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mercredi 29 février 2012

Les fils de la terre : une vérité que l'on crient depuis des années ; une vérité qui arrive à l'écran sous les formes d'un documentaires


Au Salon de l'agriculture, il y a de vraies gens, de vrais agriculteurs, de vraies vaches. Les candidats à la présidentielle ont une semaine pour s'y montrer et les téléspectateurs, pour s'y croire, quelques images de tapes dans le dos, sur les croupes, les groins et les museaux. Mais la vraie vie des agriculteurs et de leurs vaches se trouve évidemment ailleurs, loin des cohues de la porte de Versailles et le documentaire "Les Fils de la terre", en a montré, mardi 28 février sur France 2, une tranche particulièrement amère.

Sébastien Itard, 38 ans, élève des vaches dans le Lot. A perte, car le prix du lait ne cesse de baisser depuis plusieurs années. On s'attend à être éclaboussé de chiffres : prix de revient, taux de rentabilité, marges arrières… Mais non, il n'y en a qu'un à retenir : chaque année de 400 à 800 agriculteurs français se suicident.
Le père de l'auteur du film, Edouard Bergeon, est entré dans cette sinistre statistique en 1999. Au fur et à mesure que les images racontent, sur plusieurs mois, l'histoire de Sébastien, les photos- souvenirs de la famille Bergeon retracent l'itinéraire d'un éleveur sombrant peu à peu dans la dépression qui finit par s'empoisonner avec des pesticides.
Alors, même quand le ciel est bleu et les nuages légers, l'atmosphère reste lourde. On s'attend à un drame à chaque tournant de la route que prend Sébastien pouraller travailler dans l'exploitation où ses parents, retraités, vivent toujours. Ecrasé par les dettes et la fatigue, il confie ses angoisses, à fleur de peau, souvent au bord des larmes. Très vite, on se retrouve au milieu d'un conflit entre le fils et le père. "Je me bats pour garder ce que mon père a fait, est-ce que ça vaut une vie ?", demande Sébastien. "Je me crève le cul pour faire tourner une exploitation qui est morte. Lui, il branle rien, tu le vois faire quelque chose depuis que tu viens ?", lance Jean-Claude. Du coup, chaque fois que le fils croise le père, on craint l'affrontement, l'avoinée, les cris. Même les vaches ont l'air triste.
Après une dispute de trop, Sébastien s'arrête de travailler. Les saisons passent, les tracteurs rouillent, les hommes aussi. Nous, on a fini par prendre nos repères : à la ferme des parents, le coin du feu et les lourds meubles en bois comme cette table où le père se tape le front quand il réalise que la vente devient inéluctable ; dans la maison de ville où Sébastien vit avec sa compagne, la nappe en toile cirée et l'horloge qui égrène les heures durant lesquelles il reste cloîtré dans sa chambre.
Pendant ce temps, Edouard Bergeon a retrouvé le journal de bord où sa propre mère écrivait : "Christian au lit toute la journée…" Les histoires se rejoignent quand Sébastien se pend dans sa cave. Puis elles s'éloignent quand il en réchappe. Au printemps, il reprend espoir grâce à un réseau de vente directe du lait. La ferme n'est plus à vendre, il se réconcilie avec son père mais reste prudent : "Tu sais pas ce qui va se passer dans trois-quatre ans. Tu sais même pas l'année prochaine..."L'année prochaine, quand on verra à la télévision les cohues du Salon de l'agriculture, on se souviendra de la solitude de Sébastien.

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