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lundi 3 août 2015

Génocide progressif à Gaza : Un grand historien israélien dévoile le dessous des cartes


Ilan Pappé est un historien israélien né 1954 à Haïfa. Il fait partie «des nouveaux historiens» qui, après études des archives tant britanniques qu’israéliennes, ont relu de manière critique l’histoire d’Israël et du sionisme. Au cours des années 2000, il a été l’objet de polémiques et d’attaques. En 2007, il s’est exilé en Grande Bretagne où il est présentement professeur d’histoire à l’Université d’Exeter et directeur du Centre Européen d’études sur la Palestine. On peut lire, d’Ilan Pappé, en traduction française, les ouvrages suivants: «La guerre de 1948 en Palestine. L’origine du conflit israélo-arabe» (La Fabrique éditeur, Paris, 2000), «Une terre pour deux peuples: Histoire de la Palestine moderne.» (Fayard, Paris, 2004).
Dans un long et magnifique article publié sous le titre «1948: le projet de purification ethnique en Palestine» in la Revue d’Etudes Palestiniennes (hélas disparue) n° 103 (nouvelle série), Printemps 2007 (p. 72-84), il concluait: «…Je voudrais que les crimes commis par Israël ne soient plus attribués à des raisons aussi élusives que «les circonstances», «l’armée» ou justifiés par des locutions telles que «à la guerre comme à la guerre»…ou autres justifications qui innocentent les Etats souverains et donnent bonne conscience à leurs citoyens. J’accuse, mais je fais aussi partie de la société accusée. Je me sens responsable de l’histoire et je participe de cette histoire. Mais, comme d’autres dans la société israélienne, je suis également convaincu qu’un douloureux voyage dans le passé est la seule manière d’avancer si nous voulons créer un avenir meilleur pour nous tous, Palestiniens et Israéliens ensemble.»
Le Génocide progressif d’Israël dans le ghetto de Gaza
Sous ce titre, Ilan Pappé a publié, en anglais, le 13 juillet 2014, sur le site «The Electronic Intifada» l’article dont nous donnons ci-après de larges extraits:
«Dans un article paru en septembre 2006 sur «The Electronic Intifada», j’ai défini la politique d’Israël vis-à-vis de la Bande de Gaza comme un génocide progressif. L’assaut actuel mené par Israël indique hélas que cette politique continue sans le moindre changement. Ce terme est important car il place correctement l’action barbare d’Israël- à l’époque comme aujourd’hui – dans un contexte historique plus large. L’accent doit être mis sur le contexte car la machine de propagande israélienne tente, à plusieurs reprises, d’exposer ses politiques hors contexte et transforme le prétexte qu’elle trouve pour chaque nouvelle vague de destruction en justification principale pour une autre frénésie de massacres aveugles et de mises à mort de la Palestine….La vague génocidaire actuelle a aussi, comme toutes les précédentes, une cause immédiate. Elle trouve son origine dans une tentative pour faire échouer la décision palestinienne de former un gouvernement d’union auquel même les Etats Unis n’ont pu s’opposer.
Le 15 mai 2014, les forces israéliennes ont tué deux jeunes Palestiniens dans la ville de Cisjordanie de Beitunia, leur meurtre de sang-froid par une balle de tireur d’élite étant capturés sur vidéo [par CNN]. Leurs noms – Nadim Nuwara et Muhammad Abu al-Thahir- s’ajoutent à une longue liste de tels meurtres, ces derniers mois ou ces dernières années.
Le meurtre de trois adolescents israéliens, dont deux étaient mineurs, kidnappés en Cisjordanie occupée en juin, était peut-être en représailles pour les meurtres d’enfants palestiniens. Mais, pour toute les déprédations de l’occupation oppressive, il a fourni le premier et principal prétexte pour détruire la délicate unité en Cisjordanie mais aussi pour réaliser le vieux rêve d’éradiquer le Hamas de Gaza pour que le ghetto soit à nouveau silencieux. Depuis 1994 et même avant l’arrivée au pouvoir du Hamas dans la Bande de Gaza, la localisation géopolitique très particulière de cette Bande montre clairement que toute action de punition collective, comme celle qui est infligée actuellement, ne peut être qu’une opération de destructions et de massacres de masse. En d’autres termes, un génocide continu. Ce qui n’a jamais empêché les généraux de donner les ordres de lancement de bombes, sur les gens, à partir des airs.
Réduire le nombre de Palestiniens dans toute la Palestine historique demeure encore la vision sioniste. A Gaza, sa réalisation prend la forme la plus inhumaine**.
Le timing particulier de cette vague est déterminé, comme par le passé, par des considérations additionnelles. L’agitation sociale à l’intérieur d’Israël en 2011 couve encore et, un temps, le public a réclamé des coupes dans les dépenses militaires et réclamé de transférer l’argent du budget «obèse» de «la défense» vers les services sociaux. L’armée a décrété comme «suicidaire» une telle éventualité. Rien n’est plus efficace qu’une opération militaire pour étouffer les voix appelant le gouvernement à tailler dans le budget des dépenses militaires….A Tel Aviv, les quelques personnes qui ont osé manifester contre [le massacre des Gazaouis] ont été battus par des hooligans juifs pendant que la police regardait ailleurs.
Les universitaires, comme toujours, font partie de la machine de guerre. La prestigieuse université privée «Centre Interdisciplinaire Herzliya» [dans la Silicon Wadi israélienne, dans le district de Tel Aviv] a créé «un quartier général civil» où les étudiants se portent volontaires pour servir de porte-parole à la campagne de propagande à l’étranger.»
«Des horreurs inimaginables»
[Ilan Pappé souligne le rôle de la presse occidentale pour cacher les crimes d’Israël dont elle ne montre ni les images de destruction ni les atrocités ou les victimes. L’historien cible les médias français] –«spécialement France 24 mais aussi la BBC qui continuent, comme des perroquets, à honteusement réciter la propagande israélienne. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque les groupes du lobby pro-Israël continuent à travailler inlassablement pour Israël en France comme dans le reste de l’Europe et aux Etats Unis»
Et Ilan Pappé de poursuivre: «Je concéderai qu’à travers tout le Moyen-Orient il y a en ce moment des cas horribles où la déshumanisation a provoqué des horreurs inimaginables comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza. Mais il y a une différence cruciale entre ces cas-là et la brutalité israélienne : les premiers sont condamnés comme étant barbares et inhumains à travers le monde, alors que les crimes commis par Israël sont encore publiquement avalisés par le Président des Etats Unis, les dirigeants de l’UE et les autres amis d’Israël dans le monde.
Le seul espoir pour une lutte victorieuse contre le sionisme en Palestine est celui basé sur un agenda de droits humains et civiques qui ne fasse pas de différence entre une violation et la suivante et pourtant identifie clairement la victime et les agresseurs.
Ceux qui commettent les atrocités dans le monde arabe contre les minorités opprimées et des communautés sans défense, ainsi que les Israéliens qui commettent ces crimes contre le peuple palestinien, devraient tous être jugés selon les mêmes standards moraux et éthiques. Ce sont tous des criminels de guerre, bien que, dans le cas de la Palestine, ils sont à l’œuvre depuis plus longtemps que les autres.
L’appartenance religieuse de ceux qui commettent les atrocités ou au nom de la religion qu’ils prétendent professer importe peu. Qu’ils se nomment eux-mêmes jihadistes, judaïstes ou sionistes, ils doivent être traités de la même façon.
Un monde qui arrêterait d’employer le principe «Deux poids, Deux mesures » dans ses relations avec Israël est un monde qui serait beaucoup plus efficace dans sa réaction face aux crimes de guerre perpétrés ailleurs dans le monde.
La cessation du génocide progressif à Gaza et la restitution des droits humains fondamentaux et civiques des Palestiniens où qu’ils soient, y compris le droit au retour, est la seule manière d’ouvrir une nouvelle perspective pour une intervention internationale productive au Moyen-Orient dans son ensemble.»***
Mohamed Larbi Bouguerra

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