David Hill et Klee Benally. Photo Patrice Morel
A bientôt 70 ans, le symbole de la résistance indienne a déjà passé 38 ans derrière les barreaux, au terme d'un procès truqué jamais révisé. Son comité de soutien veut recruter un avocat de renom pour convaincre Obama de lui accorder, enfin, la grâce présidentielle. Ils ont deux semaines pour récolter 50 000 dollars.
Invités par le festival Mamm Douar de Saint-Nolff (Finistère), David Hill, directeur exécutif du Comité international de défense de Leonard Peltier (ILPDC), et Klee Benally, musicien, réalisateur et activiste, en ont profité pour donner, à Paris, deux conférences-concerts au "Quartier général" et à la galerie Art Roch afin de sensibiliser l'opinion française à la situation dramatique de Leonard Peltier.
David Hill est l'un des ses plus fidèles amis. Ils se sont rencontrés en 1972 au sein de l'American Indian Movement (AIM). Ce mouvement d'entraide et de protection des Amérindiens est issu de plusieurs groupes de défense des droits civiques, à une période d'émancipation des minorités et de lutte contre la ségrégation (Black Panthers, Brown Berets...). A l'époque, l'AIM est en plein essor et organise des occupations spectaculaires, du quartier général du Bureau des affaires indiennes à celle de Wounded Knee, en passant par l'ancienne prison d'Alcatraz.
Toute sa vie, Leonard Peltier n'aura de cesse de lutter contre les inégalités, les injustices et le racisme encore latent envers les populations amérindiennes. David Hill égrenne des statistiques toutes plus affolantes les unes que les autres : 65 % de chômage, 35 % d'alcoolisme, une mortalité due à la tuberculose et autres maladies infectieuses presque 3 fois supérieure au reste de la population américaine, 7 fois plus de temps passé en prison que les autres groupes ethniques... "Je pourrais continuer comme ça pendant des heures. A travers le pays, notre peuple est toujours le plus pauvre parmi les pauvres."
Un symbole de la résistance indienne contre l'oppression
En juin 1975, alors que l'AIM lutte contre les milices d'un Conseil tribal corrompu, une fusillade éclate dans la réserve indienne de Pine Ridge (Dakota du Sud). Deux agents du FBI (Federal Bureau of Investigation) et un adolescent sont tués. Leonard Peltier, l'un des leaders de l'AIM, est très vite accusé de l'assassinat des agents spéciaux. Il se réfugie au Canada où il est arrêté en février 1976. L'année suivante, il est condamné à deux peines consécutives de prison à perpétuité.
Son procès est considéré comme injuste voire truqué par de nombreux observateurs. "Ils ont violé plus de 20 lois constitutionnelles dans le procès de Leonard Peltier", assure David Hill. Témoins manipulés, preuves fabriquées, documents dissimulés à la défense... Tout laisse croire que Leonard Peltier est victime d'un coup monté par le FBI dans sa guerre contre l'AIM (1). "Nous pensons que le gouvernement l'a piégé. Ils veulent maintenir la peur pour que personne ne puisse s'exprimer. Aux Etats-Unis, on appelle ça le Counter Intelligence Program", lance le président de l'ILPDC. Le "Cointelpro", un programme de contre-espionnage du FBI hérité de la guerre froide, accusé par l'AIM d'avoir orchestré plusieurs dizaines d'assassinats politiques.
Six fois nominé pour le prix Nobel de la Paix, Leonard Peltier reçoit tout au long de sa détention le soutien de personnalités comme Nelson Mandela, Desmond Tutu, du Dalaï Lama ou encore du sous-commandant Marcos, mais aussi d'institutions comme les Parlements européen, belge, italien, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme... Il sera même, depuis sa cellule, le candidat à l'élection présidentielle de 2004 pour le Parti pour la paix et la Liberté (PFP). Le documentaire "Incident at Oglala", produit par Robert Redford, raconte son histoire :
Leonard Peltier est aujourd'hui âgé de 69 ans, dont plus de 38 passés dans l'enfer des prisons de haute sécurité américaines. Ni les demandes de révision de son procès, toujours refusées, ni les recours en grâce auprès des présidents successifs - Clinton y était favorable mais a cédé sous la pression du FBI ; Bush a refusé -, ni les nombreuses pétitions et campagnes de soutien n'ont porté leurs fruits. Amnesty International (AI) considère qu'il ne pourra pas demander sa libération conditionnelle avant 2024. Si rien ne bouge, il ne devrait pas être libéré avant 2040 :
"Etant donnés que tous les recours légaux disponibles ont été épuisés et que Leonard Peltier a maintenant passé plus de [38] ans en prison et est en mauvaise santé, AI croit que (...) les autorités américaines devraient ordonner la libération de Leonard Peltier sur des bases humanitaires et dans l'intérêt de la justice."
Enfermé à Coleman en Floride, l'homme souffre de nombreux problèmes de santé. Ses conditions de détention n'arrangent pas les choses : lors de son dernier transfert, il est brutalement passé à tabac par des codétenus. Malgré son état préoccupant et un comportement exemplaire - il peint, écrit des textes - il est placé à l'isolement. Plus grave encore, ses geôliers lui refusent l'accès, pourtant vital, à ses médicaments contre le diabète.
Deux semaines pour trouver 50 000 dollars
David Hill et le comité de soutien négocient actuellement avec un avocat américain de renom spécialisé dans les recours en grâce. Mercredi matin, l'avocat a fait savoir au comité de soutien que celui-ci devait lui verser 50 000 dollars au plus tard dans deux semaines, faute de quoi il s'occupera d'autres clients. "C'est seulement pour commencer à travailler. Nous voulons qu'il enregistre une demande de grâce présidentielle, basée sur le fait que Leonard Peltier n'a pas eu le droit à un procès équitable, que le système judiciaire a fait défaut, que le système constitutionnel a fait défaut, et qu'il a été emprisonné à tort", résume David Hill. Les amis et défenseurs de Leonard Peltier se sont lancés dans une course contre la montre pour trouver les fonds nécessaires.
"Leonard Peltier est entré dans la dernière période de sa vie. Cette porte sera la dernière. Nous voulons qu'il sorte de cette prison et qu'il puisse voir la vraie vie, ses enfants, ses petits-enfants. Cet homme a passé 38 ans en prison pour un crime qu'il n'a pas commis, et je demande votre aide." David Hill
Pour en savoir plus ou soutenir Leonard Peltier, rendez-vous sur le site de son comité de soutien : www.leonardpeltier.info
(1) In the spirit of Crazy Horse. The story of Leonard Peltier and the FBI's war on the American Indian Movement, Peter Matthiessen, Penguin Books
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