Le refus de sépulture du nourrisson, mort au lendemain de Noël dans un bidonville de l’Essonne, a suscité une profonde indignation.
De nombreux citoyens sont venus hier aux funérailles apporter leur soutien à la famille et aux populations roms. Reportage.
Les pleurs d’Ileana, la mère du bébé, resteront longtemps associés à la colère contre la discrimination qui frappe les roms.
Photo : Christophe Ena/AFP
Les cloches de l’église sonnent. Sonnent, et sonnent encore. Mais les familles, bénévoles ou simples anonymes, chrétiennes ou non, peinent à sortir de l’église Saint-Paul de Massy (Essonne), où se déroulaient hier les funérailles de la petite Maria Francesca, petite fille de deux mois et demi décédé au lendemain de Noël dans un bidonville de Champlan. Tous veulent rester le plus longtemps possible avec sa mère, déchirée par la perte de son nourrisson.
Devant le petit cercueil blanc, Ileana implore le ciel, les bras levés. Est-ce la posture, semblable à la sculpture du Christ au-dessus d’elle ? Est-ce sa tenue d’une blancheur immaculée ? Une chose est sûre. Les pleurs d’Ileana resteront longtemps associés, chez toutes les personnes présentes, à la colère contre la stigmatisation et le rejet qui frappent toutes les personnes roms. Vivantes
ou mortes.
Après le refus de la mairie de Champlan d’inhumer le bébé, décédé suite à une mort subite du nourrisson, l’enterrement a finalement eu lieu dans la commune voisine de Wissous. Au cimetière, la famille de Maria Francesca s’est agenouillée devant le maire pour le remercier d’avoir accepté la mise en terre du bébé dans un souci « d’humanité ». Voilà l’extrémité à laquelle notre pays est arrivé. Le droit à une sépulture digne y est devenu un privilège pour les femmes et les hommes que notre société laisse survivre dans les replis de nos villes, sans eau, ni électricité. Cette affaire est le « signe manifeste de la contamination des esprits, à tous les niveaux, déplore Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne. Voilà ce qui se passe quand on fait sauter les digues au plus haut niveau ».
Un climat politique nauséabond
Derrière la famille, ils étaient nombreux, tous ceux qui « ont tissé des liens humains d’amitié et de solidarité » dans cette ville « où beaucoup de familles roms vivent de leurs activités », résume le prêtre qui a dirigé la cérémonie, en français et en roumain. Il y avait Helena et Marie-Claire, venues « exprimer leur soutien aux familles ». Comme la plupart des bénévoles de l’Association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines et roms (ASEFRR), elles connaissent les proches de la famille endeuillée. Elles les suivent de terrain en terrain depuis des années. « J’ai longtemps servi de boîte aux lettres pour certains occupants du bidonville », glisse Helena.
Le 25 décembre, le père Gatineau l’a passé sur la « platz » (terrain en romanes – NDLR) de Champlan. « Il y avait un rayon de soleil, et plein d’enfants. C’était beau et très joyeux. Maria Francesca était avec sa maman, bien au chaud », raconte ce recteur de la basilique de Longpont. Le religieux avait organisé une scénette pour expliquer l’histoire de Noël aux enfants de cette communauté, très religieuse. « Il y avait Marie et Joseph, mais aussi les méchants aubergistes qui n’ont pas voulu les accueillir à Bethléem. J’avais demandé à trois enfants d’interpréter leurs rôles. Ils ont refusé. Ils ne voulaient pas dire non. » La solidarité, pour ces jeunes pousses, n’est pas une option. « Malheureusement, conclut le père, depuis une semaine, on a vu qu’il y avait encore de mauvais aubergistes. » L’effroyable histoire de Champlan, deux millénaires plus tard, va-t-elle faire changer les esprits ? Tel est le vœu de Jean-Louis, le trésorier de l’ASEFRR, qui rappelle que les occupants du campement de Champlan demeurent sous la menace d’une expulsion. « Cela fait des années que l’on demande la tenue d’une table ronde avec l’ensemble des pouvoirs publics en Essonne, que les familles puissent au moins obtenir la domiciliation, la scolarisation des enfants, l’accès à l’eau, la collecte des déchets… » Ce n’est toujours pas le cas dans ce département où les expulsions se succèdent sans relogement, au mépris de la circulaire d’août 2012.
Ils ont obtenu, hier, le renfort des communistes de l’Essonne. Révoltée par ce « climat politique nauséabond » qui vise à rejeter le « pauvre, l’immigré, le Rom, devenus le dérivatif de toutes les colères sociales », la fédération locale du PCF a organisé un rassemblement dans la
commune de Champlan, hier, en fin d’après-midi, pour « dire “non !” à de tels actes discriminatoires ». Quelques minutes auparavant, le parquet d’Évry annonçait l’ouverture d’une enquête pour discrimination visant le maire (DVD) de la commune, Christian Leclerc. Un premier pas pour donner aux Roms errants « un chemin d’espoir et des routes de paix », comme disent les hommes d’église.
Source : L'Humanité .fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les messages anonymes ne seront pas publier