Peter Hartz, conseiller de François Hollande pour les nouvelles réformes du travail ? En tout cas, notre président socialiste avait déclaré s’inspirer pendant sa campagne des réformes libérales du chancelier Schroder. Retour sur l’état de l’Allemagne dix ans après les fameuses « Réformes Hartz ».
Un rapport publié juste avant les Fêtes contredit les données du gouvernement allemand ainsi que le mythe du miracle allemand qui se révèle être un mirage patronal : la « compétitivité » allemand, ce sont les peuples européens qui la payent, et d’abord les travailleurs allemands.
C’est le constat alarmant de l’organisation de bienfaisance DPWV dans son rapport « Entre prospérité et pauvreté – l’Allemagne mise à l’épreuve » :
l’Allemagne compte plus de pauvres que jamais depuis la dite réunification, 15,2 % se trouve sous le seuil de pauvreté, 16 autres % sont menacés de pauvreté, soit 31 % de pauvres réels ou potentiels dans le pays le plus prospère d’Europe.
Le rapport est d’autant plus inquiétant que la croissance de la production et celle de la pauvreté sont allés dans des sens opposés. Entre 2005 et 2013, le PIB allemand a augmenté de 12 % malgré la crise, tandis que la pauvreté est passé de 14 % à 15,2 %.
Les données de l’ONG rentrent en contradiction avec celles vantées par le gouvernement, celles de l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW), financé par l’Etat et défendant les thèses patronales.
Or, le DIW s’était tout simplement arrêté aux données de 2010 … seule année sur ces dix dernières où le taux de pauvreté avait connu un léger recul. Depuis la pauvreté est repartie à la hausse. Un simple mensonge par omission.
L’étude portant sur les inégalités régionales souligne que se creusent les disparités entre régions riches, plutôt au Sud, et pauvres, naturellement à l’Est mais aussi de plus en plus à l’ouest : c’est le cas de Brême (23,1 % de pauvres), Mecklembourg (22,9 %), Berlin (21,2 %), Saxe (18,9 %) et Brandebourg (18,3 %).
Un cas dramatique est celui de la Ruhr, vieille région industrielle, bastion ouvrier, pour la première fois classée dans les régions pauvres ravagées par la désindustrialisation, 19,2 % en 2012 avec des pics de 26,4 % à Dortmund et 25,1 % à Duisbourg.
Selon les auteurs du rapport : « il faut pointer du doigt les bas salaires, la précarité, les emplois atypiques (…) les bons résultats sur le marché du travail se produisent évidemment au prix d’une américanisation du marché du travail, avec le phénomène des travailleurs pauvres. »
Pour le travail – Bas salaires et précarité pour tous : le résultat des « réformes Hartz »
Sur quoi repose le soi-disant « miracle allemand » ?
D’abord sur les bas salaires. La politique menée par le social-démocrate Schroder – dont se revendique Hollande – entre 2003 et 2005 a contribué à la baisse des salaires, à la généralisation de la précarité avec son cortège de « mini-jobs » et de « travailleurs pauvres ».
En chiffres, le salaire moyen allemand a baissé de 4 % entre 2000 et 2010, soit 100 € de moins par mois. Après une légère relance après 2010, l’année 2013 a vu les salariés allemands perdre encore (officiellement, les chiffres étant sous-évalués) 0,2 % de pouvoir d’achat.
La part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée a reculé entre 2000 et 2010 de 68 à 63 % du PIB. Les bas salaires (2/3 du revenu médian) touchent désormais 23 % de la population mais 57,5 % des 15-24 ans entrant sur le marché du travail.
Symbole de cette sous-prolétarisation du salariat allemand, les lois « Hartz IV ». Sous prétexte de lutte contre le chômage, on lance en fait une chasse aux chômeurs. Si le taux de chômage a baissé de 11,5 à 6,5 % entre 2005 et 2013, le nombre de « Hartzi » a explosé.
Selon les lois Hartz, l’allocation-chômage classique (Arbeitslosengeld I) est réduite à 12 mois, le chômeur est considéré ensuite de longue durée (Arbeitslosengeld II) et touche 350 € par mois. Une allocation conservée à condition d’accepter tout emploi proposé par l’agence pour l’emploi.
6,6 millions de personnes – dont 1,7 millions d’enfants – sont victimes d’Hartz IV. Ces 4,9 millions d’adultes (les « Hartzi ») sont en fait des chômeurs, des « quasi-chômeurs ».
C’est dans le cadre de ces lois que se sont développés les mini-jobs payés au maximum 400 € par mois, voire les « jobs à 1 € » … par jour !
La précarité devient de plus en plus la norme, surtout pour les jeunes. Sept ans après « Hartz IV », le nombre de contrats atypiques a explosé, de 47 % pour les contrats à temps partiel et de 131 % pour les intérim entre 1999 et 2009 !
Selon DESTATIS (l’INSEE allemande), si 8 millions de salariés subissent déjà un contrat précaire, il faut savoir que seules 15 % des nouvelles embauches se font en CDI, le reste en CDD (43%) ou en intérim (42% en CDD)
Pour le capital – Méga-profits et ‘avantage compétitif’ : la vraie raison derrière les « Réformes Hartz »
Les salaires perdus par les travailleurs passent directement dans la poche des patrons allemands. Entre 2000 et 2012, le taux de marge des entreprises allemandes est passé de 37 à 41 %, avec un pic de 45 % en 2007. En comparaison, les entreprises français oscillent entre 28 et 30 % !
2012 a été l’année d’euphorie pour le DAX, l’équivalent du CAC 40 réunissant les 30 entreprises côtées à la bourse de Francfort : 104 milliards d’€ de profit, en hausse de 8 % par rapport à 2011.
Le cas d’une entreprise Volkswagen donne le vertige et est emblématique du « capitalisme allemand » : 15 milliards de profits en 2011, 11 milliards en 2012 … et 17 millions de rémunérations pour le PDG de l’entreprise.
Le succès de Volkswagen (VW), la délocalisation. Ou plutôt la « division du travail » dans l’Union européenne au profit du capital allemand, au détriment des travailleurs allemands : la nouvelle « Up » est produite en Slovaquie, la « Polo » en Espagne.
Autre recette, le chantage patronal dont l’ANI marque le début en France. En 2004 VW avait menacé de délocaliser 30 000 postes si les salariés n’acceptaient pas le gel des salaires et le retour à la semaine de 40 h sans compensation. Une fois le deal accepté, VW a licencié 20 000 salariés en 2006 !
Naturellement, le pari du capital allemand, c’est de jouer l’intégration européenne : se construire une Mitteleuropa en Europe de l’est pour délocaliser, casser les concurrents industriels étrangers grâce à l’euro fort, enfin jouer le dumping social et salarial avec les plans d’austérité coordonnés.
L’Ukraine, avec sa réserve en matières premières et sa main d’œuvre bon marché et bien formée, constitue un enjeu majeur dans l’élargissement de cette Mitteleuropa, ce qui permet de comprendre l’enjeu de la lutte actuelle autour de cet Etat de 46 millions d’habitants.
Le pari d’une « industrie d’exportation compétitive » a aussi ses contradictions. Si les exportations ont tenu l’industrie allemande pendant la dernière décennie, à force de créer un désert autour d’elle, l’Allemagne voit ses exportations chuter et la croissance allemande ralentir fortement.
Désormais, les journaux économiques français comme allemands passent de la célébration du « miracle allemand » à l’inquiétude face à un « mirage » qui cache l’image d’une Europe saignée à vif.
En tout cas, bas salaires, chômage déguisé en précarité généralisée, travailleurs pauvres, régions industrielles sinistrées d’un côté, méga-profits, intégration européenne et mondialisation à sens unique de l’autre, il est temps de dénoncer le mirage allemand, agité en nos rangs pour nous imposer la politique du capital, celle de Hollande, le Schroder français !
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