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mardi 25 novembre 2014

Un enfant est mort.Nous voulons saluer la mémoire de Magomedkhan, 11 ans, mort dans un parking, jeudi soir, et témoigner notre solidarité à sa famille.

Communiqué des associations :
24 novembre 2014
Un enfant est mort.

Nous voulons saluer la mémoire de Magomedkhan11 ans, mort dans un parking, jeudi soir, et témoigner notre solidarité à sa famille.
Depuis son arrivée en France en 2009, avec ses parents fuyant les persécutions et demandant un Asile qu'on leur a refusé, Magomedkhan s’est retrouvé sans ressources avec sa mère et ses 3 frères.

L'urgence était pourtant criante : 
- Une mère isolée avec 4 enfants mineurs dont un enfant lourdement handicapé ;
- Cette mère disposant d'une autorisation provisoire de séjour renouvelée tous les 6 mois ; 
- Des documents délivrés par la préfecture, mais sans le droit au travail ;
- Cette mère sans aucune ressources ni allocations pour l'éducation des enfants ;
- Un hébergement d'urgence de 9m2 obtenus depuis peu, après de longues procédures.

Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir saisi, à de multiples reprises, les institutions concernées  pour obtenir la carte de séjour qui aurait pu permettre à la famille de stabiliser sa situation, un hébergement dans un CHRS, le droit pour l'enfant handicapé à pouvoir bénéficier d'une aide matérielle.... 

C'est dans ces conditions que la famille n’a jamais pu poser ses maigres valises dans un endroit stable et sécurisant alors que l'association Habitat et Citoyenneté a alerté les services sociaux sur la nécessité impérieuse d'obtenir une place dans un centre d'hébergement et de réinsertion.

Jamais Magomedkhan n'a eu droit à un bout de chambre à lui, ni à un bureau pour faire ses devoirs, ni à des repas assurés chaque jour, encore moins à des loisirs.
Malgré cela, il a beaucoup investi dans l’école, seule institution accueillante.

Depuis ses 7 ans, le petit Magomedkhan faisait le traducteur de toutes les démarches administratives de sa mère, de ses frères ; il accompagnait sa mère dans les hôpitaux, celle-ci n'ayant jamais eu le temps de se rendre à des cours de français, ne pouvant laisser seul l’enfant malade.

Magomedkhan attendait le soir que la boulangerie du quartier ferme pour rapporter le pain non vendu à la maison et cela, tout le monde le savait.
Seules les associations humanitaires et militantes ainsi que des citoyen-nes bénévoles ont apporté leur aide à cette famille, pour se nourrir, se vêtir ....

Magomedkhan, enfant lumineux et joueur en dépit de tout, comme tous les enfants, avait besoin de loisirs. Il a grandi trop vite comme la plupart des enfants dans sa situation, enfant d'étrangers fuyant des pays où leur vie ne vaut pas cher.
Ce soir-là, il était sorti retrouver des copains… pour oublier ?  pour respirer ? pour avoir un peu d'espace ?
Sa mère a bien essayé de le joindre au téléphone mais…
Ce n'est pas seulement une bombe aérosol qui a tué Magomedkhan, ce sont surtout les violences institutionnelles subies par sa famille en contradiction totale avec la CIDE(Convention Internationale des Droits de l'Enfant) dont nous venons de célébrer l'anniversaire.
"l'intérêt supérieur de l'enfant " dont parle cette Convention signée par la France, ce n'était pas pour lui, ni pour ses  frères, ni pour tous les petits Magomedkhan qui grandissent dans notre beau pays.

Premiers signataires :
ADN ; Amnesty International Nice ; CIMADE ; COVIAM ; Habitat&citoyenneté ; LDH Cannes ; LDH Nice ; MRAP ; RESF 06 ; Secours Catholique ; …
 contact : Hubert Jourdan 06 21 41 23 82
RESF organise une collecte pour venir en aide à la maman :
Vous pouvez apporter ou envoyer (et même recueillir autour de vous) :
-          Soit au cercle de silence de Masséna, ce mardi 25 novembre.
-          Soit chez Habitat&Citoyenneté , 28 rue Dabray, Nice (mardi et vendredi)
-          Soit à MRAP (« pour Magomed ») voir consignes en  attaché.
Enfant mort dans un parking à Nice: la piste d'un jeu fatal
Vous vous souvenez ?  ▶ Qui a tué Davy Moore - Graeme Allwright   https://www.youtube.com/watch?v=4uzdYyRBXFU
[Refrain] :
Qui a tué Davy Moore?
Qui est responsable et pourquoi est-il mort?

Ce n'est pas moi, dit l'arbitre, pas moi.
Ne me montre pas du doigt!.
Bien sûr, j'aurais peut-être pu l'sauver
si au huitième j'avais dit "assez!",
mais la foule aurait sifflé:
ils en voulaient pour leur argent, tu sais,
C'est bien dommage, mais c'est comme ça.
Y' en a d'autres au-dessus de moi.
C'est pas moi qui l'ai fait tomber,
vous n'pouvez pas m'accuser!

[Refrain]

Ce est pas nous, dit la foule en colère,
nous avons payé assez cher.
C'est bien dommage, mais entre nous,
nous aimons un bon match, c'est tout.
Et quand ça barde, on trouve ça bien,
mais vous savez, on n'y est pour rien.
C'est pas nous qui l'avons fait tomber,
vous n'pouvez pas nous accuser!

[Refrain]

Ce n'est pas moi, dit son manager à part
tirant sur un gros cigare.
C'est difficile à dire, à expliquer
J'ai cru qu'il était en bonne santé.
Pour sa femme, ses enfants, c'est bien pire,
mais s'il était malade, il aurait pu le dire.
C'est pas moi qui l'ai fait tomber,
vous n'pouvez pas m'accuser!

[Refrain]

Ce n'est pas moi, dit le journaliste de la Tribune
tapant sur son papier pour la Une.
La boxe n'est pas en cause, tu sais:
dans un match de foot y' a autant d'dangers.
La boxe, c'est une chose saine,
ça fait partie de la vie américaine.
C'est pas moi qui l'ai fait tomber,
vous n'pouvez pas m'accuser!

[Refrain]

Ce n'est pas moi, dit son adversaire le Caïd
qu'a donné le dernier coup mortel.
De Cuba il a pris la fuite
où la boxe est maintenant interdite.
Je l'ai frappé, bien sûr, ça c'est vrai
mais pour ce boulot on me paie.
Ne dites pas que je l'ai tué, et après tout
c'est le destin, Dieu l'a voulu.

[Refrain]

Une lettre perdue, pour Pier Paolo Pasolini "Communiste de l’âge des premiers chrétiens"

Pour Pier Paolo Pasolini

Une lettre perdue, pour Pier Paolo Pasolini

Pasolini foot

Communiste de l’âge des premiers chrétiens
tu marches les pieds nus sur un chemin de terre
le long d’un terrain vague dans les faubourgs de Rome.
Un engin de travaux publics, une excavatrice, rouille
sur le chantier qui semble abandonné
au milieu de la glaise des fondrières.
Tu as connu la lumière de la Résistance
mais aussi l’aveuglement des feux de camp
et le jour blanc qui n’en finit pas.
Les buissons portent des couronnes de baies
noires à l’endroit où ton frère a perdu son sang
;d’elles, on dit qu’elles sont un poison violent.
C’est dans la brume d’une fin d’été que s’évapore l’Italie
des jeunes paysans en habits de velours
qui se promènent, un rossignol entre les mains.
Et toi marchant vers eux tu cherches en vain
une religion de l’amour pour relier les hommes
et unifier la Terre.
Tu as déserté l’église où nul dieu ne loge
et ramassé les cendres de Gramsci pour les faire danser
dans la lumière d’un cinéma de plein air.
Sur la décharge à flanc de colline flambe l’âcre feu
des années soixante où brûlent les ordures
de la société de consommation.
Frère terrestre, frère impur hanté par l’idée
de la pureté, misérablement humain
qui se déchire aux épines du chemin.
Non pas Homme nouveau, ni peut-être total,
mais l’homme antique, le toujours changeant
qui se sent au printemps comme neuf.
Sempiternelle question de la nature humaine…
« L’homme est un processus, disait Gramsci,
le processus de ses actes. »
Ton destin était d’être un passager inquiet
en ce monde déraisonnable et beau
où sont menacés le sens et la beauté.
Ce fut à l’apogée du communisme italien
que tu le vis de l’intérieur dévoré
par la sociale démocratie, la conquête de l’Etat,
Le charme discret de la bourgeoisie et les séductions
du pouvoir. Une Alfa Roméo le doublant sur la route
fait déraper le triporteur dans le fossé…
Le temps de la révolution est-il donc passé ?
« Notre histoire est finie », disais-tu.
Pourtant, la moitié du monde va toujours nu-pieds.
Nous n’avons pas su inventer encore
une vie nouvelle frugale et matinale
où tous auraient leur place.
L’aura d’une aube dédorée auréole tes traits.
Les révolutionnaires ont (mais pas toujours)
le sens du sacré, de la vie, de l’amour.
Dans la passion désespérée d’être au monde
« Ce n’est qu’aimer et que connaître,
disais-tu, qui compte ».
Près des panneaux publicitaires, sur le trottoir
qu’envahissent les herbes folles, les jeunes en Vespa
portent en eux un dieu qu’ils ne connaissent pas.
On t’a retrouvé, toi que blessaient les stigmates
de tous ; ton corps martyrisé sur la plage d’Ostie,
massacré par des voyous, des fascistes.
Tu es dans la bouche du peuple comme une hostie
que certains recrachent sur la route
mais tes poèmes valent mieux que le vin de messe.
Les prolétaires qui sont les plus nombreux
sont toujours seuls sur la Terre.
Déshérités ils contemplent le petit jour
qui se lève sur la vallée… Tandis que dans leurs villas
quelques privilégiés négocient un contrat
de cryogénisation pour l’au-delà.
Ils ont comploté de coloniser l’univers
mais nous, nous ne comptons pas sur les extra-terrestres.
Nous ne rêvons pas de partir… la vraie vie est ici.
Quand nous aurons détruit la Terre, pourra-t-on
exfiltrer toute l’humanité ? Si la seule vie
est ici-bas, le salut commun est dans le partage.

21 novembre 2014
 Ce poème est paru dans le numéro 235 de Cerises

vendredi 7 novembre 2014

Pour Edward Snowden, le meilleur moyen de protéger sa vie privée en ligne, c'est de laisser tomber les services comme Google, Facebook et Dropbox


Pour Edward Snowden, le meilleur moyen de protéger sa vie privée en ligne, c'est de laisser tomber les  services comme Google, Facebook et Dropbox. C'est ce qui ressort de l'interview que l'homme à l'origine des révélations sur la NSA a accordée ce week-end dans le cadre du New Yorker Festival. Le site Techcrunch revient sur les conseils distillés par Snowden. 

Première recommandation : ne pas utiliser les services "hostiles à la vie privée", comme DropBox, qui ne permettent pas de crypter les données. Snowden précise que même si Facebook et Google ont amélioré leur niveau de sécurité, ils restent des services "dangereux". Techcrunchsouligne avec ironie que "les internautes qui suivaient l'interview en direct sur Google Hangouts ou YouTube pouvaient voir un logo Google au-dessus du visage de Snowden en même temps qu'il prononçait ces mots". Dernier conseil de Snowden : "N'envoyez pas de SMS non cryptés. Utilisez les services comme RedPhone et Silent Circle [des applications de cryptage pour smartphone]."

"C'est le gouvernement qui doit se justifier"

"Certains disent qu'ils n'ont 'rien à cacher', mais dire cela, c'est inverser les responsabilités", a expliqué Edward Snowden. "Dire : 'Je n'ai rien à cacher', cela revient à dire : 'Je me fiche de ce droit'. C'est dire : 'Je ne dispose tellement pas de ce droit que j'en suis arrivé au point où je dois m'en justifier'. Alors que normalement, c'est le gouvernement qui doit se justifier de ne pas respecter vos droits", a-t-il développé, pour appuyer son appel à une réforme de la politique américaine en matière de respect de la vie privée. 

(L'intégralité de l'interview est visible ci-dessous)

jeudi 6 novembre 2014

Total et de Margerie : du pétrole et du gaz couleur de sang /Pour moi cette mort du PDG de TOTAL n'éveille en moi aucune compassion , n'en déplaise aux bourgeois !

La mort de Christophe de Margerie, Président Directeur Général du groupe Total, survenue le 20 octobre 2014 dans un accident d’avion, a été l’occasion d’un concert quasi-unanime de louanges pour l’homme et pour la multinationale qu’il dirigeait. C’est l’occasion pour nous de nous arrêter sur les activités de ce groupe, avant et pendant la présidence de Monsieur de Margerie. C’est également le prétexte que nous saisissons pour revenir sur quelques concepts de base ignorés du discours journalistique : impérialisme, capital financier, etc. Au-delà de la désinformation médiatique mais nous basant sur ces concepts ainsi que sur quelques faits précis, le pétrole et le gaz de Total apparaissent singulièrement tachés du sang des victimes de l’impérialisme français.

« Chaque goutte de pétrole est une goutte de sang »
Clémenceau

L’héritage de Total

A entendre nos médias classiques, les louanges à l’égard de Christophe de Margerie sont quasi-unanimes. François Hollande souligne qu’il « défendait avec talent l’excellence et la réussite de la technologie française à l’étranger (1) ». Manuel Valls, Emmanuel Macron et Jean Pierre Chevènement le qualifie de « grand capitaine d’industrie (2) ». Des propos similaires sont tenus à droite par Nicolas Sarkozy, par exemple, qui considère le PDG de Total comme « un homme qui avait apprivoisé la mondialisation (3) » ou au MEDEF par Pierre Gattaz qui salue « le visionnaire (4) », etc.
En prenant la direction du Groupe Total en 2007, Christophe de Margerie a pris la tête d’une multinationale déjà riche d’une longue histoire qu’il n’est pas inutile de rappeler. L’ancêtre de Total est la Compagnie Française de Pétrole créée en 1924 pour l’exploitation du pétrole du Moyen-Orient, qui diversifie progressivement ses activités en les étendant au gaz mais aussi au raffinage, à la distribution et à la chimie, et s’implante dans plus de 130 pays. La Compagnie devient Total-CFP en 1985, puis Total en 1991, Totalfina en 1999 après sa fusion avec Pétrofina et enfin Total-Fina-Elf après fusion avec Elf Aquitaine. La multinationale française fait partie des « majors » c’est-à-dire des six plus grandes compagnies pétrolières privées mondiales. Avec un chiffre d’affaires de 288,88 milliards de dollars et un bénéfice de 11, 20 milliards de dollars en 2013, elle est classée onzième dans le classement des 500 entreprises les plus importantes du magazine Fortune (5). Mais l’héritage de Total ne se limite pas à ces chiffres impressionnants. Il se trouve également dans des événements politiques auxquels Total a été mêlé. Donnons quelques exemples de cet héritage politique en commençant par l’attitude du groupe envers les régimes racistes d’Afrique du Sud et de Rhodésie.
La CFP est présente en Afrique du Sud depuis 1956. Devenue Total-CFP en 1989, la multinationale a des intérêts dans le pays du racisme officiel, dans les secteurs des mines, du charbon, de l’énergie solaire, des chemins de fer, de la distribution d’essence avec un réseau de 700 stations, etc. Elle est en outre fournisseuse de l’armée et de la police sud-africaine. Elle collabore au régime de l’apartheid jusqu’à la chute de celui-ci en lui permettant de contourner l’embargo pétrolier décidé par l’ONU en 1977.
« Les pipe-lines secrets sud-africains transportent bien du pétrole à l’aller, souligne Franck Teruel en 1989, au retour, ils amènent de l’uranium à Pierrelatte via Marseille. Ceci expliquant cela : l’Afrique du sud n’a jamais manqué de pétrole (6) ». Les associations anti-apartheid ciblent directement le groupe Total au cours de la décennie 80. En 1986, Sophie Passebois intitule un dossier spécial d’un titre éloquent : Total : le carburant de l’apartheid (7). Une vingtaine d’associations lancent à la même période une campagne intitulée « Pour le retrait de Total d’Afrique du Sud et de Namibie », dont le texte d’appel précise : « L’Afrique du Sud n’a pas de pétrole : c’est son « talon d’Achille ». Soumise à un embargo pétrolier, elle a besoin de la complicité des compagnies pétrolières occidentales comme Total (8). »
Les profits de Total de cette période sont liés aux crimes de l’apartheid en Afrique du Sud et en Rhodésie.
Au Cameroun, c’est la racine « Elf » de la multinationale que nous retrouvons en action dans la décennie 70. L’assassinat d’Um Nyobe par l’armée française a permis la transition vers un régime néocolonial entièrement inféodé à Paris. Le président Hamadou Ahidjo soutenu par Paris met en œuvre une répression sanglante de 1961 à 1971. La société Elf contrôle le secteur pétrolier et assure un soutien indéfectible au dictateur. « Elf Aquitaine, fauteur de fascisme (9) » titre l’écrivain camerounais Mongo Beti. Le successeur d’Ahidjo, Paul Biya, est aussi porté à bout de bras par la multinationale française. L’ancien directeur des « affaires générales » d’Elf le reconnaît lui-même :
« Un jour, j’étais reçu à la présidence camerounaise par le président Paul Biya. Il avait besoin de 45 millions pour sa campagne. J’étais seul avec lui, ces gars-là, ils ne font confiance à personne. Ils ont besoin de cash et ils ont besoin que ce cash échappe à leur ministre des Finances. C’est pour cela que le groupe Elf monte des off-shore qui échappent à tout contrôle (10) »
La situation est similaire en République du Congo où Sassou-Nguesso est porté à bout de bras par la multinationale. Ce dictateur ne doit son retour au pouvoir en 1997 qu’à une guerre civile de quatre mois entièrement financée par le groupe pétro-gazier. Le journaliste belge David Servenay affirme aussi que « les hommes d’Elf ont financés des trafics d’armes au Congo-Brazzaville (11) ». Le président d’honneur de la fédération des Ligues des Droits de l’Homme est encore plus explicite : « Le pétrole a bâillonné la démocratie. La société Elf, devenue Total, avec l’entier appui complice des autorités françaises, a manœuvré en coulisse pour s’assurer la mise en place d’un pouvoir congolais aussi bienveillant que compromis (12) ». Nous aurions pu également citer la guerre du Biafra et le soutien actif d’Elf à la rébellion (13) ou le Gabon d’Omar Bongo (14)
Au Cameroun, au Congo, au Nigeria ou au Gabon, comme dans beaucoup d’autres pays africains, Total est un faiseur de dictatures et de dictateurs.

La continuité de Christophe de Margerie

La présidence de Christophe de Margerie reste dans la continuité des pratiques antérieures de la CFP et d’Elf. Le soutien à la junte birmane commence avant de Marjorie mais se poursuit avec lui. La junte militaire était pourtant critiquée par l’Organisation Internationale du Travail en 2000 pour la pratique du travail forcé caractérisé comme « une forme contemporaine d’esclavage (15) ». La multinationale est présente en Birmanie depuis la signature en 1992 d’un contrat pour l’exploitation de la nappe de gaz du golfe de Martaban. Elle est également le principal investisseur du pays avec 31,24 % du total des investissements (16). Le groupe pétro-gazier ne nie même pas l’existence de travail forcé à son profit. Le président de son « comité d’éthique » déclare cyniquement en 2001 : « Lorsqu’un cas de travail forcé est porté à notre connaissance, nous nous efforçons d’apporter une compensation (17) ». Avec de Marjorie, la présence de Total se renforce encore. Le 3 septembre 2012, le groupe annonçait « avoir acquis 40 % dans un bloc d’exploration d’hydrocarbures au large de la Birmanie (18) ».
Pourtant le même déclarait en 2007 que « Total ne se retirerait pas de Birmanie » mais « qu’investir dans ce pays aujourd’hui serait une provocation (19). » Il est vrai que, depuis 2011, le gouvernement birman s’est donné une apparence plus présentable par la mise en place d’un « gouvernement civil ». Les militaires continuent d’occuper 25 % des sièges du parlement et de contrôler les secteurs clefs de l’économie. Les profits de Total avant et après la nomination de Christophe de Margerie sentent aussi l’esclavage contemporain.
Au Nigeria, Total développent ses activités par l’expulsion de plusieurs dizaines de milliers de paysans de la communauté EGI de leurs terres dans l’État Rivers (20). Le groupe pétrolier a d’ailleurs été nominé en 2014 par un collectif d’ONG pour le prix Pinocchio avec le commentaire suivant : « Au Nigeria, Total a réussi à imposer son empire en divisant les communautés locales et en multipliant les programmes « RSE », pour mieux cacher le désastre environnemental et l’accaparement de terres que provoquent ses projets pétroliers et gaziers (21). » Le prix est décerné à l’entreprise ayant mené la politique la plus agressive en termes d’appropriation, de surexploitation ou de destruction des ressources naturelles. Le groupe pétrolier peut se targuer d’être souvent nominé. Ainsi en 2008, il l’était dans la catégorie « mains sales poches pleines » et « plus vert que vert » et, en 2009, dans la catégorie « « Une pour tous, tous pour moi » et « mains sales poches pleines ». Total, sous la direction de Christophe de Margerie, doit une partie de ses profits à l’expulsion des paysans de leurs terres comme au temps béni des colonies.
Pour sa part, la précipitation du gouvernement français à intervenir en Libye ne peut pas ne pas être mise en lien avec les résultats de la guerre : « Qui était parmi les tout premiers Français à venir début mars à Benghazi encourager les insurgés libyens ? Un représentant de Total. Et l’entreprise peut aujourd’hui se frotter les mains : l’empressement de l’Elysée à reconnaître le CNT, comme à défendre l’intervention militaire, a fait rentrer le groupe dans les bonnes grâces du futur régime » fait justement remarqué le Journal l’Humanité du 24 août 2011.
Le ministre des Affaires Etrangères de l’époque était d’ailleurs limpide sur les réels buts de guerre : « On nous dit que cette opération en Libye coûte cher, mais c’est aussi un investissement pour l’avenir (22). » Enfin le journal Libération se faisait l’écho dans son édition du premier septembre 2011 (23) d’une lettre du Conseil National de transition promettant 35 % du brut libyen à l’État français.
Un pays plongé dans le chaos total et au moins 60 000 morts, voilà le coût des intérêts de Total sous la direction de de Margerie en Libye.
Arrêtons là l’énumération. Nous aurions pu souligner la coïncidence entre la découverte dans le bassin de Taoudenni (Chevauchant l’Algérie, la Maurétanie et le Mali) d’importantes réserves de pétrole et l’intervention française au Mali ou encore la coïncidence entre des contrats signés avec la Chine pour l’exploitation du pétrole centrafricain et l’intervention française dans ce pays. Le journal Le Canard Déchaîné commente ainsi la coïncidence malienne :
« Mais à en croire une source, généralement dans le secret des dieux, le Groupe français, Total, serait en train d’explorer les bassins pétroliers de Taoudéni. Avec « l’autorisation » des autorités maliennes. Du côté du ministère des Mines, le silence est assourdissant. Jugée gênante, la question est balayée du revers de la main.
Partout, la réponse, le même refrain : « Nous ne sommes pas au courant ! ».
Intervenue, militairement, le 11 janvier 2012, pour stopper l’avancée des djihadistes vers le sud, la France se voit attribuer des licences d’exploration, voire d’exploitation, du bassin pétrolier de Taoudéni. Sans débourser le moindre euro. Contrairement aux multinationales dûment mandatées. Et, plus grave, sans en informer les Maliens, propriétaires légitimes de ces gisements. On ne regrette d’avoir choisi la France que lorsqu’il est trop tard !! (24) »
Encore un malien adepte de la théorie du complot, diront les faiseurs d’opinions.

Questions de vocabulaire

Bien sûr Christophe de Margerie n’est pas le cœur du problème. Il n’était qu’un outil compétent au service d’intérêts plus puissants : ceux des actionnaires du groupe Total. Regardons donc de plus près le groupe et ses actionnaires. Il suffit de se souvenir des noms successifs du groupe pétrolier pour saisir le caractère monopolistique de Total. Les fusions successives avec Elf-Aquitaine et avec Pétrofina encouragées par l’État mettent le groupe Total en situation de monopole pour le secteur pétro-gazier français avec, pour l’année 2013, 104 milliards d’euros de capitalisation boursière (première capitalisation du CAC 40), un chiffre d’affaires de 189,542 milliards d’euros et un résultat de 8,44 milliards d’euros (25). La première caractéristique du groupe Total est bien son caractère monopolistique.
Regardons maintenant du côté des actionnaires. Rappelons que la création de la Compagnie Française de Pétrole (CFP), l’ancêtre de Total en 1924, est le fait de la Banque de Paris et des Pays Bas (elle-même ancêtre de l’actuelle BNP-Paribas) qui deviendra ultérieurement Paribas. La première banque française est à la fois un des leaders au monde du négoce de matières premières, et en particulier de pétrole et de gaz, et un partenaire privilégié de Total. Pour entrer dans son capital, le groupe Total conseille aux candidats de s’adresser à son « établissement financier mandataire, BNP Paribas Securities Services (26) ».C’est cette banque que Total mandate lorsqu’elle veut acheter ou vendre un gisement comme en septembre dernier pour la vente du gisement nigérian d’Usan (27).
Les intérêts des deux géants sont indissociables et illustrent ce qu’Hilferding et Lénine appelaient déjà le capital financier c’est-à-dire la « fusion ou l’interpénétration des banques et de l’industrie, voilà l’histoire de la formation du capital financier et le contenu de cette notion (28) ». La première caractéristique du capital de Total est bien d’être un capital financier.
Quant aux profits de Total, ils avoisinent des sommets depuis de nombreuses années : 13,9 milliards d’euros en 2008, 7,8 milliards en 2009, 10,28 milliards en 2010, 12,3 milliards en 2011, 10,7 milliards en 2012. L’utilisation de ces superprofits est elle-même significative. Total a reversé 34 milliards d’euros à ses actionnaires entre 2005 et 2010, soit en moyenne 45 % de ses bénéfices. En outre, le groupe ne paye aucun impôt sur les sociétés en France en 2010 et seulement 900 milliards en 2013. Que ce soit au niveau des montants des profits ou de leurs taux, c’est bien l’exigence d’un profit maximum que posent les actionnaires.
Monopole, capital financier et profit maximum, ces trois caractéristiques ressemblent étrangement à ce que Lénine appelait : l’impérialisme. Il est vrai que l’offensive idéologique des classes dominantes pousse à l’invention d’une novlangue libérale reprise en écho et en chœur par les journalistes des médias traditionnels : classe sociale devient catégorie sociale, conquête sociale se transforme en acquis sociaux et le gestionnaire de l’impérialisme qu’était de Margerie se mute en « capitaine d’industrie ».

Christophe de Margerie n’éveille en nous aucune compassion. Nous assumons de réserver notre tristesse et nos pensées aux multiples victimes de la course effrénée aux profits suscitant les guerres du gaz et du pétrole qui se succèdent les unes aux autres.

Sivens: la faute des gendarmes, le mensonge de l'Etat /La France s'enfonce dans le dénis des Droits de l'Homme

L'État l'a su immédiatement et l'a caché: c'est bien une grenade offensive qui a tué sur le coup dans la nuit du 25 au 26 octobre Rémi Fraisse. D'après les premiers éléments de l'enquête et des témoignages de gendarmes mobiles, une longue chaîne de responsabilités a abouti à la mort de l’étudiant écologiste. Le gouvernement a tenté durant quarante-huit heures de brouiller les pistes.
«Grenade ! », crie le chef J. à l’attention de ses hommes, en joignant le geste à la parole. Des grenades offensives (OF) de ce type, la plupart des gendarmes mobiles avouent ne jamais en avoir lancé. Ce sont des armes de guerre, que seul un gradé peut projeter, et encore : dans certains cas bien précis, et seulement en les jetant à terre, prévoit le règlement. Mais cette nuit du 25 au 26 octobre, dans la forêt de Sivens, environ 40 grenades de type OF sont lancées par les militaires, sur un total de plusieurs centaines d’engins divers utilisés.
Or, selon plusieurs témoignages de gendarmes présents sur place, qui ont été recueillis dès le lendemain pour les besoins de l’enquête judiciaire et dont Mediapart a pris connaissance, le chef J. lance cette grenade-là en l’air, et directement sur un petit groupe de quatre à cinq jeunes dont fait partie Rémi Fraisse et qui leur lançait des pierres et des mottes de terre. Équipés de jumelles à vision nocturne, plusieurs gendarmes reconnaîtront avoir vu tomber le jeune homme tout de suite après l’explosion, et avoir compris immédiatement ce qui venait de se passer, selon des sources proches du dossier.
La grenade offensive OFLa grenade offensive OF
Les gendarmes n’étaient pourtant pas en danger. Protégés, suréquipés, ils étaient en outre séparés des jeunes manifestants par un grillage et un fossé (lire nos articlesici et ). Autant dire qu’avec leurs casques, boucliers, armure et protections diverses, ils auraient pu tenir leur position sans dommage pendant des heures. Selon plusieurs témoignages, les manifestants étaient d’ailleurs à court de fusées éclairantes et de cocktails Molotov.
Pourquoi le chef J. a-t-il décidé de lancer une grenade offensive sur ces jeunes, avec les risques évidents que cela comportait ? A-t-il perdu ses nerfs ? Sur procès-verbal, le gradé a tenté d’expliquer son geste, un choix personnel selon lui, par l’intensité des incidents de cette nuit-là. Son supérieur au sein de l’escadron de gendarmes mobiles (EGM) 28/2 (venu de la Gironde) a donné une version légèrement différente, en assumant avoir donné cet ordre lui-même.
Très vite, en tout cas, vers 2 heures du matin, la zone a été éclairée au projecteur, et le corps de Rémi Fraisse récupéré. Et en langage militaire, il a été « rendu compte »immédiatement au commandant d’escadron, et donc au préfet, au procureur, puis aux ministres de tutelle (intérieur et justice).
Discrètement, un premier examen médico-légal de Rémi Fraisse est pratiqué deux heures à peine après sa mort dans une morgue d’Albi. Le médecin qui examine le corps conclut immédiatement à un décès provoqué par une explosion, mais on n'en savait rien jusqu'ici. Des photos sont alors faites du cadavre. Il ne reste rien ou presque du sac à dos de Rémi Fraisse. Ce dimanche 26 octobre, l'État sait déjà tout ou presque du drame, mais va choisir de feindre l'ignorance et de minimiser pendant 48 heures.
La zone déboisée de SivensLa zone déboisée de Sivens
qu’il n’y avait strictement rien à protéger sur la zone où étaient positionnés les gendarmes mobiles ce soir-là. Le préfet du Tarn avait donné des « consignes de fermeté » aux gendarmes, lesquels sont par ailleurs accusés par plusieurs plaignants ou témoins d’avoir provoqué des incidents sur le site, et de s’être livrés à des violences injustifiées (lire ici et là). En conséquence, le matin précédant le drame, à 9 h 30, une réunion entre officiers est organisée à Gaillac, dirigée par le lieutenant-colonel Andreani, qui commande le groupement du Tarn. Il est alors décidé ceci : créer une « zone de vie » sur le chantier de la forêt de Sivens, et « tenir le site ». Or les engins de chantier avaient déjà été retirés, et il ne restait plus qu’un préfabriqué sur place, où des incidents avaient eu lieu la veille au soir.
La journée de samedi avait été plutôt calme, malgré quelques incidents dans l'après-midi, et il est permis de se demander si elle ne le serait pas restée sans la présence massive de ces « Robocops ». Vers 18 h 30, les CRS présents sur place s’étaient retirés. La situation était encore calme à 21 heures. Elle s’est échauffée vers 1 heure du matin, avec des caillassages vers les gendarmes mobiles, quelques jets de cocktails Molotov et tirs de fusées éclairantes, aussi. Rémi Fraisse est allé voir. On ignore s’il a lancé une pierre, une motte de terre, ou rien du tout.

Les conclusions de l'autopsie

En termes prudents, mais de façon très claire, les deux médecins légistes qui ont procédé à l’autopsie du manifestant de 21 ans, tué à Sivens dans la nuit du 25 au 26 octobre, font la conclusion suivante : « Le décès de Monsieur Fraisse Rémi est compatible avec une lésion par blast secondaire (NDLR: consécutif) à une explosion en regard de la région thoracique postérieure haute. »
Dans un rapport de 7 pages, daté du 27 octobre, le professeur Telmon et le docteur Savall, du CHU de Toulouse, détaillent les blessures fatales provoquées par l’explosion d’une grenade offensive tirée par les gendarmes mobiles au cours des incidents.
Dans la « région dorsale haute du dos » de Rémi Fraisse, ils constatent « une large perte de substance de 16 cm sur 8 cm, à disposition quasi horizontale, atteignant la cavité thoracique, présentant à son extrémité inférieure de multiples dilacérations sur 3,5 cm de haut ». Les légistes font également état d’une « dilacération du lobe supérieur du poumon gauche et un fracas de la partie postérieure de la région thoracique haute, intéressant les omoplates, les arcs postérieurs des côtes et le rachis avec disjonction rachidienne du niveau T5/T6 avec rupture du cordon médullaire en regard ».
En clair, le jeune homme a eu une partie de la colonne vertébrale et de la moelle épinière arrachées par l’explosion, et il est très certainement mort sur le coup. Par ailleurs, les médecins ont relevé une longue liste de « lésions traumatiques externes », des « plaques parcheminées » et des « ecchymoses », sur le haut du corps, qu’ils expliquent par la projection et la chute du corps après l’explosion.

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