Julian Assange a rendu service à l’humanité en publiant les dépêches diplomatiques étasuniennes qui révélaient que "les décisions politiques étasuniennes étaient plus motivées par le pétrole que par la lutte contre le terrorisme" et que les meurtres et la torture de dizaines de milliers de civils par les forces des Etats-Unis et de l’OTAN en Irak et en Afghanistan dont font état les journaux de guerre respectifs étaient des preuves de crime de guerre.
Cependant, à son grand désarroi, Assange, en tant que dissident occidental ne jouit pas de la mansuétude dont jouissent les dissidents chinois. Les politiciens du monde "libre" ne veulent pas reconnaître qu’il a agit noblement en révélant les violations des droits humains et les crimes de guerre commis par l’OTAN et les Etats-Unis. Le président Obama a parlé d’une "déplorable fuite de documents" ; l’ancien président de la Chambre des Députés, Newt Gingrich, pense qu’Assange doit être traité comme un "combattant ennemi" ; le leader du groupe GOP (Grand Old Party : Parti Républicain, ndt), Mitch McConnell, l’a qualifié de "terroriste high-tech" ; et Sarah Palin veut qu’il soit pourchassé comme al-Qaeda.". D’autres politiciens dont des dirigeants de médias alignés "ont ouvertement demandé qu’il soit mis à mort."
L’accès à WikiLeaks a été instantanément bloqué par les employés fédéraux des Etats-Unis. Et c’est pareil en Allemagne.
Au Canada, des censeurs ont bloqué le site de WikiLeaks ; Interpol a publié un mandat d’arrêt contre lui et Tom Flanagan, le principal conseiller du premier ministre canadien Stephen Harper, a suggéré qu’il soit assassiné par un drone.
On a appris que Facebook avait effacé la page de WikiLeaks avec ses 30 000 fans ; Reporters Sans Frontières, les chiens de garde médiatiques (groupe de liberté de la presse) financés par le gouvernement étasunien, l’ont accusé d’être un "irresponsable".
Ses sources de financement ont été bloquées par des firmes occidentales comme VISA, MasterCard, Amazon, PayPal, Western Union et Bank of America. De sorte que WikiLeaks, étranglé financièrement, a été forcé de fermer temporairement son site en 2010.
On ne trouve quasiment personne dans la presse-système pour oser le présenter comme un militant des droits de l’homme ou de la liberté d’expression. En fait, comme les Australiens l’ont fait remarquer, "les rédacteurs en chef se sont retournés contre lui" ; le Guardian a noté que "de plus en plus de journalistes étasuniens prennent leur distance par rapport à WikiLeaks et Assange." Une tribune du Washington Post demande qu’il soit poursuivi et que la loi contre l’espionnage soit remodelée.
Si l’on en croit un sondage de CNN, le peuple américain semble aussi l’avoir abandonné puisque 77% des gens disent que ces documents du gouvernement étasunien n’auraient pas dû être publiés.
Les avocats qui défendent Assange se plaignent d’être surveillés et de subir des pressions de Washington.
Assange a été complètement abandonné par sa mère-patrie, l’Australie. Le gouvernement australien non seulement s’est complètement désintéressé de ses droits humains élémentaires et de la liberté de la presse, mais le premier ministre, Julia Gillard, s’est jointe aux Etats-Unis pour le condamner en prétextant qu’il avait agi illégalement tout en étant incapable de "dire en quoi WikiLeaks avait violé la loi". En deux occasions, le gouvernement australien a menacé de l’arrêter bien qu’il sache pertinemment qu’Assange est mal traité en Grande Bretagne depuis 2010. Sa liberté de mouvement a été limitée par un bracelet électronique et il est virtuellement assigné à résidence après avoir passé 9 jours à l’isolement dans une prison de Londres sans charges et sur la base d’allégations qu’il niait expressément. Selon sa mère, Assange n’a reçu aucune aide du gouvernement australien.
Un article de Crikey note à juste titre qu’il aurait mieux valu pour Assange être accusé de trafic d’armes avec Bagdad.
En fait, on a même appris qu’à un moment donné l’Australie a envisagé d’annuler le passeport d’Assange ; on aurait aussi essayé d’empêcher son avocate australienne, Jennifer Robinson, de prendre l’avion à l’aéroport d’Heathrow pour rentrer en Australie au prétexte qu’elle était sur une "liste de surveillance" et qu’il lui fallait une autorisation officielle pour pouvoir retourner dans son pays natal.
Assange est un dissident occidental, il ne jouit pas de la mansuétude accordée aux dissidents chinois. Sa cause est peut-être noble et un Russe a même dit qu’il méritait le prix Nobel de la paix. Mais les forces qui décident de son sort sont puissantes et impitoyables. Il se pourrait qu’il finisse comme Bradley Manning dans une célèbre prison militaire étasunienne, obligé de passer toutes ses nuits tout nu, maintenu à l’isolement, persécuté et privé de sommeil comme le recommande le manuel d’interrogatoire de la CIA. Des officiels de l’ONU s’indigneront peut-être de temps en temps qu’il soit traité de manière "cruelle et dégradante" mais la plupart des médias alignés ne relaieront même pas leurs observations.
Le procès de Manning par le monde "libre" sera tenu secret ; on sait que son avocat se bat pour avoir accès aux documents du gouvernement pour pouvoir préparer sa défense. Apparemment les gens qui s’inquiètent de sa santé ont aussi beaucoup de mal à obtenir l’autorisation de le voir.
Le gouvernement australien est parfaitement conscient des mauvais traitements que le monde "libre", notamment les autorités anglaises et suédoises, inflige à Assange mais il laisse Assange se débrouiller tout seul.
Est-ce que les droits humains et la liberté de la presse sont vraiment des valeurs universelles occidentales ?
Wei Ling Chua
Wei Ling Chua est journaliste indépendant accrédité par Australia News and Feature Services (ANFS) et International News Syndicate (INS) et chercheur indépendant en désinformation médiatique. On peut le joindre à : wchua62@gmail.com et consulter son site : http://www.outcastjournalist.com/
Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2012/06/julian-assange-the-price-o...
Traduction : Dominique Muselet
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