Extrait de l'interview de Jean Ziegler dans le journal suisse GAUCHEBDO du 19 décembre 2014.
Journaliste: Vous vous qualifiez volontiers de communistes, en quoi cela consiste-t-il concrètement?
Jean Ziegler: Comme tous les communistes, je pratique l'entrisme subversif, l'infiltration des structures, au Parlement, à l'Université, à l'ONU et à l'aide des livres. Dans les sociétés industrialisées, où l'adversaire est tellement puissant, c'est le chemin. Le Che a dit une chose très juste: "Les révolutionnaires sont des opportunistes qui ont des principes." Il y a aussi cette image chez Marx de la taupe qui creuse, qui creuse et, soudain, toute la surface s'effondre.
Creuser, c'est le travail que nous avons à faire maintenant. Comme Althusser l'a expliqué, il y a deux fronts, la lutte de classe matérielle, c'est-à-dire sur le front de la production - par exemple la grève des TPG [2] qui, soit dit en passant, a été magnifique - et la lutte des classes théorique sur les contenus de conscience.
Il s'agit de détruire la théorie de légitimité de l'adversaire car, comme le disait le poète turc marxiste Nazim Hikmet, "les chaînes sont à la racine de notre tête", nous sommes des esclaves volontaires. Couper ces chaînes signifierait la fin de l'aliénation de la victime et libérerait un potentiel révolutionnaire incroyable.
La Révolution française n'aurait pas été possible sans le "Contrat social" de Rousseau, l'idée de séparation des pouvoirs de Montesquieu ou les Encyclopédistes. Aujourd'hui, nous sommes dans cette phase de lutte théorique.
Si nous ne faisons pas ce travail, l'insurrection se dirigera contre la justice. Le fascisme, le blochérisme [3], la xénophobie, le racisme sont au coin de la rue car la destruction du tissu social et de la nature, la réduction du pouvoir de l'Etat et du bien commun créent le désarroi chez tout le monde.
A nous de conduire ce monde vers la révolution.
Propos recueillis par Jérôme Béguin
[1] Jean Ziegler est un homme politique, altermondialiste et sociologue suisse.
[2] Transports publics genevois
[3] Nom donné au mouvement d'extrême-droite "Union démocratique du centre" dont est membre le riche homme politique suisse Christoph Blocher
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