL. Plus inquiétant encore, l’hebdomadaire affirme qu’une « intervention limitée » de l’OTAN est en préparation contre la Syrie chez les cerveaux malades et atlantistes de l’Elysée. S’agirait-il, avec le concours de la Turquie, d’aider l’ASL a créer un embryon de « territoire libéré » dans le nord du pays ? En ce cas, décidément, l’armée syrienne a bien fait de se redéployer tout au long de sa frontière avec la Turquie.
A la faveur du « Printemps arabe » et des crises libyenne et syrienne, on peut dire que les Américains et leurs alliés – ou leurs exécutants – ne s’embarrassent plus de précautions diplomatiques : ils aident ouvertement avec leur argent, leurs bombardiers ou leurs moyens diplomatiques à renverser ou marginaliser les nations et pouvoirs qui leur déplaisent. A l’échelle de la France, Nicolas Sarkozy, qui essaie par tous les moyens de se refaire une santé électorale d’ici le printemps prochain, et de faire oublier le quinquennat qui s’achève, a cru trouver dans la politique étrangère un moyen de rebondir : il s’efforce de colmater les brèches du radeau « euro », et il se déguise en champion de la liberté dans le monde arabe – un peu comme Erdogan, tiens. Ca a donné le bombardement de la Libye, et le renversement et l’assassinat de Kadhafi. Grisé par ce « succès », dont lui-même n’a pas encore mesuré toutes les conséquences – mais Sarkozy agit au mois le mois, et pour lui le seul horizon politique qui vaille est mai 2012 – le plus désastreux Président dont se soit doté la France – même Chirac a par comparaison des faux airs de de Gaulle – veut aussi « libérer » le peuple syrien, un peu comme Bush Jr a « libéré » le peuple irakien.
Une initiative irresponsable, que tout vrai opposant à Sarkozy doit condamner et bloquer
Le responsable du renseignement militaire interrogé par le Canard enchaîné a tenu à préciser qu’ »il ne s’agit pas de recommencer ce qui s’est passé en Libye« . La Russie, la Chine et d’autres refusant, comme du reste en principe la Turquie, toute intervention de l’OTAN contre la Syrie, Sarkozy et Juppé se trouvent en effet « privés de bombardements ». L’Elysée se rabattrait donc sur la formation des activistes armés, pour ce que le Canard enchaîné appelle « une guerre anti-Bachar par intermédiaire« . D’après ce que l’on croit savoir de l’ASL, largement montée en épingle par l’OSDH et les médias, il y a du boulot. A moins que nos spécialistes ne forment aussi des groupes salafistes, à notre avis bien plus présents sur le terain que les hypothétiques bataillons de l’ASL. Mais, de toute façon, là n’est pas le problème.
Si on a bien lu le Canard enchaîné, rien n’est encore fait. On souhaite donc qu’au Parlement, les socialistes – qui réclament notamment le retrait du contingent français d’Afghanistan – justifient leur statut officiel d’opposants à Sarkozy, et lui demandent des comptes sur cette nouvelle initiative d’apprenti-sorcier. A l’heure où les tensions sont plus que jamais explosives non seulement dans le Proche-Orient mais dans tout le monde arabe, où l’Egypte, entre autres, peut basculer dans le chaos, cette dernière initiative sarkozienne est irresponsable et criminelle. D’autant plus criminelle et irresponsable qu’elle est dictée, comme presque tout se qui se fait à l’Elysée, par des arrière-pensées électoralistes. Et on espère qu’un Hollande ne se retranchera pas derrière on ne sait quel « intérêt national » pour éviter de poser à son rival cette question-là ! Au fait les élus et personnalités de la majorité, s’ils ont encore quelque conscience ou souvenir de ce qui fut longtemps la tradition diplomatique française à l’égard du monde arabe, peuvent aussi poser des questions à leur candidat et leader officieux.
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