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mercredi 29 juillet 2015

L’ex-ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, /notre alternative innovante a été jetée à la poubelle. Elle y restera jusqu’à ce que d’autres aillent la récupérer. »

Alessandro Serrano/SIPA
L’ex-ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, refait parler de lui. Depuis son départ du gouvernement d’Alexis Tsipras, notre homme a multiplié tribunes et entretiens, gardant cette même liberté de parole et de ton qui a fait sa réputation. Et ce, dans un but bien précis : faire ce qu’il n’a pas pu faire durant les négociations avec l’ex-Troïka, c’est-à-dire parler d'économie. En effet, comme il l'expliquait il y a quelques jours à un magazine anglais, lors des réunions de l'Eurogroupe, « il y avait un refus pur et simple de livrer des arguments économiques » « Vous mettez en avant un argument que vous avez vraiment travaillé — pour vous assurer qu'il est logique et cohérent — et vous êtes juste face à des regards vides. »
Dans une tribune publiée sur le site anglophone Project Syndicate et traduite par Alternatives économiques, l’économiste hétérodoxe s’attaque donc au cœur de l’accord signé par Alexis Tsipras avec les créanciers. « Le 12 juillet, commence Varoufakis, le sommet des dirigeants de la zone euro a dicté les termes de sa capitulation au Premier ministre grec Alexis Tsipras qui, terrifié par les alternatives, a tout accepté en bloc. L’un de ces termes concerne la liquidation des avoirs publics restants de la Grèce. » Si les deux hommes se sont quittés en bons termes, ce tacle traduit indéniablement un ressentiment de la part de Varoufakis contre le choix du Premier ministre grec.
Car, comme l’avait dévoilé récemment l’ancien ministre, il avait planché sur un plan B, avec une sorte de « cabinet fantôme ». Une initiative que les membres du gouvernement avaient découvert au dernier moment (une erreur sans nul doute de Varoufakis) et un plan que Tsipras avait refusé. Passées ces amabilités, l’économiste écrit : « Les dirigeants de la zone euro ont exigé que des biens publics grecs soient transférés à un fonds de type Treuhand – un dispositif de vente au rabais, similaire à celui utilisé après la chute du mur de Berlin pour privatiser rapidement, au prix d’une forte perte financière et avec des effets dévastateurs sur l’emploi, toutes les entreprises publiques de l’Etat moribond est-allemand. »Pointant l’aspect inique du projet initial de baser ce fonds au Luxembourg sous les ordres de l'Eurogroupe et donc de l’austère et redoutable ministre des Finances allemand, Wolfang Schäuble, il rappelle aussi que le Treuhand originel appliqué à l’Allemagne « s’accompagnait d’investissements importants dans les infrastructures et de transferts sociaux à grande échelle pour la population est-allemande, les citoyens grecs ne recevront aucun soutien comparable d’aucune sorte ».
« Les choses auraient pu se dérouler autrement »
Saluant la réussite de son successeur Euclide Tsakalotos d’avoir fait rapatrier ce fond sur le territoire grec, Varoufakis n’en démord pas : « Hélas, le Treuhand grec reste une abomination, qui va peser comme un stigmate sur la conscience de l’Europe. Pire, c’est une occasion perdue. Le plan est politiquement toxique, car le fonds, bien que domicilié en Grèce, sera en fait géré par la Troïka. C’est également nuisible sur le plan financier, parce que les profits serviront à payer une dette impossible à rembourser, comme même le FMI a fini par le reconnaître. »
Car si Yanis Varoufakis est aussi sévère dans ses critiques (à l'égard du Premier ministre grec et des négociateurs de l’ex-Troika) c’est qu'il refuse le « Tina ». Des alternatives, ils en existaient bien, « les choses auraient pu se dérouler autrement », écrit-il. A la différence des dires des dirigeants de l’Eurogroupe et de l'ancienne Troïka qui « ont continué à laisser entendre à la presse mondiale que les autorités grecques n’avaient aucune proposition novatrice et crédible à fournir – leur rengaine habituelle », Varoufakis affirme avoir transmis une proposition le 19 juin intitulé « Mettre fin à la crise grecque ». Celle-ci consistait à « regrouper les richesses nationales (à l’exclusion de celles concernant la sécurité du pays, les équipements collectifs et le patrimoine culturel) dans une holding distincte du gouvernement et gérée comme une entité privée, sous l’égide du Parlement grec, dans le but de maximiser la valeur de ses actifs et de créer un flux d’investissement national. L’Etat grec sera l’actionnaire unique, mais ne garantira pas son passif ni sa dette. » La holding aurait donc pu émettre des obligations « entièrement garanties sur les marchés internationaux de capitaux » qui auraient été ensuite investis « pour moderniser et restructurer les actifs sous son contrôle ».
Le plan prévoyait donc un programme d’investissement « qui aurait, pense-t-il, stimulé la croissance du PIB nominal à un niveau si-supérieur à 5 % pendant plusieurs années ». Résultat : cela aurait permis un excédent primaire rapide et important de l’Etat grec. A terme, l’économiste envisageait aussi de transformer la holding initial en Banque de développement « capable d’attirer les investissements privés vers la Grèce et de financer des projets en collaboration avec la Banque européenne d’investissement. »
« Notre proposition a été accueillie par un silence assourdissant », explique Varoufakis. Et de conclure :« A un tournant de l’histoire européenne, notre alternative innovante a été jetée à la poubelle. Elle y restera jusqu’à ce que d’autres aillent la récupérer. »

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