Maryse et Georges Wolinski
Photo : Getty Images/AFP
Elle fait front. Avec dignité. Avec lucidité. Même sous le choc. Elle était son alter ego.
Ensemble, ils ont vécu une belle histoire. Maryse Wolinski a accepté de témoigner.
Pardon de vous poser la question, mais comment tenez-vous ?
Maryse Wolinski. Je fais front, c’est difficile, Georges est mort dans un attentat. Mais mon mari m’a appris à faire front. Je vais d’un endroit à l’autre pour rendre hommage à l’homme talentueux qu’il était, rendre hommage à son travail. Il n’était pas qu’un dessinateur. Il était un éditorialiste politique, un peintre, un écrivain. Ses dessins étaient humoristiques mais aussi très politiques et je ne voudrais pas occulter cet aspect-là. Mais à l’Huma, vous le savez bien… Il faut mettre l’accent là-dessus.
Il y avait entre vous deux une complicité amoureuse mais aussi une grande complicité dans le travail.
Maryse Wolinski. On s’est rencontré au Journal du dimanche, j’étais jeune stagiaire et dès notre rencontre, ma vie, notre vie a été une vie de travail, de complicités. On s’inspirait l’un l’autre. Il m’a beaucoup inspirée… C’était avant tout un grand humaniste, un homme de paix et un fabuleux amoureux. Il m’a fait vivre quarante-six ans formidables, dans le rire, la dérision. C’est important dans un couple, d’être dans le souffle. C’était un homme de culture. Il avait beaucoup lu. Il m’a fait découvrir tous les écrivains sud-américains, les auteurs de romans noirs américains. On dit que j’étais sa muse. Mais il était mon guide. Il était généreux. Si vous saviez le nombre de dessins qu’il a faits gratuitement. Tous les dessinateurs ne le font pas. Lui, il ne savait jamais dire non. Il était d’une très grande gentillesse, très humble.
Il intervenait peu dans votre travail, disiez-vous. Mais vous, interveniez-vous dans le sien ?
Maryse Wolinski. Souvent je lui disais que je n’aimais pas ce dessin. Ça l’amusait beaucoup mais il ne tenait pas compte de mon avis. Ce qu’il ne voulait pas me montrer, il ne me le montrait pas. Ainsi il vivait heureux, sur un nuage. On s’écrivait beaucoup, par livres interposés, par petits mots qu’il me laissait dans la maison et que je trouvais le soir en rentrant. On parlait beaucoup, enfin, je parlais beaucoup, c’était un taiseux.
Son absence…
Maryse Wolinski. J’ai dit l’autre jour qu’il était mort au champ d’honneur de sa profession. Mais moi je ne l’ai plus. J’en ai pris conscience ce matin, au réveil. Heureusement, je suis très bien entourée. La cellule de crise mise en place à l’Élysée est très compétente. J’ai rencontré la psychologue de l’Institut médico-légal et c’est une femme géniale. Elle a su trouver les mots, me parler de mon mari comme rarement. Elle et mes amies proches sont une aide et un soutien précieux. Et puis je reçois des lettres, des courriels, des témoignages du monde entier, et c’est réconfortant.
« Georges, si tu savais… »* aviez-vous écrit dans un de vos livres. Si Georges savait ce qui se passe, que dirait-il ?
Maryse Wolinski. Il dirait « bande de connards ! ». Il était très inconscient du danger. On en a beaucoup parlé au moment de la publication des caricatures. À ce moment-là, nous étions sous protection policière. Les choses semblaient s’être tassées. Mercredi, il est parti comme d’habitude… Il a pris deux balles dans la poitrine. En ouvrant le frigo, le lendemain, j’ai trouvé son dernier achat : une truffe. Il adorait ça…
Il aimait la vie avec gourmandise…
Maryse Wolinski. C’était un homme complètement dans la vie, jusqu’au bout. Toute idée de contrainte, ce n’était pas pour lui. Lui, c’était la vie. Il avait conscience que la vie était courte et qu’il fallait se faire plaisir, à chaque instant. Il avait un sacré goût de la vie. Ça va être dur mais je suis aussi dans la vie. J’ai appris avec Georges ce courage, cette force de l’esprit. Il n’allait jamais aux enterrements. Et il disait qu’il n’irait pas au sien…
Maryse Wolinski est écrivain
http://www.humanite.fr/
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