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dimanche 27 septembre 2015

ONU / CUBA : Discours du Président des Conseils d’État et des Ministres de la République de Cuba, Raul Castro Ruz, au Sommet des Nations Unies dédié à l'approbation de l'Agenda pour le Développement Post-2015.


NEW YORK, le 26 septembre 2015.
(traduction Michel Taupin)
Chers chefs d’États et de gouvernements,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégations,
Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies,
Monsieur le Président,
L'instabilité dans de nombreuses régions prend ses racines dans la situation de sous-développement dans lequel les deux tiers de la population mondiale vivent.
L'Agenda pour le développement post-2015 semble être ambitieux, mais l'enthousiasme ne doit pas nous faire oublier les réalités.
Les progrès, quinze ans après l'adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement, sont insuffisants et inégalement répartis. Ces réalités persistent, voire s'aggravent dans de nombreux cas, à des niveaux inacceptables de pauvreté et d'inégalité sociale, même dans les pays industrialisés eux-mêmes. La fracture entre le Nord et le Sud et la confiscation des richesses ont augmenté.
Nous notons que nous sommes encore très loin d'avoir un véritable partenariat mondial pour le développement. Pas moins de 2,7 milliards de personnes dans le monde vivent dans la pauvreté. Le taux global de mortalité infantile, chez les enfants de moins de cinq ans, est encore plusieurs fois supérieur à celui des pays développés. La mortalité maternelle dans les régions en développement est 14 fois plus élevée que dans ceux-ci.
Au milieu de la crise économique et financière actuelle, les riches et les sociétés transnationales sont de plus en plus riches et la pauvreté a considérablement augmenté comme les chômeurs et les sans-abri à cause des politiques cruelles dites "politiques d'austérité". Des vagues d'immigrants désespérés arrivent en Europe fuyant la pauvreté et les conflits que d'autres ont déchaînés.
Les moyens à mettre en œuvre à l'ordre du jour, sans engagements mesurables ni calendrier, ne sont pas à la hauteur des 17 objectifs de développement durable.
Si nous voulons un monde vivable, la paix et l'harmonie entre les nations, la démocratie, la justice sociale, la dignité et le respect des droits humains de tous, nous devrions prendre des engagements tangibles rapides en matière d'aide au développement et résoudre le problème de la dette déjà payée plusieurs fois.
Il faut construire une autre architecture financière internationale, éliminer le monopole des connaissances technologiques et modifier l'ordre économique international actuel.
Les pays industrialisés devraient accepter leur dette historique et exercer le principe de "responsabilités communes mais différenciées". On ne peut l'utiliser comme prétexte à un manque de ressources quand 1,7 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour l'armement. Sans réduction de cette dette, le développement d'une paix stable et durable ne sera pas possible.
Monsieur le Président,
Le rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis, l'ouverture des ambassades et les changements que le président Barack Obama a évoqués sur la politique envers notre pays, sont une étape importante qui a obtenu le plus large soutien de la communauté internationale. Cependant, l'embargo économique, commercial et financier contre Cuba persiste depuis plus d'un demi-siècle, provoquant des privations au peuple cubain. Il est le principal obstacle au développement économique de notre pays, il affecte les autres nations par son application extraterritoriale et continue de nuire aux intérêts des citoyens américains et des entreprises. Cette politique est rejetée par 188 États membres de l'Organisation des Nations Unies qui exigent sa fin.
Néanmoins, Cuba a réalisé les Objectifs du Millénaire pour le développement et a offert sa coopération à d'autres pays en développement dans divers secteurs, et continue de le faire autant que nos modestes moyens le permettent.
Nous n'abandonnerons jamais la dignité, la solidarité humaine et la justice sociale, qui sont les convictions profondes de notre société socialiste.
Merci beaucoup

L’affaire Salah Hamouri : un tabou français ?/ pourtant Salah a passé Sept de sa vie en prison israélienne , nous avons milité sans relache pour sa libération sans les grands médias , ce blog y a modestement participé

Salah Hamouri - (c) Jean Michel Sicot

Connu pour son franc-parler et ses défis – comme l’ascension de l’Everest, racontée dans Un tocard sur le toit du monde (JC Lattès, 2010) – le journaliste Nadir Dendoune vient de consacrer un documentaire à L’affaire Salah Hamouri. Un film dans lequel il questionne le faible intérêt des médias pour le cas de ce franco-palestinien, emprisonné pendant sept ans par l’armée israélienne.
C’est grâce aux internautes que Nadir Dendoune a financé son documentaire, L’affaire Salah Hamouri. « Deux ans de galère et de labeur », résume ce journaliste indépendant, passé par France Télévisions, Le Parisien ou encore Le Courrier de l’Atlas, pour lequel il signe « La chronique du tocard ». À l’inverse de cet exercice hebdomadaire engagé, Nadir Dendoune a mené ici une démarche documentaire classique. « Ce n’est pas un travail de militant, mais de journaliste, insiste-t-il. J’expose le point de vue de personnes qui ont suivi le dossier de A à Z ou qui ont soutenu Salah Hamouri. »
Parmi elles ? Denise, la mère de Salah Hamouri, Charles Enderlin, l’ex correspondant de France Télévisions à Jérusalem, Jean-Claude Lefort, ex-président de l’association France Palestine Solidarité et du comité de soutien à Salah Hamouri, Patrick Le Hyaric, directeur de L’Humanité, l’essayiste Dominique Vidal, Jonathan Curiel, membre du comité de soutien à Gilad Shalit, ou encore Richard Prasquier, président du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF).
« J’ai aussi pris contact avec les ministres des Affaires étrangères de l’époque, Bernard Kouchner et Alain Juppé. J’ai eu un refus catégorique de leur part. C’est dommage. J’aurai pu leur poser certaines questions. Par exemple, pourquoi la France a-t-elle été timide sur ce dossier ? », interroge Nadir Dendoune

Un dossier vide ?

Petit rappel des faits. Le 13 mars 2005, Salah Hamouri, 19 ans, étudiant à l’Université de Béthléem, est arrêté par l’armée israélienne près du check-point de Qalandiya, qui relie Jérusalem à Ramallah. « Il a été accusé d’appartenir au Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), considéré comme un mouvement terroriste par l’État israélien. Pourtant, le FPLP fait partie de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), qui traite directement avec les autorités israéliennes », explique Nadir Dendoune.
« Il n’a jamais été prouvé que Salah Hamouri faisait partie du FPLP. Il a été aussi condamné pour une « intention de » tuer le rabbin Ovadia Yosef, ancien chef du parti ultra religieux Shass1. Sauf qu’on n’a jamais retrouvé d’armes. C’est une histoire abracadabrantesque »,poursuit-ilEn 2011, Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, reconnaîtra d’ailleurs que le dossier judiciaire contre Salah Hamouri était « vide ». Et le 18 décembre 2011, après sept ans de détention, le jeune homme sera finalement libéré, en échange de la libération de Gilad Shalit, soldat franco-israélien capturé par le Hamas en juin 2006.
Pourquoi ce silence ?
Comme beaucoup de Français, Nadir Dendoune a pris connaissance de cette affaire par la voix de l’acteur François Cluzet, invité au JT de France 2 le 8 novembre 2009. Membre ducomité de soutien de Salah Hamouri, le comédien interpelle alors Jean-François Copé, qui ne semble pas avoir eu vent du dossier2« À l’époque, je travaillais avec France télévisions. Personne n’en avait entendu parler. J’ai cherché à savoir pourquoi il y avait un silence autour de cette affaire », raconte Nadir Dendoune.
Si elle a permis de rendre publique cette affaire, l’intervention de François Cluzet déclenche aussi les foudres du Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme (BNVCA), qui saisit le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, dénonçant « un plaidoyer en faveur de la libération d’un terroriste ». Sans succès : deux mois plus tard, le CSA classe l’affaire, tandis que France 2 a décidé de consacrer un reportage à ce sujet.
L'affaire Salah Hamouri, 205
L’affaire Salah Hamouri, 205
C’est là, d’ailleurs, le cœur du documentaire de Nadir Dendoune. Mêlant images d’archives et témoignages, son film met en parallèle le traitement médiatique de cette histoire et de celle de Gilad Shalit, qui a eu plus d’échos en France. « Le portrait de Gilad Shalit été affiché sur le fronton de l’Hôtel de ville de Paris. Ses parents ont été reçus par Nicolas Sarkozy,rappelle le journaliste. Denise Hamouri a demandé à plusieurs reprises à être reçue par le chef de l’État. Elle n’a jamais eu de réponse. Elle a juste été reçue par l’un de ses conseillers. Pourtant, Salah est un civil français. Gilad Shalit est un soldat. C’est triste pour ses proches qu’il ait été détenu. Mais je suis comme Renaud : à choisir entre un soldat et un civil, mon coeur va plus vers le civil. Les médias eux, se sont emparés de l’affaire Gilad Shalit, mais n’ont pas évoqué le Salah Hamouri. »

Malaise dans les rédactions ?

« Benjamin Barthe, qui était correspondant du Monde à Ramallah, s’est étonné qu’après quatre ans d’emprisonnement de Salah, et, malgré le remue-ménage qu’a fait sa mère, il n’y ait même pas eu de dépêche AFP [Agence France Presse, ndlr]. Le seul journal à en avoir parlé, c’est l’Humanité », poursuit le documentariste. Un manque d’intérêt qu’il trouve d’autant plus étrange que les médias français « sont habituellement friands de ce genre d’histoires ». Et d’expliquer : « Salah Hamouri, qui est français par sa mère, n’a qu’un passeport français. Comme tous les citoyens arabes de Jérusalem, il n’a pas de passeport israélien, juste une carte de résidence permanente ».
Nadir Dendoune au Grand Journal, le 24/09/12.
Nadir Dendoune au Grand Journal, le 24/09/12.
Pourquoi, dès lors, une telle absence d’information quant à la situation d’un ressortissant français ? « Je l’ai vu dans ma carrière de journaliste : le conflit israélo-palestinien est une question sensible, qui génère de l’autocensure. Il faut toujours faire gaffe à ce qu’on dit. On chuchote dans les rédactions. On sent une gêne, un malaise ». Une attitude qui, selon lui, est loin d’apaiser les esprits. « Il n’y a rien de pire qu’une parole qui n’est pas libre – dans les limites de la loi. C’est là que des gens deviennent frustrés, constate-t-il. On parle de liberté d’expression tous les jours. Mais cette liberté d’expression est à géométrie variable. Certaines personnes ont moins droit de cité que d’autres. En Angleterre, en Belgique, en Suisse, la parole est plus libre. »

Chantage à l’antisémitisme

En France ? Parler de la Palestine dans les médias, c’est prendre le risque de se faire traiter d’antisémite, explique ainsi Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales stratégiques (Iris)interrogé dans le film.De son côté, l’ex-correspondant du Monde à Ramallah, Benjamin Barthe, fait  le lien entre ce malaise journalistique et un contexte français complexe, marqué par la mémoire de la Shoah et une plus grande familiarité avec l’histoire d’Israël qu’avec celle de la Palestine.
Interviewée dans le film, Gwenaëlle Lenoir, reporter à France 3 pendant plus de dix ans, dit ainsi avoir souffert de la frilosité de sa hiérarchie. « Elle voyait ce qui se passait dans les colonies. Elle ne faisait que son boulot : rapporter les faits, précise Nadir Dendoune. Mais pour ces événements, les rédacteurs en chef lui demandaient toujours de faire « équilibré ». Sur autre sujet, personne n’aurait l’idée de donner la parole avec la même force à l’opprimé, qui subit une occupation militaire depuis 1967, et à l’oppresseur. Comment faire équilibré quand des colons arrachent des oliviers ? Quand un type tire une bastos sur un autre, tu ne vas pas donner la parole au tireur. C’est dû à l’ignorance du sujet, mais aussi aux pressions, au chantage à l’antisémitisme. On a taxé Stéphane Hessel d’antisémite alors que c’était un homme de paix ! »
Salah Hamouri a été reçu le 11 septembre 2012 au Parlement européen à l’invitation du groupe Gauche unie européenne/Verts nordiques - (c) Flickr/GUE/VN
Salah Hamouri a été reçu le 11 septembre 2012 au Parlement européen à l’invitation du groupe Gauche unie européenne/Verts nordiques – (c) Flickr/GUE/VN
Interrogé dans le documentaire, le président du CRIF, Richard Prasquier, estime quant à lui que Salah Hamouri est un terroriste. « Pendant toute la période où un comité de soutien a milité pour sa libération, il est monté au créneau. Le CRIF a l’habitude de dénoncer toute critique de la politique israélienne en renvoyant dos à dos l’anti-sionisme et l’antisémitisme. Toutes les émissions qui parlent des colonies israéliennes en Palestine sont accusées de faire bouillir la marmite de la haine », souligne Nadir Dendoune.

Susciter un débat

« Richard Prasquier dit que  montrer les choses rajoute de la haine. Je ne pense pas. Au contraire. On ne peut pas vivre dans un pays où les gens ne se parlent pas, ne débattent pas. Quand on voit la haine qu’il y a sur les réseaux sociaux… !  Je crois que plus on montre, plus ça apaise. Les gens en concluent que les médias sont libres et divers. Ce qui m’importe, c’est que cette question ne soit pas confisquée. Quand on a une carte de presse, il ne doit pas y avoir de sujets tabous. C’est comme ça qu’on avance », estime le documentariste.
En témoigne dit-il, les échanges qui ont suivi les projections. « On m’a dit : « Si on avait plus de débat comme ça, ça serait bien! ». Les gens étaient libres de dire ce qu’ils voulaient sans avoir de pression. Certains ont appris des choses. On ne voyait pas l’autre comme un méchant. C’est l’objectif du film. C’est un peu ce que disait Emmanuel Todd dans Qui est Charlie ?. Même si je ne suis pas d’accord sur tout. On a le droit d’avoir des parcours différents, de penser différemment. De ne pas croire à tout ce qu’on nous dit, sans pour autant être catalogué comme un dangereux extrémiste, estime Nadir Dendoune. Ce film est une invitation à débattre d’une question qui l’a peu été ».
Notes :
1 Décédé depuis, de mort naturelle, en 2013.
2 Pas plus que l’ancien ministre de la Défense Gérard Longuet qui, lors d’une interview sur France Inter le 19 octobre 2011, affirmait n’en avoir jamais entendu parler.
Julien Le Gros
Julien Le Gros est un journaliste indépendant, spécialisé sur les cultures d'Afrique. Il a notamment écrit dans pour Jazzman - Jazz magazine, Afriscope, Mondomix.. mais aussi sur Internet avec Africultures, Mondafrique, Tribune 2 l'artiste, International Hip Hop. Il a fait des reportages au Kenya, Cameroun, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Sénégal et récemment en Guinée Conakry sur le virus Ebola.





















































jeudi 10 septembre 2015

Les USA sont bel et bien les créateurs de DAECH , le machiavélisme à l'état pur /Le général Vincent Desportes:les États-Unis ont créé Daech Par intérêt politique à court terme


Saint-cyrien, ancien directeur de l’École de Guerre française et aujourd’hui conférencier à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, le général Vincent Desportes n’a jamais eu sa langue de poche et s’est souvent fait taper sur les doigts par sa hiérarchie. Le 17 décembre 2014,il fut auditionné par une commission du sénat français chargée de la défense et des affaires étrangères et, fidèle à ses habitudes, n’a pas mâché ses mots. Extraits.
« Un mot sur Daech, d’abord. […] Ne doutons pas de la réalité de la menace directe pour nos intérêts vitaux, dont notre territoire et notre population. Daech est le premier mouvement terroriste à contrôler un aussi vaste territoire (35% du territoire irakien, 20% du territoire syrien). Ce qui représente 200 000 km² (soit l’équivalent de l’Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes réunis) et une population de l’ordre de 10 millions de personnes. Ce territoire est imparfaitement mais réellement « administré » par un « ordre islamique », fait de barbarie et de rackets. Daech dispose d’un véritable « trésor de guerre » (2 milliards de dollars selon la CIA), de revenus massifs et autonomes, sans comparaison avec ceux dont disposait al-Qaïda. Daech dispose d’équipements militaires nombreux, rustiques mais aussi lourds et sophistiqués. Plus que d’une mouvance terroriste, nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des militaires professionnels.
Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les États-Unis. Ce mouvement, à la très forte capacité d’attraction et de diffusion de violence, est en expansion. Il est puissant, même s’il est marqué de profondes vulnérabilités. Il est puissant mais il sera détruit. C’est sûr. Il n’a pas d’autre vocation que de disparaître.
Le point est de le faire disparaître avant que le mal soit irréversible, avant que ses braises dispersées n’aient fait de ce départ de feu un incendie universel. Il faut agir, de manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région. Il faut agir, mais qui doit agir ?
Avant d’aller plus loin dans mon raisonnement, je voudrais, comme vous l’avez souhaité, étudier quelques-uns des critères retenus comme fil guide de ces auditions. J’aborderai d’abord celui de la capacité « d’analyse exacte du contour spatio-temporel et financier d’un engagement ». Ce critère est en opposition profonde avec la nature même de la guerre.
Car, depuis que le monde est monde, personne n’a jamais pu « commander » à la guerre. Le rêve du politique, c’est l’intervention puissante, rapide, ponctuelle, qui sidère. C’est le mythe cent fois invalidé du « hit and transfer », du choc militaire qui conduirait directement au résultat stratégique et, dans un monde parfait, au passage de relais à quelques armées vassales immédiatement aptes et désireuses d’assumer elles-mêmes les responsabilités. Las ! Les calendriers idéaux (du genre « Cette opération va durer six mois ») sont toujours infirmés par ce que Clausewitz appelle la « vie propre » de la guerre. La guerre appartient à l’ordre du vivant, elle n’est pas un objet, elle est un sujet. Dès lors, n’espérons jamais « commander à la guerre » : c’est elle qui imposera son calendrier et ses évolutions. Cela a toujours été vrai : je relie mon propos à trois stratégistes qui inscrivent dans le temps éternel cette caractéristique incontournable de la guerre. 400 av. JC, évoquant la guerre du Péloponnèse, Thucydite indique que « La guerre ne se développe jamais selon un plan arrêté ». Au XVesiècle, Machiavel considère pour sa part que, si « on rentre dans la guerre quand on veut, on en sort quand on peut ». Il y a quelques années, un officier de cavalerie qui connaît la guerre mieux que personne pour en avoir souffert dans sa chair et l’avoir pratiquée à tous les niveaux, je veux parler de Winston Churchill, affirme dans ses mémoires, « Ne pensez jamais, jamais, jamais qu’une guerre peut être facile et sans surprise ; (…) l’homme d’État qui cède au démon de la guerre doit savoir que, dès que le signal est donné, il n’est plus le maître de la politique mais l’esclave d’événements imprévisibles et incontrôlables ». universel. Il faut agir, de manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région.

mercredi 9 septembre 2015

L'autre 11 septembre (1973), les USA fomentent un coup d'état au Chili avec leur dictateur du coin , 60 000 victimes ...



Salvador Allende, élu démocratiquement en 1970, entreprend des réformes qui satisfont le peuple mais mécontentent les milieux des affaires (hausse des salaires, réforme agraire, nationalisations). Les États-Unis voient d’un très mauvais œil l’implantation d’un régime socialiste en Amérique du Sud, qui pourrait donner des idées à d’autre et remettre en cause la main mise des multinationales américaines sur le continent.
Le 11 septembre 1973, le gouvernement socialiste du président Salvador Allende est brutalement renversé lors d’un coup d’État militaire. Au petit matin, sur l’ordre du général Augusto Pinochet, les troupes militaires investissent les rues de Santiago, capitale du Chili. Ce jour-là, refusant toute reddition aux militaires putschistes, Salvador Allende, trouve la mort sous les assauts répétés de l’armée et le bombardement du palais présidentiel.
Les arrestations, la torture et les milliers d’assassinats qui suivirent la chute du gouvernement Allende firent de cette journée de septembre 1973 le début d’une série noire qui laissa, dans le cœur des Chiliens, une plaie qui peine à se refermer, aujourd’hui encore. Les chiffres font état de 60000 victimes, tortures, exécutions, assassinats politiques , et nombreux sont ceux qui ont disparut sans laisser de trace. Soutenu par les États-Unis, Pinochet devient président de la République en 1975 et restera à la tête du Chili jusqu’en 1990, imposant un régime de terreur. Jusqu’à la fin le dictateur restera en très bon terme avec tous les représentants des régimes « démocratiques », et de tous les  gouvernements attachés « aux droits de l’homme ». Même le pape Jean Paul II lui rendra visite……….
 » Les dictatures fomentent l’oppression, les dictatures fomentent la servilité, les dictatures fomentent la cruauté ; mais le plus abominable est qu’elles fomentent l’idiotie »  J.L. BORGES

C'est l'URSS qui a mis à genoux Hitler , les faits sont tenaces « LES FRANÇAIS SAVENT QUE LA RUSSIE SOVIÉTIQUE A JOUE LE RÔLE PRINCIPAL DANS LEUR LIBÉRATION »…Charles DE GAULLE


Opération Barbarossa, 22 juin 1941 Pour   Hitler : « Le véritable ennemi était celui se trouvant à l’est. », et pour  régler ses comptes avec l’Union soviétique il  lance une attaque, au nom de code « Opération Barbarossa ». L’attaque allemande a débuté le 22 juin 1941, dès les premières heures du jour. Trois millions de soldats allemands et près de 700 000 alliés de l’Allemagne nazie traversaient la frontière ; leur équipement consistait en 600 000 véhicules motorisés, 3 648 chars, plus de 2 700 avions et juste un peu plus de 7 000 pièces d’artillerie. Au début, tout avait marché selon les plans. Des trous énormes avaient été creusés dans les défenses soviétiques, des gains territoriaux impressionnants avaient rapidement été réalisés et des centaines de milliers de soldats de l’Armée rouge avaient été tués, blessés ou capturés dans bon nombre de spectaculaires « batailles d’encerclement » (Kesselschlachten). À l’issue d’une bataille de ce genre, livrée non loin de Smolensk vers la fin juillet, la route de Moscou semblait grande ouverte.

Il est cependant très vite devenu évident que la guerre éclair à l’est n’allait pas être une promenade de santé comme on s’y était attendu. Confrontée à la plus puissante machine militaire sur terre, l’Armée rouge avait subi comme prévu une solide raclée, mais, comme le confiait le ministre de la Propagande Joseph Goebbels à son journal, le 2 juillet déjà, elle avait opposé une résistance tenace et avait riposté très vigoureusement à mainte occasion. Le général Franz Halder, à de nombreux titres le « parrain » du plan d’attaque de l’opération Barbarossa, faisait savoir que la résistance russe était bien plus acharnée que tout ce à quoi les Allemands avaient été confrontés en Europe occidentale. Des rapports de la Wehrmacht faisaient état d’une résistance « tenace », « rude » et même « sauvage », provoquant de lourdes pertes en hommes et en matériel dans le camp allemand. Plus souvent qu’escompté, les forces soviétiques s’arrangeaient pour lancer des contre-attaques qui ralentissaient l’avance allemande. Certaines unités soviétiques allaient se dissimuler dans les vastes marais du Pripet et ailleurs, organisaient une guerre de partisans mortelle et menaçaient les longues et vulnérables lignes allemandes de communication. Il se faisait également que l’Armée rouge était bien mieux équipée que l’on ne s’y était attendu. Les généraux allemands étaient « ébahis », écrit un historien allemand, par la qualité des armes soviétiques, tel le lance-roquettes Katioucha (plus connu sous l’appellation « orgue de Staline ») et le char T-34. Hitler était furieux que ses services secrets n’aient pas été au courant de l’existence de certaines de ces armes.
À la mi-juillet, comme la guerre d’Hitler à l’est commençait à perdre ses caractéristiques de « guerre éclair », certains dirigeants allemands s’étaient mis à exprimer de sérieuses inquiétudes. L’amiral Wilhelm Canaris, chef du service secret de la Wehrmacht, l’Abwehr, par exemple, avait confié le 17 juillet à un collègue du front, le général von Bock, qu’il ne voyait « rien que du noir ». À Dresde, Victor Klemperer écrivait dans son journal, le 13 juillet : « Nous subissons des pertes immenses, nous avons sous-estimé les Russes… » À peu près au même moment, Hitler en personne ne croyait plus en une victoire rapide et facile et il avait revu ses espérances à la baisse. Il exprimait désormais l’espoir que ses troupes puissent atteindre la Volga en octobre et s’emparer des gisements pétroliers du Caucase un mois plus tard environ. Fin août, au moment où Barbarossa aurait dû tirer à sa fin, un mémorandum du Haut Commandement de la Wehrmacht faisait savoir qu’il pourrait ne plus être possible de gagner la guerre en 1941.
Malgré tout, la Wehrmacht avait continué à progresser, bien que très lentement, et, à la mi-novembre, certaines unités s’étaient trouvées à 30 kilomètres à peine de la capitale. Mais les troupes étaient totalement épuisées, et désormais à court d’approvisionnement. Leurs commandants savaient qu’il était tout simplement impossible de prendre Moscou, aussi exaspérante que fût la proximité de la ville et, même s’ils l’avaient fait, cela ne leur aurait pas apporté la victoire. Le 3 décembre, nombre d’unités avaient abandonné l’offensive de leur propre initiative. En quelques jours, toute l’armée allemande en face de Moscou avait été forcée d’adopter une position défensive. En effet, le 5 décembre, à 3 heures du matin, dans des conditions hivernales russes, l’Armée rouge avait brusquement lancé une contre-attaque majeure et bien préparée. Les lignes de la Wehrmacht avaient été enfoncées en de nombreux endroits et les Allemands avaient été repoussés à des distances de 100 à 280 kilomètres, avec de lourdes pertes en hommes et en matériel. Ce n’est qu’avec de grandes difficultés qu’un encerclement catastrophique (Einkesselung) avait pu être évité. Le 8 décembre, Hitler ordonnait à son armée d’abandonner l’offensive et de se replier sur des positions défensives. Il avait rejeté la faute de ce revers sur l’arrivée supposée inattendue de l’hiver, avait refusé de reculer davantage vers l’arrière, comme certains de ses généraux le lui avaient suggéré et avaient proposé d’attaquer à nouveau au printemps.
Ainsi donc, la guerre éclair d’Hitler contre l’Union soviétique était terminée, cette guerre qui, si elle avait été victorieuse, aurait concrétisé la grande ambition de sa vie, la destruction de l’Union soviétique. Qui plus est, d’un point de vue stratégique, une telle victoire aurait également fourni à l’Allemagne nazie suffisamment de pétrole et d’autres ressources pour en faire une puissance mondiale pratiquement invulnérable. En tant que telle, l’Allemagne nazie aurait très probablement été à même d’en finir avec l’entêtement britannique, même si les États-Unis s’étaient précipités pour aider leurs cousins anglo-saxons, ce qui, incidemment, n’était pas encore prévu aux tout premiers jours de décembre 1941. Une Blitzsieg, une victoire éclair contre l’Union soviétique, dans ce cas, aurait rendu une défaite allemande impossible. Si l’Allemagne nazie avait vaincu l’Union soviétique en 1941, l’Allemagne serait toujours aujourd’hui la première puissance d’Europe, et probablement aussi la maitresse du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Cependant, la défaite lors de la bataille de Moscou en décembre 1941 signifiait que la guerre éclair d’Hitler n’avait pas débouché sur la victoire éclair tant espérée. Dans cette nouvelle « bataille de la Marne », juste à l’ouest de Moscou, l’Allemagne nazie avait subi la défaite qui rendait toute victoire impossible, non seulement la victoire contre l’Union soviétique, mais aussi la victoire contre la Grande-Bretagne, la victoire de la guerre en général.
En ayant à l’esprit les leçons de la Première Guerre mondiale, Hitler et ses généraux avaient su dès le début que, s’ils voulaient gagner la nouvelle « Grande Guerre » qu’ils avaient déclenchée, l’Allemagne devait être rapidement victorieuse, à la vitesse de l’éclair. Mais, le 5 décembre 1941, il était devenu évident aux yeux de tous ceux qui étaient présents au quartier général d’Hitler qu’une victoire éclair contre l’Union soviétique ne se produirait pas, de sorte que l’Allemagne était condamnée à perdre la guerre, sinon très bientôt, du moins un peu plus tard. Selon le général Alfred Jodl, chef de l’état-major des opérations de l’OKW, c’est alors qu’Hitler avait compris qu’il ne pourrait plus gagner la guerre.
On peut donc affirmer que le cours de la Seconde Guerre mondiale a tourné le 5 décembre 1941. Toutefois, à l’image du cours des marées qui ne change pas brusquement, mais progressivement et de façon imperceptible, le cours de la guerre a aussi tourné non pas en un seul jour, mais sur une période de plusieurs jours, semaines et même mois, à savoir durant la période d’environ trois mois entre la fin de l’été 1941 et le début décembre de la même année. Le cours de la guerre à l’est avait tourné progressivement, mais pas d’une façon aussi imperceptible. Déjà en août 1941, comme les succès allemands n’amenaient pas une capitulation soviétique et que la progression de la Wehrmacht se ralentissait considérablement, des observateurs avisés s’étaient mis à douter qu’une victoire allemande soit possible, non seulement en Union soviétique, mais dans la guerre en général. Par exemple le Vatican, bien informé et initialement très enthousiaste quant à la « croisade » d’Hitler contre la patrie soviétique du bolchevisme « athée » et confiant dans le fait que les Soviétiques allaient s’effondrer immédiatement, s’était mis à exprimer de graves inquiétudes à propos de la situation à l’est à la fin de l’été 1941. À la mi-octobre, il allait en arriver à la conclusion que l’Allemagne devait perdre la guerre. De même, à la mi-octobre, les services secrets suisses avaient rapporté que « les Allemands ne peuvent plus gagner la guerre » ; cette conclusion s’appuyait sur des informations recueillies en Suède à partir de déclarations d’officiers allemands en visite.
Fin novembre, un défaitisme de mauvais augure avait infecté progressivement les hauts rangs de la Wehrmacht et du parti nazi. Même s’ils pressaient leurs troupes vers l’avant, en direction de Moscou, certains généraux estimaient qu’il eût été préférable de faire des ouvertures de paix et de mettre progressivement un terme à la guerre sans obtenir la grande victoire qui semblait assurée au début de l’Opération Barbarossa. Et, peu après la fin novembre, le ministre de l’Armement Fritz Todt avait demandé à Hitler de trouver une voie diplomatique pour sortir de la guerre, puisque, sur le plan purement militaire de même que sur le plan industriel, cette guerre était certainement perdue.Un pays qu'il est impossible de conquérir
Quand l’Armée rouge avait lancé sa contre-offensive dévastatrice, le 5 décembre, Hitler lui-même avait compris qu’il allait perdre la guerre. Mais, naturellement, il n’était pas disposé à le faire savoir au public allemand. Les mauvaises nouvelles du front à proximité de Moscou avaient été présentées au public comme un repli temporaire, imputable à l’arrivée précoce, supposée inattendue, de l’hiver et/ou à l’incompétence ou la lâcheté de certains commandants. Ce ne serait qu’une bonne année plus tard, après la défaite catastrophique de la bataille de Stalingrad, au cours de l’hiver 1942-1943, que le public allemand et le monde entier allaient comprendre que l’Allemagne était condamnée ; c’est pourquoi, même aujourd’hui, beaucoup d’historiens croient que c’est à Stalingrad que le vent avait tourné. Mais il s’avérait impossible de garder un secret total sur les implications catastrophiques de la débâcle à proximité de Moscou. Par exemple, le 19 décembre 1941, le consul d’Allemagne à Bâle rapportait à ses supérieurs à Berlin que le chef (ouvertement pro-nazi) d’une mission de la Croix-Rouge suisse, envoyé sur le front en Union soviétique pour n’assister que les blessés du côté allemand – ce qui contrevenait aux réglementations de la Croix-Rouge – était revenu en Suisse avec l’information, très surprenante aux yeux du consul, qu’« il ne croyait plus que l’Allemagne pût gagner la guerre ».
L’Allemagne nazie était condamnée, mais la guerre devait encore être longue. Hitler avait ignoré le conseil de ses généraux qui recommandaient avec insistance d’essayer de trouver une issue diplomatique à la guerre, et il avait décidé de continuer à se battre dans le mince espoir d’une victoire. La contre-offensive russe allait s’essouffler, la Wehrmacht allait survivre à l’hiver 1941-1942 et, au printemps 1942, Hitler allait ratisser toutes ses forces disponibles et les rassembler pour une offensive – dont le nom de code serait « Opération Bleue » (Unternehmen Blau), en direction des gisements pétroliers du Caucase – via Stalingrad. Hitler reconnaissait lui-même que, « s’il ne mettait pas la main sur le pétrole de Maikop et de Grozny, il lui faudrait alors mettre un terme à cette guerre ».
Cependant, l’élément de surprise avait été perdu et il s’avérait que les Soviétiques disposaient de masses gigantesques d’hommes, de pétrole et d’autres ressources, de même que d’un excellent équipement, dont une grande partie était produite dans des usines qui avaient été construites de l’autre côté de l’Oural entre 1939 et 1941. La Wehrmacht, d’autre part, ne pouvait compenser les énormes pertes qu’elle avait subies en 1941. Entre le 22 juin 1941 et le 31 janvier 1942, les Allemands avaient perdu 6 000 avions et plus de 3 200 chars et véhicules similaires ; et pas moins de 918 000 hommes avaient été tués, blessés ou portés manquants durant l’action, ce qui correspondait à 28,7 % de la force moyenne de l’armée, à savoir 3,2 millions d’hommes. En Union soviétique, l’Allemagne allait perdre pas moins de 10 millions d’hommes sur un total de 13,5 millions de tués, de blessés ou de prisonniers, durant toute la durée de la guerre. Et l’Armée rouge est responsable de 90 % de tous les Allemands tués au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le front de l’est est le cimetiere de l’armée allemande et la fin des illusions d’un Reich Millénaire.
Les forces disponibles pour une avancée vers les champs pétroliers du Caucase étaient donc de ce fait extrêmement limitées. Dans de telles circonstances, il est tout à fait remarquable qu’en 1942, les Allemands soient parvenus à aller jusqu’à ce point. Mais quand leur offensive avait inévitablement abouti à une impasse, en septembre de cette même année, leurs lignes faiblement défendues s’étiraient sur des centaines et des centaines de kilomètres, présentant ainsi une cible parfaite pour une attaque soviétique. Quand cette attaque s’était produite, elle avait provoqué le refoulement complet de l’armée allemande et sa destruction, en fin de compte, à Stalingrad. C’est après cette grande victoire de l’Armée rouge que le caractère inéluctable de la défaite allemande dans la Seconde Guerre mondiale allait être évident aux yeux de tous. Toutefois, la défaite allemande apparemment mineure et relativement inattendue en face de Moscou, fin 1941, avait été la condition préalable de la défaite assurément plus spectaculaire et plus « visible » de Stalingrad.

Grèce : pourquoi la capitulation? Une autre voie est possible par Eric Toussaint

Version texte de la vidéo du même nom
Éric Toussaint analyse de manière critique l’attitude de Syriza en ce qui concerne la dettedepuis 2010, pour expliquer comment le gouvernement grec en est venu à signer l’accord funeste du 13 juillet 2015. Une des explications fondamentales est la non prise en compte de l’audit de la dette qui aurait pourtant permis, en suspendant son paiement, de ne pas se soumettre aux diktats des créanciers. Éric Toussaint présente un plan B portant sur la dette, les banques, l’austérité, la monnaie et la fiscalité.
La question de la dette grecque est absolument centrale. À partir de mai 2010 et du premier mémorandum et du moment où se constitue la Troïka entre le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et l’Union européenne, cette question reste absolument centrale au cours des années à venir |1|.
La Commission d’audit citoyen de 2011
En décembre 2010, la députée Sofia Sakorafa intervient au Parlement en disant qu’il faudrait créer une Commission d’audit de la dette grecque s’inspirant de l’Équateur qui en avait constitué une en 2007-08. Cette députée fait référence à ma participation à cette expérience et dit qu’on pourrait faire appel à mon aide |2|. Il était clair que ce parlement qui était dominé par le PASOK et Nouvelle Démocratie n’avait aucun intérêt à faire la clarté sur la dette, et cette proposition a donc été rejetée. Avec toute une série de mouvements sociaux, et cette députée Sofia Sakorafa, on a décidé de créer une initiative d’audit citoyen de la dette |3|. Cela a pris quelques mois pour être lancé. On a mis au point un dispositif de lancement, par exemple en s’appuyant sur la réalisation d’un documentaire « Debtocracy » par le cinéaste Aris Chatzistefanou, qui allait jouer un rôle très important dans la diffusion de cette proposition. Le documentaire a été téléchargé par plus de 1,5 million de personnes en 6 semaines sur une population de 10 millions, c’est donc un écho extrêmement important. Évidemment, il n’est pas passé sur les chaînes de TV privées ou publiques mais il a eu une résonance extraordinaire |4|. La population, qui avait participé à un grand nombre de grèves, s’est lancée dans la foulée du mouvement des indignés espagnols dans l’occupation des places publiques d’une multitude de villes, à commencer par Athènes et Thessalonique mais ça a touché des villes moyennes pendant les mois de juin et juillet 2011. Les membres du Comité d’audit citoyen ont trouvé un écho extraordinaire à une proposition présentant les résultats préliminaires de la remise en cause des dettes réclamées à la Grèce et l’explication de comment la Grèce avait accumulé une telle dette qu’on pouvait considérer comme illégitime.
La position de la direction de Syriza vis-à-vis du Comité d’audit citoyen de 2011
Du côté des forces politiques constituées à la gauche, il y avait très peu d’enthousiasme pour soutenir cette initiative. Du côté de Syriza, des personnes comme Lafazanis |5| qui est par la suite devenu ministre du gouvernement Tsipras à partir de janvier 2015 ou une autre ministre du gouvernement Tsipras, Nadia Valavani |6|, sont des personnes qui, dès le début, c’est à dire depuis 2011, se sont engagées dans le soutien à cette Commission, mais du côté de la majorité de Syriza il n’y avait pas véritablement d’enthousiasme. Par exemple le ministre des Finances du gouvernement Tsipras, Yanis Varoufakis, a déclaré quand nous l’avons contacté en 2011 qu’il ne pouvait pas soutenir cette initiative d’audit citoyen car si il s’agissait de proposer à la suite de l’audit une suspension de paiement, cela ramènerait la Grèce à l’âge de la pierre disait-il dans une lettre publique |7|. Ce qui permet de comprendre des choses qui se sont passées en 2015 et le type de positionnement de quelqu’un comme Varoufakis.
Le programme de Syriza aux élections législatives de mai-juin 2012
Cette initiative d’audit citoyen a trouvé finalement un écho dans Syriza malgré les difficultés de départ et Syriza a repris la proposition dans son programme en cinq points |8| pour les élections de mai puis de juin 2012 pour lesquels les cinq points étaient :
- l’abrogation des mesures d’austérité ;
- la suspension de paiement de la dette jusqu’au retour de la croissance – ce qui impliquait évidemment une toute autre politique – et lier la suspension de paiement à la réalisation d’un audit ;
- la socialisation des banques ;
- la levée de l’immunité parlementaire des responsables ;
- des mesures fiscales importantes pour faire payer ceux qui avaient profité de la crise et qui étaient à l’abri de la fiscalité.
Avec un tel programme radical, Syriza a accompli une percée électorale très importante puisqu’elle est passée de 4% en 2009 à 27% en 2012 devenant ainsi le second parti après Nouvelle Démocratie avec une différence de seulement 2 points. À partir de ce moment-là, Syriza est apparu comme une force capable d’accéder au gouvernement dans les mois qui suivaient ou quelques années plus tard.
Fin 2012 : La direction de Syriza modère ses propositions
On ne peut pas imaginer d’abandonner les politiques d’austérité si on ne résout pas d’une manière radicale la question de la dette.
Ce qui est vraiment interpellant c’est, qu’alors que Syriza démontre par son résultat que sa radicalité trouve un écho dans la population grecque notamment avec la proposition de suspension du paiement de la dette, la position de la majorité de Syriza et d’Alexis Tsipras est de modérer ces propositions avec l’idée, qui d’après moi est fausse, que si Syriza accédait au gouvernement il lui serait très difficile de les appliquer en pratique alors que ces cinq points étaient des éléments absolument clés dans la solution à apporter à la crise. On ne peut pas imaginer d’abandonner les politiques d’austérité si on ne résout pas d’une manière radicale la question de la dette. Il est impossible de revenir sur une série de mesures si on ne réduit pas radicalement la dette. C’est ainsi qu’il fallait combiner l’abrogation d’une série de mesures dictées par la Troïka à la mise en place d’une suspension de paiement et à la réduction radicale d’une partie de la dette et il fallait également trouver une réponse du côté des banques et de la fiscalité. Or, en octobre 2012, alors que je suis invité à donner une conférence au 1er festival de la jeunesse de Syriza |9|, je me retrouve dans une discussion en tête à tête avec Alexis Tsipras et, en fait, je me rends compte qu’il est en train de revenir sur la proposition de suspension de paiement et d’audit de la dette et il s’oriente plutôt vers une négociation pour obtenir une réduction de la dette de la part des créanciers sans recourir à la suspension de paiement et je lui fais part de mon étonnement.
Bien qu’il réponde que le programme en cinq points est maintenu, je me rends compte que ce n’est pas la perspective pratique de Tsipras.
Octobre 2013 : Alexis Tsipras souhaite une conférence européenne sur la dette publique
Un an plus tard, Tsipras m’invite à nouveau et me demande de collaborer à la mise en place d’une grande conférence européenne sur la dette pour réduire la dette de la Grèce, à l’image de ce qui s’était passé avec la conférence de Londres de 1953 lorsque les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont concédé une réduction de dette très importante à l’Allemagne de l’Ouest. Nous avons eu alors une discussion où je lui ai dit que ça me paraissait parfaitement légitime qu’il interpelle les opinions publiques européennes et les institutions européennes pour leur dire qu’il faudrait une conférence européenne sur la dette mais que cela n’avait aucune chance d’aboutir. Il faut absolument combiner cette idée avec celle d’un audit avec une suspension de paiement. La discussion se termine sur la proposition que je participe à un noyau de préparation d’une conférence européenne sur la dette qui devait se tenir en mars 2014 mais entre-temps cette proposition n’avait pas été soutenue sous cette forme-là par le parti de la gauche européenne qui finit par convoquer une conférence à Bruxelles au printemps 2014. Lors de cette conférence à laquelle j’ai été invité avec Alexis Tsipras et d’autres dirigeants de la gauche européenne j’ai redis clairement qu’il fallait un plan B car la première proposition de conférence européenne n’est pas suffisante |10|. Je me retrouve dans un panel qui discute de cela avec Euclide Tsakalotos, qui en juillet 2015 a remplacé Varoufakis au poste de ministre des Finances, et je me rends compte dès ce moment qu’il n’est absolument pas favorable à mettre au point un plan B portant sur la dette, les banques, la fiscalité et que le plan est de négocier à tout prix avec les institutions européennes pour obtenir une réduction de l’effort d’austérité.
Syriza devient le premier parti de Grèce aux élections européennes de mai 2014
Syriza obtient une victoire électorale et devient le premier parti grec. Pour ceux qui luttaient sur la question de la dette c’était une double victoire car sur les six députés élus au Parlement européen, cinq étaient favorables à une politique forte en matière de dette et à l’audit. C’était ainsi le cas de Manolis Glezos, de Georges Katrougalos qui est devenu plus tard ministre, de Sofia Sakorafa qui était une des initiatrices avec moi de l’audit citoyen en 2011, mais aussi de Kouvenas et d’un député provenant du PASOK. On a eu à plusieurs reprises des réunions au Parlement européen avec également des députés de Podemos et d’Izquierda Unida pour avancer l’idée de l’action unilatérale et de la suspension de paiement, mais en même temps je me suis rendu compte que la ligne officielle de Tsipras, soutenue par des personnes comme Katrougalos, étaient d’aller vers la négociation |11|. Ce qui est fondamental pour eux, c’est la conférence européenne pour la restructuration de la dette sur le modèle allemand.
La victoire de janvier 2015
Des élections anticipées sont convoquées pour le 25 janvier. Le 2 janvier, je suis contacté par un envoyé de Tsipras qui me demande si je pourrais conseiller le gouvernement en matière de dette. J’accepte immédiatement et je fais une série de propositions dans la lignée de ce qui avait été mis en avant depuis 2011 |12|. Mais quelques jours avant les élections alors que j’avais fait ces propositions, le contact se perd. Suite à l’élection, je me rends à Athènes et une des personnes que je rencontre c’est Georges Katrougalos, devenu ministre de la réforme administrative, qui avait soutenu à fond l’audit et qui lorsqu’il était député européen soutenait d’une certaine manière les propositions que je faisais et il me met en contact avec la nouvelle présidente du Parlement, Zoe Konstantopoulou, avec qui le contact est passé directement. À l’issue d’une discussion d’une heure elle a rendu publics les résultats de cette discussion en disant qu’elle faisait appel à mon concours pour lancer une commission d’audit de la dette grecque |13|.
L’accord funeste du 20 février 2015 avec les créanciers institutionnels
Suite à trois semaines de négociations, un premier pré-accord intervient le 20 février entre les créanciers, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le gouvernement grec, qui marque d’après moi une étape déjà très préoccupante |14|. Il s’agit d’un accord par lequel le gouvernement grec s’engage à respecter le calendrier des paiements et les sommes à rembourser à chaque créancier. Il déclare aussi que le gouvernement grec fera une série de propositions à l’Eurogroupe, qui remplaçait la Troïka, en matière de réformes. Évidemment, pour l’Eurogroupe, il s’agissait de réformes qui poursuivaient le programme en cours, tout en reportant à la fin juin 2015 les mesures d’austérité négociées avec les créanciers.
Une autre politique était souhaitable et possible
Si vous suspendez le paiement de la dette, vous changez le rapport de force avec les créanciers. Face à un refus de paiement, ce sont eux qui vont devenir demandeurs de la négociation.Pour ma part, je pense que le gouvernement grec aurait dû adopter une autre politique. Il était démontré dès début février que les créanciers n’étaient pas prêts à permettre à Syriza de réaliser son programme (à savoir : revenir sur l’austérité et obtenir une réduction de la dette). Alors, comme moyen de pression sur les créanciers, Tsipras aurait dû dire : « J’applique le règlement européen adopté le 21 mai 2013 qui prévoit la réalisation d’un audit, pour voir dans quelles conditions on a accumulé une dette qui devient insoutenable, et pour déceler d’éventuelles irrégularités ». C’est le texte exact du règlement européen. « En tant que gouvernement, je l’applique, et je suspends le paiement de la dette pendant la réalisation de l’audit ».
Si vous suspendez le paiement de la dette, vous changez le rapport de force avec les créanciers. Face à un refus de paiement, ce sont eux qui vont devenir demandeurs de la négociation. Tandis que jusque-là, c’était le gouvernement qui était à la recherche de la négociation face à des créanciers qui ne voulaient pas vraiment négocier, ou alors à condition de poursuivre les mesures d’austérité qui avaient été rejetées par la population grecque. Donc il aurait bien fallu suspendre le paiement, réaliser l’audit, prendre des mesures fortes sur les banques. Il faut savoir qu’on a injecté de manière permanente des dizaines de milliards dans les banques grecques en augmentant ainsi la dette publique grecque, sans tout autant résoudre le problème des banques. Il aurait fallu aussi prendre des mesures fortes en matière de fiscalité pour augmenter les recettes fiscales et pouvoir mener cette politique anti-austéritaire. Je pense que si le gouvernement grec, le 20 février, n’avait pas signé cet accord néfaste, il aurait pu réellement s’engager dans un processus intéressant pour la Grèce.
Ce qui est aussi intéressant, c’est que la présidente du Parlement grec a dit à Alexis Tsipras, avec d’autres ministres, comme Lafazanis qui était un des ministres les plus importants « Pas question de soumettre l’accord du 20 février pour approbation au Parlement grec. Une série des parlementaires grecs ne pourront pas approuver cet accord qui est contraire au mandat que Syriza est allé chercher le 25 janvier. » En effet, cet accord du 20 février est resté un accord signé par le gouvernement, mais sans l’accord du Parlement, et c’est un point très important.
Lancement de la Commission pour la vérité sur la dette grecque par la présidente du Parlement hellénique
Le 4 avril 2015 commencent effectivement les travaux de cette Commission pour la vérité sur la dette grecque, instituée par la présidente du Parlement grec, et dont la coordination des travaux m’incombe. Les travaux sont lancés par une séance publique qui dure toute une journée à laquelle participent le premier ministre Alexis Tsipras, le président de la République, la majorité des ministres, une série de parlementaires et une participation citoyenne très importante : des mouvements sociaux grecs sont présents |15|. Cet audit est conçu comme un audit à participation citoyenne. Nous nous lançons dans des travaux qui nous ont demandé énormément de travail. Pendant deux mois et demi, nous avons recouru à des auditions, nous avons fait venir un négociateur grec au FMI pour la période 2010-2011, nous avons fait venir un ancien conseiller de Barroso, le président de la Commission européenne, pour la période 2010-2011-2012, nous avons étudié toutes les dettes telles qu’elles sont réclamées par les créanciers actuels de la Grèce, dans quelles conditions elles ont été contractées etc., et nous avons défini les critères que nous allions utiliser pour identifier les dettes illégitimes, illégales, insoutenables ou odieuses |16|. Sur la base de ces critères et de l’analyse rigoureuse des dettes réclamées, nous avons produit un rapport préliminaire que nous avons présenté les 17 et 18 juin |17|. Il conclut que les dettes réclamées par les créanciers publics : la Troïka, sont à nos yeux des dettes illégitimes, illégales, insoutenables ou odieuses. Quand je dis « à nos yeux », c’est bien entendu d’après des critères scientifiques et d’après des critères du droit international et du droit interne.
Le gouvernement grec ne s’appuie pas sur l’audit
Alors qu’Alexis Tsipras avait apporté son soutien aux travaux de la Commission, en réalité, au cours de la négociation avec les créanciers, il ne s’est pas appuyé dessus de manière explicite. Alexis Tsipras et Yannis Varoufakis ont poursuivi leur plan qui était d’obtenir la conclusion du programme d’austérité pour la fin du mois de juin, en renouvelant un nouveau programme avec ces créanciers, mais dans des conditions largement déterminées par eux-mêmes. Sans mettre la pression sur eux, en renonçant donc à la suspension de paiement. Cela a mené à l’impasse que l’on connaît. Les créanciers ne faisaient aucune concession au gouvernement grec, et ils présentaient même à l’opinion publique internationale le gouvernement grec comme incapable de présenter des propositions sérieuses. Cela a révélé un hiatus profond entre cette initiative de l’audit et une situation dans laquelle, poursuivant la négociation, le gouvernement grec utilisait tous les fonds disponibles pour payer les créanciers. Sept milliards ont été utilisés pour rembourser le FMI, la BCE, les créanciers privés. Alors que les dépenses pour résoudre les problèmes de la crise humanitaire (les problèmes de santé, les problèmes posés aux retraités, les 300 000 familles qui n’avaient plus de raccordement électrique) se sont élevées à 200 millions d’euros. 200 millions d’euros face à 7 milliards utilisés pour rembourser les créanciers ! On mesure bien l’importance du fossé. En tant que coordinateur de la Commission, et avec tous ses membres, nous sommes plongés dans une profonde frustration, une profonde inquiétude. Nous nous demandions comment il était possible que l’on continue à rembourser cette dette, alors que nous étions en train de prouver qu’elle est illégitime. Nous commençons maintenant à le dire publiquement : il y a un problème ! Je suis allé rencontrer Dimitris Stratoulis, le ministre en charge des retraites, alors qu’il annonçait qu’il refusait de nouvelles mesures de réduction des retraites, pour lui apporter publiquement mon soutien |18|.
Oui il faut résister aux exigences des créanciers. Pour nous, il est fondamental de montrer qu’il existe un lien entre nos travaux et les préoccupations de la population grecque. J’ai pu mesurer que nous rencontrions un écho extraordinaire dans la population grecque. Personnellement, comme coordinateur de la Commission, ma photo et mes déclarations apparaissaient dans les médias, et lorsque je me déplaçais dans les rues à Athènes, ou lorsque je prenais le métro, j’étais très régulièrement arrêté par des citoyens grecs me remerciant pour les travaux que je réalisais et pour l’aide que j’apportais au pays. Alors que les médias dominants qui représentent 80% de l’audimat dénigraient les travaux de la Commission, la population grecque décodait la politique de discrédit qui était lancée par les médias, et nous appuyait. Elle montrait une attente très importante à l’égard de nos travaux.
Du référendum du 5 juillet à l’accord du 13 juillet 2015
Quelques jours après la présentation publique de nos travaux, la Grèce était en état de suspension de fait à l’égard du FMI (même si ce n’était pas encore une suspension officielle, elle était bien en retard de paiement). L’échéance de paiement était un moment critique. Ainsi les créanciers ont décidé d’augmenter leurs exigences à l’égard d’Alexis Tsipras. Le gouvernement de Tsipras aurait pu, sur la base de son mandat du 25 janvier et de son nouveau mandat renforcé, ouvrir une nouvelle orientation.Il a donc été amené à convoquer un référendum le 5 juillet 2015. Alors qu’il y avait une pression maximale des créanciers, à l’instar de l’intervention de Junker disant au peuple grec qu’il fallait voter pour les propositions qu’ils avançaient eux-mêmes, (et donc pour le OUI au référendum), 62% de la population grecque a dit NON aux propositions des créanciers. Cela ouvrait à nouveau une situation par laquelle le gouvernement de Tsipras aurait pu, sur la base de son mandat du 25 janvier, et sur la base de son nouveau mandat renforcé : 62% de NON aux exigences des créanciers, ouvrir une nouvelle orientation. Celle consistant à dire : « nous avons fait toutes les concessions possibles et imaginables, nous avons remboursé 7 milliards, et vous, vous créanciers, vous ne faites aucune concession. Nous sommes amenés à prendre des mesures d’auto-défense. Nous suspendons le paiement de la dette, nous résolvons le problème des banques en les mettant en faillite mais tout en protégeant les dépôts des déposants, nous prenons des mesures fiscales très fortes pour faire payer les riches, et surtout ceux qui sont responsables de la crise. Et nous nous engageons dans un plan B parce que le plan A n’a pas fonctionné. »
Au lieu de faire cela, le gouvernement de Tsipras, qui avait pourtant un mandat très clair le 5 juillet, est allé rencontrer le 6 juillet les dirigeants des trois partis qui avaient appelé au OUI et qui avaient subi une défaite terrible : le parti POTAMI, le parti PASOK et le parti Nouvelle Démocratie. Il leur propose un accord. Cet accord, très néfaste, est soumis au parlement le 11 juillet |19|. Cette proposition émane d’une sorte d’union sacrée entre Tsipras et la droite (défaite lors du référendum) et Tsipras se rend à Bruxelles le 12 juillet avec cette proposition. Les créanciers, qui veulent obtenir la capitulation définitive de Tsipras, disent : « ce que vous nous proposez n’est pas suffisant, nous durcissons nos positions. » Et après 17 heures de négociations, le 13 juillet, Tsipras signe un accord absolument funeste. Non seulement, de nouvelles mesures vont affecter les retraités (une fois de plus), mais elles vont aussi affecter toute la population avec l’augmentation du taux de TVA sur une série de produits de consommation courante, et il y a en plus ce fameux fonds de privatisation qui va s’accélérer et aboutir à 50 milliards d’euros. Il s’agit ni plus ni moins d’une vente aux enchères de tout ce qui n’avait pas encore été privatisé. Cet accord funeste, signé par Tsipras le 13 juillet |20| est soumis au parlement grec dans la nuit du 15 au 16 juillet |21|. Pour moi, c’est la capitulation.
Les leçons de la capitulation du 13 juillet 2015
Il faut tirer les leçons de la capitulation de 13 juillet 2015 |22|. Si l’on ne recourt pas à des mesures unilatérales d’auto-défense face aux créanciers, notamment la suspension de la dette, il est impossible d’obtenir des concessions fortes de la part des créanciers. Il faut que les forces politiques et sociales européennes comprennent qu’une négociation dans le cadre européen actuel respectant les règles dictées par la Commission européenne, la BCE, ou le FMI ne peut pas marcher. Il faut désobéir aux créanciers. Ce n’est qu’en désobéissant aux créanciers qu’on peut leur imposer de faire des concessions. Bien sûr il n’y a pas que la question de la dette. La leçon fondamentale à tirer est que la modération ne permet pas de trouver une solution. Il faut s’appuyer sur la population et prendre des mesures très fortes.Il faut répéter qu’aujourd’hui il existe des mesures clés d’alternatives : à côté de la suspension de la dette, il faut l’abandon des mesures d’austérité et l’adoption de lois protégeant les personnes qui ont été affectées par ces politiques d’austérité. Il faut aussi une solution du côté des banques. Il faut une socialisation du secteur bancaire. Il faut que ces banques privées passent dans le secteur public et répondent à des critères de service public pour servir les intérêts de la population. Il faut une toute autre politique fiscale. Il faut que le pour-cent le plus riche, les grandes entreprises, paient réellement des impôts, et que l’on baisse les impôts sur la charge de la majorité de la population : il faut baisser les taux de TVA, il faut que l’on exonère de certains impôts ceux d’en bas en fixant un seuil de revenu. C’est donc la combinaison d’une politique qui porte sur la dette, sur les banques, sur la fiscalité, mettant fin à l’austérité et créant des emplois, qui permet de mettre en place une alternative. Cette alternative est tout à fait possible. La population est prête. Elle soutient. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi 62% des Grecs, alors qu’ils étaient menacés du chaos s’ils votaient NON, pourquoi, malgré ce matraquage, ce chantage, la fermeture des banques grecques, pourquoi ils ont voté contre la proposition des créanciers.
La conclusion est qu’un mouvement qui veut assumer des responsabilités gouvernementales doit être à la hauteur du soutien populaire. Il doit être prêt.
Si l’on propose à la population de rejeter les propositions des créanciers, si l’on propose de réaliser un autre programme, il faut être prêt à prendre les mesures qui permettent de réaliser ce programme. Nous avons besoin des forces sociales et politiques qui sont concrètement prêtes à affronter les créanciers. Et à désobéir aux créanciers.
La leçon fondamentale à tirer est que la modération ne permet pas de trouver une solution. Il faut s’appuyer sur la population et prendre des mesures très fortes.
Une monnaie complémentaire dans le cadre d’un plan B
À côté des mesures fortes comme la suspension unilatérale de la dette et la socialisation des banques, il existe des mesures très concrètes comme la création d’une monnaie complémentaire qui peut avoir des effets extrêmement intéressants. Pour un pays qui se retrouve en manque d’euros comme la Grèce, parce qu’elle est asphyxiée par la BCE, il est parfaitement possible de créer une monnaie complémentaire par la voie électronique. C’est par exemple ce qu’a fait l’Équateur depuis deux ans. En tant que banque centrale du pays, il s’agit d’ouvrir un crédit via le téléphone portable, par exemple de 100 euros, permettant aux personnes qui reçoivent ce crédit (comme les retraités qui recevraient une partie de leur retraite, les salariés de la fonction publique, les personnes qui reçoivent une aide publique) de payer par exemple la facture d’électricité, la facture d’eau, les transports publics… Ils pourraient aussi utiliser ce crédit pour faire des achats dans des supermarchés, puisqu’il faut comprendre que même si les supermarchés privés ne seraient pas enthousiastes à la création d’une monnaie complémentaire, ils finiront bien par l’accepter pour ne pas perdre les clients qui partiront acheter chez les commerces qui l’accepteront ! Les autorités du pays seront alors en capacité d’octroyer des augmentations de salaires, des augmentations de retraites, sans dépendre directement de la monnaie officielle.
La perspective d’une sortie de la zone euro
Pour des pays comme la Grèce, ou le Portugal, la sortie de la zone euro devient une perspective tout à fait justifiée. Pour reprendre la maîtrise de l’économie et appliquer des politiques qui répondent aux intérêts du pays, il faut être prêt à revenir à une monnaie nationale. Mais d’après moi, ce n’est valable que si cela va de pair avec la socialisation des banques, avec une réforme fiscale favorable à ceux d’en bas, avec une solution radicale à la dette |23|. Sinon on aura une sortie de droite à la zone euro. C’est bien pourquoi une partie de l’extrême droite soutient de façon souverainiste cette sortie. Il faut l’éviter. Il faut une sortie progressiste, favorable au peuple. Pour retrouver le contrôle de sa propre monnaie, pour mener une politique monétaire favorable au marché local, notamment aux producteurs locaux, il ne faut pas avoir comme objectif de vendre à l’extérieur, mais bien de se baser sur les forces productives du pays pour répondre aux besoins de la population et ainsi diminuer les importations et donc les besoins en devises fortes.

Retranscription effectuée par Charlotte Géhin et Virginie de Romanet
Notes
|1| Cette version contient de nombreuses notes qui permettent d’approfondir et de référencer les sujets abordés.
|2| Sofia Sakorafa, qui a rompu avec le PASOK quand celui-ci a accepté le mémorandum de 2010, a été réélue députée en juin 2012 sur la liste Syriza. Ensuite elle a été élue au parlement européen en mai 2014. Le 9 janvier 2011, le troisième quotidien grec en terme de tirage (à l’époque), Ethnos tis Kyriakis m’a interviewé en titrant « Ce n’est pas normal de rembourser les dettes qui sont illégitimes. Les peuples de l’Europe ont aussi le droit de contrôler leurs créanciers ». Le quotidien explique que « Le travail du Comité en Équateur a été récemment mentionné au Parlement grec par la députée Sofia Sakorafa. ». Ethnos tis Kyriakis, de centre-gauche, était le troisième quotidien grec en terme de tirage (100 000 exemplaires). Version en grec de l’interview publiée le 9 janvier 2011 : http://www.ethnos.gr/article.asp?catid=22770&subid=2&pubid=49752949 Voir la version française.
|3| Parmi les promoteurs de ce comité citoyen d’audit (ELE en grec) ont joué un rôle particulièrement actif : Leonidas Vatikiotis, journaliste et militant politique d’extrême-gauche très actif (il n’est pas membre de Syriza, il fait partie du NAR, membre d’Antarsya), l’économiste Costas Lapavitsas (il n’était pas membre de Syriza, il est devenu député Syriza en janvier 2015, a voté contre le 3e mémorandum et participe au nouveau mouvement politique Unité populaire), Giorgos et Sonia Mitralias (qui avaient créé en juillet 2010, le comité grec contre la dette, membre du réseau CADTM)…
Parmi les articles publiés fin 2010 pour préparer le lancement de ce comité d’audit, voir celui paru le 10 décembre 2010 dans une revue grecque : « Ouvrez les livres de compte de la dette publique ! ».
Costas Lapavitsas, défendait activement la nécessité de créer une commission d’audit « La Commission internationale d’audit pourrait jouer le rôle de catalyseur contribuant à la transparence requise. Cette commission internationale, composée d’experts de l’audit des finances publiques, d’économistes, de syndicalistes, de représentants des mouvements sociaux, devra être totalement indépendante des partis politiques. Elle devra s’appuyer sur de nombreuses organisations qui permettront de mobiliser des couches sociales très larges. C’est ainsi que commencera à devenir réalité la participation populaire nécessaire face à la question de la dette. » (article publié le 5 décembre 2010 par le quotidien Eleftherotypiavoir en français).
|4| Voir à propos de Debtocracy : « Dette : les Grecs et la Debtocracy », publié le 13 juillet 2011.
|5| Panaghiotis Lafazanis, un des leaders de la plate-forme de gauche dans Syriza, ministre de l‘énergie, a été démissionné par Alexis Tsipras car il s’est opposé à l’accord du 13 juillet 2015. P. Lafazanis conduit l’Unité populaire qui réunit depuis le 21 août 2015 les 25 députés qui ont quitté Syriza, la plate-forme de gauche et d’autres forces de la gauche radicale.
|6| Nadia Valavani, vice-ministre des finances qui a démissionné du gouvernement le 15 juillet car elle était opposée à l’accord du 13 juillet 2015. Nadia Valavani est connue pour son action courageuse dans la résistance à la dictature des colonels (1967-1974).
|7| Voir en grec : ΣχόλιαΓιάνης Βαρουφάκης Debtocracy : Γιατί δεν συνυπέγραψα http://www.protagon.gr/?i=protagon.el.article&id=6245, publié le 11 Απριλίου 2011.
Dans cette longue lettre, Y. Varoufakis explique pourquoi il ne soutient pas la création du comité citoyen d’audit (ELE). Varoufakis explique que l’économiste James Galbraith lui a demandé le 2 février 2011 s’il fallait signer l’appel pour la création de ELE. Pour la petite histoire, c’est moi qui avait écrit à Galbraith pour lui demander de signer cet appel international. Dans ce long texte publié en avril 2011, Varoufakis donne également son avis sur le documentaire Debtocracy dans lequel il est interviewé.
À noter qu’en mars 2011, j’avais été invité par Synaspismos (=le principal parti de la coalition Syriza, dirigé par Alexis Tsipras avant que Syriza se transforme en parti en 2013 et élise A. Tsipras comme président) en tant que conférencier à Athènes à une grande conférence internationale au cours de laquelle sont intervenus entre autres Y. Varoufakis, Alexis Tsipras, Y. Dragazakis… Une partie de ma conférence a été publiée en anglais dans un livre édité à Athènes par Elena Papadopoulou and Gabriel Sakellaridis (Edited by), THE POLITICAL ECONOMY OF PUBLIC DEBT AND AUSTERITY IN THE EU, Transform, Athens, 2012.
Parmi les auteurs : Yanis Varoufakis, Alexis Tsipras, Nicos Chountis, Yiannis Dragasakis, Euclid Tsakalotos, Éric Toussaint… http://transform-network.net/uploads/tx_news/public_debt.pdf La contribution de Yannis Varoufakis donne une bonne idée de son orientation modérée (voir une version plus développée de sa position : http://yanisvaroufakis.eu/euro-crisis/modest-proposal/ ) tandis que celle d’Alexis Tsipras reprend l’orientation plus radicale que Syriza a adoptée jusqu’en juin 2012. Alexis Tsipras se prononce pour un audit intégral de la dette, la socialisation des banques, la taxation des biens de l’Église… La version française de ma contribution a été écrite en janvier 2011.
|8| La proposition en 5 points de Syriza a été présentée le 9 mai 2012 par Alexis Tsipras lorsqu’il a été chargé entre les deux tours des élections de 2012 de tenter de constituer un gouvernement. Voir le quotidien conservateur grec Ekathimerini : « Tsipras lays out five points of coalition talks », 9 mai 2012, http://www.ekathimerini.com/141399/article/ekathimerini/news/tsipras-lays-out-five-points-of-coalition-talks . Ces 5 points étaient tirés des 40 points du programme de Syriza pour les élections de 2012, « Greece : SYRIZA’s 40-point program », http://links.org.au/node/2888
Il faut souligner que ce programme exigeait notamment la nationalisation des banques, la déprivatisation des entreprises vendues au privé, la nationalisation des hôpitaux privés, des réformes constitutionnelles pour séparer l’Église et l’État, des référendums sur les traités européens, le retrait de l’OTAN, la fin de l’accord militaire avec Israël…
|10| J’ai eu l’occasion de développer ce point de vue dans une interviewque j’ai donnée au quotidien grec Le Journal des Éditeurs, (proche de Syriza) en octobre 2014.
La version originale en grec est disponible sur : http://www.efsyn.gr/?p=245093 Dans cette interview, sont exprimées de manière claire et nette les propositions alternatives à l’orientation qui a été mise en pratique par Alexis Tsipras et la majorité de la direction de Syriza.
En février 2013, j’avais déjà été interviewé par le même quotidien et j’avais exprimé des craintes par rapport à la modération des propositions de Syriza. Voir Éric Toussaint : « La Grèce doit suspendre unilatéralement le remboursement de sa dette ».
L’interview originale a été publiée le 23 février 2013 par le quotidien grec « efsyn » http://www.efsyn.gr/?p=25897
|11| Voir « Dette : Quelles stratégies en Europe ? », Discussion entre Syriza, Podemos, le Bloco de Esquerda et le CADTM sur les stratégies pour faire face à la crise de la dette en Europe (Parlement européen – 20 janvier 2015).
|13| Voir sur le site du parlement grec : ttp ://www.hellenicparliament.gr/En… (only in greek) Il faut souligner que Zoé Konstantopoulou avait été très claire au sujet du non paiement de la dette illégitime le 6 février 2015 dans un discours prononcé lors de son élection en tant que Présidente du Parlement hellénique.
|14| Voir la critique de Manolis Glézos, député européen de Syriza,
Glezos : « Je demande au Peuple grec de me pardonner d’avoir contribué à cette illusion », publié le 22 février 2015
|18|  Communiqué d’Éric Toussaint suite à la rencontre avec le ministre Dimitris Stratoulis qui a en charge les retraite, publié le 15 mai 2015
|19| La présidente du parlement grec s’est opposée à cet accord de même que plusieurs ministres et députés Syriza. Voir Discours de Zoé Konstantopoulou, présidente du parlement grec, sur le projet soumis par le gouvernement aux créanciers le 11/07/2015.
|20| Le jour même j’ai publié un article proposant une alternative à cet accord : Une alternative est possible au plan négocié entre Alexis Tsipras et les créanciers à Bruxelles, publié le 13 juillet 2015
|21| 32 députés de Syriza ont voté contre cet accord dont la présidente du parlement grec et Yannis Varoufakis. Voir le Discours de Zoé Konstantopoulou en faveur du NON à l’accord imposé par les créanciers.
|22| Voir Éric Toussaint, « Grèce : les conséquences de la capitulation » et Post-scriptum : Les conséquences de la capitulation
|23| J’avais mentionné cette position dans une interview au quotidien suisse Le Courrier le 3 février 2015.