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dimanche 1 septembre 2013

une fois de plus hypocrisie meurtrière des USA démontre la main mise de l'"empire" sur le monde de Sadam à aujourd'hui en passant par Ben Laden , la même logique meurtrière ...et la France à la remorque de cette boucherie

Des documents déclassifiés inédits et des interviews exclusives prouvent que, pendant la guerre Iran-Irak, Washington a fermé les yeux sur des opérations menées par le régime de Bagdad, et lui a même ensuite fourni des renseignements stratégiques.
Un soldat iranien avec un masque à gaz pendant les attaques chimiques irakiennes.
Le gouvernement américain est peut-être en train d’envisager des actions militaires en réponse aux attaques chimiques qui se sont (sans doute) produites près de Damas. Mais nous sommes parvenus à mettre la main sur des documents qui démontrent qu’il y a 25 ans de cela, les autorités de l’armée et du renseignement américains étaient au courant et ne firent absolument rien pour empêcher une série d’attaques aux gaz neurotoxiques bien plus dévastatrices que celles qui se déroulent actuellement en Syrie.
En 1988, alors que la guerre entre l’Iran et l’Irak touche à sa fin, les Etats-Unis apprennent, grâce à des images satellites, que l’Iran est sur le point d’obtenir un avantage stratégique potentiellement décisif en exploitant une faille dans les défenses irakiennes. Les services de renseignement américains font connaître aux Irakiens la localisation des troupes iraniennes en sachant pertinemment que l’armée de Saddam Hussein va les attaquer avec des armes chimiques, dont du sarin, un gaz neurotoxique létal.
Parmi ces renseignements, des images et des cartes des mouvements des troupes iraniennes, la localisation des dépôts logistiques iraniens et des détails sur les défenses aériennes iraniennes. Les Irakiens ont utilisé du gaz moutarde et du sarin avant quatre de leurs grandes offensives au début de l’année 1988 en s’appuyant sur ces images satellites, ces cartes et autres renseignements fournis par les services de renseignements américains.
Ces attaques ont permis de faire pencher le cours de la guerre en leur faveur et poussé l’Iran à s’asseoir à la table des négociations, permettant à la politique de l’administration Reagan, qui visait à assurer la victoire de l’Irak, d’aboutir. Elles furent également les dernières d’une série d’attaques chimiques qui s’étaient produites au cours des années précédentes, dont l’administration Reagan était parfaitement informée et qu’elle n’avait pas jugé utile de mentionner.

« Nous étions déjà au courant »

Les représentants étasuniens ont longtemps nié avoir eu connaissance des attaques chimiques menées par les Irakiens, en insistant sur le fait que le gouvernement de Saddam Hussein n’avait jamais fait part de son intention d’utiliser de telles armes. Mais le colonel Rick Francona de l’US Air Force, aujourd’hui à la retraite et qui était l’attaché militaire étasunien à Bagdad lors de ces attaques de 1988, nous en donne une vision bien différente.
« Les Irakiens ne nous ont effectivement jamais informés qu’ils avaient l’intention d’utiliser des gaz neurotoxiques. Cela n’était pas nécessaire: nous étions déjà au courant », nous a-t-il déclaré.
A en croire des documents récemment déclassifiés de la CIA et des entretiens accordés par d’anciens responsables du renseignement américain comme Francona, les Etats-Unis disposaient de preuves tangibles de l’utilisation de gaz par les troupes irakiennes depuis 1983.
A cette époque, l’Iran affirmait publiquement que ses troupes avaient été plusieurs fois victimes d’attaques chimiques illégales et était en train de réunir un dossier pour évoquer cette question devant l’Onu. Mais ce dossier manquait de preuves démontrant l’implication de l’Irak, preuves que l’on pouvait trouver dans des rapports secrets et des mémorandums adressés au plus hauts responsables du renseignement au sein de l’administration américaine. La CIA se refusa pourtant à tout commentaire sur ce sujet.
Ainsi, alors que le débat fait aujourd’hui rage autour de la question d’une éventuelle intervention des Etats-Unis pour mettre un terme à des attaques chimiques qui auraient été effectuées par le gouvernement syrien, il y a trente ans, les Etats-Unis se montraient donc bien plus froidement pragmatiques face à l’utilisation massive des armes chimiques par Saddam Hussein, tant à l’égard de ses ennemis que de ses propres citoyens.
L’administration Reagan décida qu’il était préférable de laisser les attaques se poursuivre si elles permettaient d’inverser le cours de la guerre. Et quand ces attaques furent connues, la CIA s’assura que l’indignation et les condamnations de la communauté internationale soient étouffées.
Dans les documents révélés, la CIA affirme ainsi que l’Iran pourrait bien ne pas découvrir de preuves tangibles de l’utilisation de ces armes —alors que l’agence les possédait. L’agence remarque également que l’Union soviétique avait fait usage d’armes chimiques en Afghanistan sans beaucoup de répercussions sur le plan international.

Complices des pires attaques chimiques de l’histoire

On a déjà rapporté que les Etats-Unis avaient fournis des renseignements tactiques à l’Irak alors même que le plus haut sommet de l’Etat soupçonnait que Saddam ferait usage d’armes chimiques. Mais ces documents de la CIA, passés presque totalement inaperçus dans la masse de documents déclassifiés consultables aux Archives Nationales de College Park, dans le Maryland, combinés à des entretiens exclusifs menés avec d’anciens responsables américains du renseignement, révèlent de nouveaux détails sur l’étendue même de la connaissance de ce sujet par les Etats-Unis, les circonstances et les dates de l’utilisation de ces agents mortels.
Ils démontrent que les plus hauts responsables étasuniens étaient régulièrement informés de l’ampleur de ces attaques aux gaz neurotoxiques. Et témoignent sans conteste de la complicité des autorités américaines dans certaines des pires attaques chimiques jamais effectuées dans l’histoire.
Certains hauts responsables de la CIA, dont le Directeur de l’agence, William J. Casey, un ami proche du président Reagan, avaient été informés de la localisation des usines de fabrication des armes chimiques irakiennes; ils savaient que l’Irak entreprenait de grands efforts pour produire assez de gaz moutarde afin de satisfaire les exigences des troupes de première ligne. Ils savaient aussi que l’Irak était sur le point d’acheter du matériel à l’Italie afin d’accélérer la production d’obus et de bombes chimiques et qu’il était prêt à utiliser des gaz neurotoxiques contre les troupes iraniennes, mais peut-être aussi contre les populations civiles.
Ces dirigeants étaient également informés que l’Iran était susceptible d’opérer des représailles contre les intérêts américains au Proche-Orient, dont des attaques terroristes, si Téhéran venait à croire que les Etats-Unis étaient impliqués dans la campagne d’attaques chimiques de l’Irak.
« Au fur et à mesure que les attaques irakiennes se poursuivent et s’intensifient, les chances augmentent de voir les forces iraniennes mettre la main sur un obus au gaz moutarde non explosé et portant des marques de fabrication irakiennes, dit ainsi un rapport top secret de la CIA de novembre 1983. Téhéran présentera de telles preuves devant l’Onu et accusera les Etats-Unis de complicité de violation de lois internationales. »
Le rapport de la CIA de novembre 1983 sur la réaction probable de l’Iran à l’utilisation d’armes chimiques par l’Irak

« Ils en feront presque certainement usage »

A cette époque, déclare Francona à Foreign Policy, le bureau de l’attaché militaire américain suivait les préparatifs des offensives irakiennes par le biais d’images satellites. Selon un ancien représentant de la CIA, celles-ci témoignaient du transport de munitions chimiques à destination des batteries d’artillerie irakiennes face aux positions iraniennes, et ce avant chaque offensive.
Francona, fin connaisseur du Proche-Orient et linguiste spécialiste de l’arabe ayant servi au sein de la National Security Agency (NSA) et de la Defense Intelligence Agency (DIA), déclare qu’il fut pour la première fois informé de l’utilisation d’armes chimiques par l’Irak contre l’Iran en 1984, alors qu’il était attaché militaire à Amman, en Jordanie. Les informations auxquelles il eut alors accès démontraient sans l’ombre d’un doute que les Irakiens avaient fait usage du tabun, un gaz neurotoxique (également appelé «GA») contre les troupes iraniennes dans le sud de l’Irak.
Les documents déclassifiés de la CIA montrent que Casey et d’autres hauts responsables furent régulièrement informés des attaques chimiques effectuées par l’Irak et de ses plans de futures offensives chimiques. «Si les Irakiens produisent ou se procurent de nouvelles réserves de gaz moutarde, ils en feront presque certainement usage contre les troupes iraniennes et les villes frontalières», peut-on lire dans un des documents top secrets de la CIA.
Mais la politique de Reagan consistait à faire en sorte d’assurer la victoire de l’Irak, quel qu’en soit le coût.
La CIA fait remarquer, dans un autre document, que l’utilisation d’agents neurotoxiques « pourrait avoir un impact significatif sur la tactique iranienne des vagues humaines et contraindre l’Iran à réviser sa stratégie». Cette tactique, qui voyait en effet les troupes iraniennes attaquer les positions iraniennes par le biais de vagues d’assaut successives [une méthode d’inspiration soviétique, ndt]s’étaient avérées payantes dans certaines batailles. En mars 1984, la CIA rapporta que l’Irak «avait commencé à utiliser des agents neurotoxiques sur le front de Bassora et pourrait être en mesure d’en utiliser sur une bien plus vaste échelle à la fin de l’automne 1984 ».
La note de la CIA du 23 mars 1984 confirmant l’utilisation d’agents innervants par l’Irak

Interdit depuis 1925

Le recours aux armes chimiques dans la guerre est interdit par le protocole de Genève de 1925, qui déclare que les parties «exerceront tous les efforts possibles pour amener d’autres États à accepter»l’accord. L’Irak n’a jamais ratifié ce protocole; les États-Unis l’ont fait en 1975. La convention sur les armes chimiques, qui interdit la production et l’utilisation de ce genre d’armes, n’a été votée qu’en 1997, des années après les événements dont il est question.
La première vague d’attaques irakiennes, en 1983, utilisa du gaz moutarde. S’il n’est généralement pas mortel, ce dernier provoque de graves ampoules sur la peau et les muqueuses susceptibles de provoquer des infections fatales, une cécité et des maladies des voies respiratoires supérieures, tout en augmentant le risque de cancer.
Mohammad Reza Bajelan, une victime iranienne des attaques chimiques, dans un hôpital de Téhéran en 2002. REUTERS/Raheb Homavandi.
Les États-Unis ne fournissaient pas encore de renseignements militaires à l’Irak à l’époque où le gaz moutarde fut utilisé, mais ils n’ont rien fait non plus pour aider l’Iran à tenter de mettre au jour les preuves du recours illégal de l’Irak aux armes chimiques, ni pour en informer les Nations Unies. La CIA décida que l’Iran était capable de bombarder les usines d’armement, du moment qu’il pouvait les trouver. Et elle jugea qu’il en connaissait l’emplacement.
Les preuves concrètes de l’attaque chimique par l’Irak sont apparues en 1984, ce qui n’a pas franchement contribué à dissuader Saddam Hussein d’utiliser ces agents mortels, notamment dans des frappes contre son propre peuple. Mais si la CIA avait connaissance de l’utilisation des armes chimiques par le dictateur irakien, ses responsables ne voulurent pas fournir de renseignements à l’Irak pendant la plus grande partie de la guerre. Le département de la Défense proposa un programme de partage des renseignements avec les Irakiens en 1986, qui, à en croire Francona, fut bloqué car la CIA et le département d’État considéraient que Saddam Hussein était «abject» et ses représentants des «brutes».
Saddam Hussein et le roi Hussein de Jordanie, en novembre 1987. REUTERS/Stringer.

Une victoire iranienne « inenvisageable »

La situation changea en 1987. Des satellites de renseignement de la CIA recueillirent des indications claires que les Iraniens rassemblaient un grand nombre de soldats et d’équipements à l’est de la ville de Bassora, explique le colonel Francona, qui travaillait à l’époque pour la DIA.
Les analystes de cet organisme étaient très inquiets car l’imagerie satellite montrait que les Iraniens avaient découvert une brèche béante dans les lignes irakiennes au sud-est de Bassora. La jointure s’était ouverte au carrefour entre le 3e corps d’armée irakien, déployé à l’est de la ville, et le 7e corps, au sud-est, déployé sur et autour de la très disputée péninsule de Fao.
Les satellites avaient détecté des mouvements secrets d’unités du génie et de construction de ponts vers des zones de déploiement en face de la brèche dans les lignes irakiennes, indiquant que c’était là que les principales forces de l’offensive printanière annuelle iranienne allaient se diriger, expliqua Francona.
Fin 1987, les analystes de la DIA du service du colonel Francona à Washington rédigèrent un rapport codé top secret partiellement intitulé «Aux portes de Bassora», prévenant que l’offensive iranienne du printemps 1988 serait de plus grande ampleur que toutes les précédentes et qu’elle avait de très bonnes chances de franchir les lignes irakiennes et de capturer Bassora. Le rapport prévenait que si Bassora tombait, l’armée irakienne s’effondrerait et que l’Iran gagnerait la guerre.
Le président Reagan lut ce rapport et, rapporte Francona, écrivit dans la marge une note adressée au secrétaire à la Défense Frank C. Carlucci:
«Une victoire iranienne est inenvisageable.»
Par conséquent, une décision fut prise au plus haut niveau du gouvernement américain, requérant certainement l’approbation du Conseil de sécurité nationale et de la CIA. La DIA fut autorisée à fournir aux services de renseignements irakiens toutes les informations détaillées disponibles sur les déploiements et les mouvements de toutes les unités de combat iraniennes, ce qui comprenait des images satellites et peut-être quelques renseignements électroniques préalablement caviardés.

Washington ravi du résultat

Une attention toute particulière fut accordée à la zone située à l’est de la ville de Bassora, d’où la DIA était convaincue que viendrait la prochaine grande offensive iranienne. L’agence fournit également des informations sur l’emplacement d’infrastructures logistiques iraniennes cruciales et sur la force et les capacités de la force aérienne iranienne et de son système de défense antiaérienne. Francona décrivit la plupart de ces informations comme des «cibles servies sur un plateau» utilisables par les forces aériennes irakiennes, qui n’avaient plus qu’à les détruire.
Les attaques au sarin vinrent ensuite.
Ce gaz innervant provoque des vertiges, une détresse respiratoire, des convulsions musculaires et peut s’avérer mortel. Les analystes de la CIA n’ont pas pu calculer précisément le nombre de victimes iraniennes, faute d’accès aux représentants et aux documents iraniens.
Mais l’agence américaine estima le nombre de morts quelque part entre «plusieurs centaines» et«plusieurs milliers» à chacune des quatre occasions où des armes chimiques furent utilisées avant une offensive militaire. À en croire la CIA, les deux tiers de toutes les armes chimiques utilisées par l’Irak pendant sa guerre contre l’Iran ont été envoyées ou larguées au cours des dix-huit derniers mois du conflit.
Des portraits des victimes iraniennes des attaques chimiques irakiennes. REUTERS/Morteza Nikoubazl.
En 1988, les renseignements américains circulaient librement vers l’armée de Saddam Hussein. Au mois de mars, l’Irak lança une attaque au gaz innervant sur le village kurde de Halabja, dans le nord de l’Irak.
Un mois plus tard, les Irakiens utilisèrent des bombes aériennes et des obus d’artillerie remplis de sarin contre des groupes de soldats iraniens sur la péninsule de Fao, au sud-est de Bassora, aidant ainsi les forces irakiennes à remporter une grande victoire et à reprendre la totalité de la péninsule. Le succès de cette offensive empêcha aussi les Iraniens de lancer leur offensive tant anticipée pour s’emparer de Bassora. Selon Francona, Washington fut ravi du résultat, car les Iraniens n’eurent jamais la moindre chance de lancer leur offensive.

Contraste cruel avec 2003

Ce niveau de connaissance du programme d’armes chimiques irakiennes contraste cruellement avec les évaluations erronées, fournies par la CIA et d’autres agences de renseignements, sur le programme de l’Irak avant l’invasion américaine de 2003. À l’époque, les renseignements américains bénéficiaient pourtant d’un meilleur accès à la région et pouvaient envoyer des représentants sur place pour évaluer les dégâts.
Francona se rendit sur la péninsule de Fao peu de temps après sa prise par les Irakiens. Il trouva un champ de bataille jonché de centaines d’injecteurs usagés ayant contenu de l’atropine, médicament communément utilisé pour contrer les effets mortels du sarin. Francona ramassa quelques injecteurs et les rapporta à Bagdad —la preuve que les Irakiens avaient utilisé du sarin sur la péninsule de Fao.
Des inspecteurs des Nations unies enquêtent en Iran sur l’usage d’armes chimiques par l’Irak.
Dans les mois qui suivirent, rapporta Francona, les Irakiens utilisèrent du sarin à grande échelle trois autres fois, associé à des feux d’artillerie massifs et à de la fumée pour masquer leur recours au gaz innervant. Chaque offensive fut couronnée de succès, en grande partie grâce à l’usage de plus en plus élaboré de quantités industrielles d’agents innervants.
Lors de la dernière de ces attaques, appelée l’Offensive du Ramadan béni, en avril 1988, les Irakiens envoyèrent la plus grande dose de sarin qu’ils aient jamais utilisée. Pendant un quart de siècle, aucune attaque chimique n’allait s’approcher de l’échelle des attaques non-conventionnelles lancées par Saddam Hussein. Jusqu’à, peut-être, les frappes de la semaine dernière aux portes de Damas.
Source : Shane Harris et Matthew M. Aid, pour Foreign Policy
Shane Harris est journaliste à Foreign Policy, magazine en ligne américain du Slate Group spécialisé dans les affaires étrangères et l’économie. Matthew M. Aid est l’auteur de Intel Wars: The Secret History of the Fight Against Terror et The Secret Sentry: The Untold History of the National Security Agency.
Traduit par Antoine Bourguilleau et Bérengère Viennot pour Slate

© Chappatte

 

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