Le bouleversement dans la représentations des possibles.
Jacques Généreux
Dans les quatorzes questions posées à Jacques Généreux, les quatre dernières traitent tout particulièrement de la question épineuse de l'Euro. Comme il se dit souvent tout et son contraire sur les positions de Jacques Généreux et du Parti de Gauche, le mieux pour bien éclaircir le sujet, c'est de lire la retranscription de cette partie de son interview. Cet article date de début 2012. La retrancription intégrale : http://www.miltha.lautre.net/2012/04/19/14-questions-a-j-genereux-retr... La vidéo intégrale:http://www.dailymotion.com/video/xojla8_14-questions-a-jacques-genereux_news
Question n° 11 « Mais, est-ce que pour ça, ne faut-il pas sortir de l’Euro et est-ce que finalement l’Euro, -la monnaie unique- n’est pas le responsable de la crise ? »
Réponse de Jacques Généreux :
Ce qui est vrai c’est qu’une bonne partie des solutions que j’ai évoquées pour sortir de la crise, ne sont pas possibles dans le cadre actuel des Traités européens. On en reparlera, on expliquera comment on surmonte cette difficulté. Mais il faut d’abord répondre à cette partie de votre question qui consiste en l’origine de la crise.
Je m’en suis déjà expliqué... la crise que nous vivons, elle vient :
du mauvais partage des richesses de l’exploitation des revenus du travail au profit du capital des plus riches et elle vient de la déréglementation financière, c’est à dire la liberté donnée à la finance de faire n’importe quoi, n’importe quelle spéculation.
Ça, ce sont les causes fondamentales. Alors, que vous ayez en France, le franc, la dragme, la lire, l’euro, l’écu, des tomates et des cailloux ou des moutons comme instruments monétaires ne change rien au fait que si vous avez un système qui repose pendant trente ans sur la diminution de la part du travail dans le revenu national et sur le développement à-tout-va de la spéculation, vous aurez régulièrement et de manière récurrente des crises financières à répétition et à un moment donné, une grande crise général parce que le système est insoutenable.
C’est ce que nous vivons, rappelons-le, nous ne vivons pas une crise de l’euro, dans la Zone Euro, nous vivons une grande crise du capitalisme qui est la crise d’un mode de développement et de système insoutenable fondé sur l’exploitation du travail et la sous-rémunération du travail et fondé sur la liberté folle et le pouvoir total donnés à la Finance.
Ça n’a rien à voir avec la monnaie que vous avez. Nous aurions eu le Franc, par exemple, plutôt que l’Euro, nous aurions eu exactement la même crise, mais en pire. Parce que les causes de la crise évidemment sont là, il y aurait eu la crise des subprimes, la crise du système financier mondial.
Il y aurait eu la récession, on aurait eu les mêmes gouvernements qui auraient mis les mêmes politiques d’austérité donc le même entêtement à nous plonger dans la crise et en plus, parce que nous aurions eu le Franc, qui est une monnaie nationale réputée faible par rapport au Deutsche Mark, nous aurions eu en plus à subir les attaques spéculatives permanentes contre notre monnaie, donc double spéculation : contre la dette publique et contre le taux de change.
L’euro en tant que monnaie unique n’est pas la cause de la crise. Alors entendons-nous bien, ça ne veut pas dire que je suis un adorateur du fonctionnement de l’Euro et de la monnaie unique, non. La façon dont fonctionne l’Union monétaire depuis l’installation de la monnaie unique peu à peu s’est imposée comme un instrument de régression sociale, de dumping fiscal, de dumping social.
Le fonctionnement de la zone Euro, c’est une horreur. Il n’y a pas de doutes là-dessus, mais la solution c’est quoi ?
La solution c’est de trouver les moyens et de prendre les moyens de lutter contre le dumping fiscal et le dumping social, c’est de réformer les statuts des banques centrales pour qu’elles puissent mener une autre politique que la politique de la plus faible inflation possible, pour qu’elle puisse financer les besoins publics, bon, c’est tout ça qu’il faut faire.
Maintenant, si vous mettez simplement des monnaies nationales à la place, mais que les banques centrales des États suivent les mêmes politiques néolibérales -ne peuvent pas financer les États, ont la même obsession de l’inflation la plus faible- vous aurez exactement la même situation.
Ce que je veux dire par là c’est que c’est l’orientation politique des gouvernements et c’est l’orientation des politiques menées en Europe et les choix qui sont faits dans le fonctionnement de ces institutions européennes qui sont à l’origine de notre problème. Ce n’est pas le fait en soi que vous ayez une monnaie unique ou des monnaies nationales.
Donc ne nous trompons pas de cible, il faut refonder une Union européenne, il faut que l’union monétaire fonctionne autrement, et peut-être d’ailleurs que, si ça n’est pas possible, si on n’y arrive pas politiquement, peut-être que ça débouchera sur l’éclatement de la Zone Euro, et peut-être qu’il faudra en sortir du coup et faire autre chose... peut-être !
Mais ceci est une question indépendante de la question de savoir d’où vient la crise et comment on en sort.
Voilà, la crise ne vient pas de l’Euro, et le fait de sortir de l’Euro ne change rien à l’état de crise dans lequel nous sommes.
Question n° 12
« Très bien mais est-ce que malgré tout, la restauration de la monnaie nationale ne nous donnerait pas des marges de manœuvres plus grandes ? »
Réponse de Jacques Généreux :
La seule marge de manœuvre réelle que donne le retour à une monnaie nationale c’est la récupération d’un instrument politique économique qui est le taux de change. Si vous récupérez le franc, hé bien vous avez la possibilité de décider de dévaluer en particulier le franc par rapport à l’euro, par rapport au dollar, etc. Ce qui présente un avantage en terme de compétitivité et donc de compétition.
On sait que beaucoup d’expériences réussies de sortie de crises, notamment pour des pays endettés comme l’Argentine ou d’autres, se sont souvent accompagnées d’une dévaluation de la monnaie qui permet quelque part de soutenir l’activité par l’exportation.
Donc qui permet d’éviter la cure d’austérité et de chercher une partie de la solution par la dévaluation. C’est ce que préconisent les partisans de la sortie de l’euro, qui rappellent à juste titre que l’euro est surévalué, en tout cas pour des pays d’Europe du Sud ou des pays comme la France, l’euro est beaucoup trop cher et les pénalisent dans la compétition internationale : c’est vrai.
Le seul avantage qu’il y a à récupérer une monnaie nationale c’est cette possibilité d’avoir une monnaie qui ne soit plus surévaluée, d’avoir un gain en terme de compétitivité.
Mais est-ce là ce qu’il faut rechercher absolument ?
Moi personnellement je ne le pense pas. Quand je parle de la nécessaire relance de l’activité et de l’emploi, je ne parle pas de la relance indifférenciée de n’importe quel type de production.
Je ne parle pas de n’importe quelle relance. Je parle d’une relance pilotée d’abord en raison de l’impératif écologique.
Donc il ne s’agit pas de relancer par la dévaluation parce que la dévaluation c’est quoi ?
C’est un instrument qui va permettre de relancer uniquement les activités dans lesquelles vous avez des entreprises exportatrices, qui sont bien adaptées aux exigences des marchés mondiaux et qu’est-ce qui est bien adapté aujourd’hui aux exigences des marchés mondiaux, ce n’est pas la production de produits écologiquement soutenables ; et selon des méthodes et des processus qui sont compatibles avec la préservation ou l’amélioration de nos écosystèmes.
Donc ce n’est pas mon mode de relance et de développement : première raison de trouver que ce n’est pas finalement un si grand avantage de récupérer la possibilité de dévaluer.
Deuxièmement la dévaluation n’a pas que des effets avantageux, même en termes de compétitivité.
La dévaluation il ne faut pas oublier que c’est le renchérissement immédiat de votre facture d’importation pour tous les produits que vous ne produisez pas, notamment en matière énergétique par exemple pour la France, en matière de pétrole : il y a aussi des coûts à la dévaluation.
Et enfin, dire qu’un pays comme la France ou n’importe quel pays européen veut s’en sortir finalement par la dévaluation, c’est une solution de repli national et une solution un peu de guerre économique.
Ça veut dire que pour nous sortir de la crise, ou nous aider à sortir de la crise, on rentre dans une logique de guerre économique accrue, de compétition accrue : on espère s’en sortir en gagnant des marchés sur nos partenaires.
Alors quand on est nationaliste et qu’on ne rêve que de repli national, hé bien ça peut très bien se comprendre et se justifier, ce qui n’est pas mon cas, ce qui n’est pas le cas de mon parti : le parti de Gauche, ce qui n’est pas le cas du Front de Gauche.
Quand on est au contraire internationaliste, pro-européen, nous ce qu’on veut c’est sortir l’Europe de la crise. Donc cette voix là, cette marge de manœuvre qui consiste à dire « tout le monde va pouvoir dévaluer sa monnaie », ce n’est pas une issue. Et puis d’abord si tous les européens faisaient pareil, récupéraient leur monnaie nationale et la dévaluaient tous pour être compétitifs, personne n’est plus compétitif donc vous n’avez rien gagné en réalité.
Ceci n’est un bon argument que, soit pour les nationalistes, soit, et c’est le cas pour des gens de Gauche, notamment des économistes mais qui ne pensent qu’à l’argument macro-économique : la dévaluation c’est un instrument de croissance.
Si on a comme modèle en tête la croissance à tout prix, ah oui, la dévaluation, ça peut être un outil. Quand on a intégré la nécessité d’avoir un autre modèle de développement, qui n’est pas la croissance à tout prix, qui est la relance de certaines activités, ciblées, choisies par le politique, alors l’instrument n’est certainement pas la dévaluation.
L’instrument, c’est la reprise du contrôle du crédit, du financement des biens publics, pour choisir les secteurs qu’il faut développer, dans lesquels on va investir.
Question 13 :
« Dans les avantages de la monnaie nationale vous oubliez quand même cet avantage qui est d’avoir une banque centrale nationale qui permettrait justement de créer de la monnaie pour financer l’État etc. Mais, est-ce que ce vous n’êtes pas en train de nous dire qu’on pourrait sortir de l’application des traités sans quitter l’Union, sans quitter Maastricht, sans quitter l’euro ? Mais ! La BCE et les autres États ne vous laisseraient pas faire ! Comment est-ce qu’ils laisseraient faire un État avec sa banque centrale ? »
Réponse de Jacques Généreux :
Oui... vous êtes au cœur d’une question centrale, c’est le cas de le dire. Alors oui, je dis qu’on peut reprendre le contrôle partiel de la politique monétaire, de la politique du crédit, sans sortir de l’euro.
D’abord, il faut savoir que la banque au coin de votre rue, elle crée de la monnaie pour vous, pour une entreprise, simplement par des jeux d’écriture, quand elle vous autorise un découvert plus élevé que celui qui est autorisé, parce qu’elle vous fait confiance, que vous êtes fiable etc. Elle crée de la monnaie ex nihilo simplement par son pouvoir de banque et de création monétaire.
Donc il faut bien comprendre -c’est ce que tout étudiant d’économie apprend en première semaine de première année d’Économie- que les banques privées en tous cas -comme publiques d’ailleurs- pour le service de l’économie privée, de consommateurs et d’entreprises, n’arrêtent pas de créer de la monnaie pour financer des besoins privés.
Donc pourquoi diable on ne pourrait pas recourir à la création monétaire également pour financer des biens publics et des besoins publics ? C’est normal ! Ça participe du financement normal d’une société et d’une économie. Donc on peut le faire.
On peut le faire simplement avec des banques, si vous avez des banques publiques. Nous proposons justement dans le Front de Gauche de reconstituer un pôle bancaire public.
Si vous avez des banques publiques qui appliquent une politique publique du crédit, hé bien vous pouvez leur demander exactement comme le font tous les jours, toutes les banques, d’octroyer tel type de crédit d’avance etc., et donc de participer à la création monétaire pour financer des collectivités publiques, ou des associations, ou toutes sortes de politiques prioritaires...
Et ceci en réalité, en restant même dans le cadre, quasiment, de l’application des traités, vous pouvez avoir des politiques publiques du crédit, indépendantes, à travers l’utilisation de banques publiques : première marge de manœuvre que l’on peut avoir dans le cadre même de l’application des traités.
Aujourd’hui par exemple, Sarkozy, ne se gène pas pour mettre en place des systèmes de prêt à taux zéro y compris pour les plus riches, pour des investissements immobiliers, pourtant on est dans l’Euro, mais ça c’est une politique de crédit sélective. Donc on a des marges de manœuvre : il suffit d’avoir des banques publiques qui elles décident de pratiquer des politiques publiques de crédit.
Mais on peut aller haut de là, au niveau de la banque centrale, en lui donnant de manière unilatérale la possibilité de concourir directement au financement des biens publics. C’est là évidemment qu’est le point le plus délicat. Bien sûr, aujourd’hui, c’est interdit par les traités, puisque les banques centrales sont indépendantes, ne doivent pas concourir au financement des déficits, et c’est la Banque centrale Européenne, de Francfort, qui donne les instructions et qui contrôle l’application des politiques par les banques centrales nationales, oui.
Mais, ce que les gens ne savent pas, c’est que ce sont toujours les banques centrales nationales qui réalisent la création monétaire, qui réalisent le refinancement des banques sur le marché monétaire, qui contrôlent tous les circuits de paiement et de financement : ce n’est pas la Banque centrale de Francfort.
La Banque centrale européenne de Francfort, elle définit les politiques, elle donne les instructions -que les banques centrales nationales sont obligées, juridiquement, de suivre- mais ce sont les banques centrales nationales qui créent la monnaie et qui assurent les opérations financières.
Ce sont même les banques centrales nationales qui ont la charge de la création, de même, de la monnaie papier, des billets, des pièces de banque.
Ça veut dire que si une banque centrale est réformée par un État, qui prend toutes les dispositions constitutionnelles et légales nécessaires pour que ça se fasse dans un cadre légal au plan national, décide qu’en contravention avec les traités européens, il décide de redonner tel ou tel pouvoir, ou tel ou tel devoir d’intervention à sa banque centrale, elle peut techniquement le faire.
La Banque centrale européenne pourra toujours dire « la banque de France a décidé un concours direct à l’État : c’est illégal au niveau européen », oui, elle pourra le dire, ce sera vrai, mais ce pourrait être légal au niveau français si dans la constitution on a bien rétabli la supériorité du droit français sur le droit européen, et qu’on a une nouvelle loi avec un nouveau statut de la banque de France, qui donne dans des limites raisonnables, la possibilité à la banque de France d’intervenir directement et de souscrire directement à des titres de dettes publiques.
Techniquement, la banque de France peut le faire. Donc elle peut, sans sortir de l’euro, et en restant dans ce cadre là, hé bien faire ces concours directs : il n’y a aucun obstacle technique pour le faire.
Et il n’y a pas non plus d’obstacle juridique, puisque les traités, y compris le traité de Maastricht sur l’Union monétaire, prévoit des tas de conditions pour rentrer -vous vous souvenez des fameux critères de convergence etc.- mais il n’y a aucune condition pour rester. Il n’y a nulle part dans les traités quelque chose qui dit « si un État, une fois qu’il est rentré, ne respecte plus telle ou telle disposition des traités, alors on peut le renvoyer, ou le sanctionner ».
Il n’y a qu’une seule exception, c’est le pacte de stabilité, qui prévoit des sanctions financières en cas de déficit excessif -il y a eu plein de déficits excessifs : même ça, ça n’a jamais été appliqué- mais c’est tout ce qu’il y a !
Donc un pays qui déciderait de rétablir des contrôles de mouvements de capitaux, qui réformerait sa banque centrale, ne s’expose à aucune espèce de moyens de rétorsion juridique de la part des autres États, qui sont obligés de faire avec.
Alors évidemment, du coup il y a un obstacle politique, c’est que, ce faisant, un État qui le fait, hé bien déclenche une crise politique en Europe, c’est un coup de force, vous désobéissez aux traités mais en restant dedans, donc c’est une politique subversive dont je pense justement que c’est la politique la plus efficace parce qu’aujourd’hui face aux blocages de l’Europe, apparemment on nous présente que deux attitudes possibles :
soit c’est la soumission, alors dans les deux variantes :
il y a la soumission variante Droite néolibérale qui est contente, parce qu’ils sont contents à travers cette soumission de pouvoir soumettre les peuples : c’est la panoplie complète des politiques néolibérales
ensuite il y a la soumission version socialistes et sociale-démocrate : on n’est pas content de l’orientation de l’Union européenne mais on se soumet parce qu’on ne peut pas faire autrement et le seul moyen pour changer c’est de négocier avec nos partenaire un nouveau traité. Le parti socialiste et les sociaux-démocrates en Europe ne sont pas contents du fonctionnement de l’Union monétaire ; ils espèrent par la négociation, obtenir un nouveau statut de la banque centrale européenne. Bonne chance hein, on voit bien que si vous y allez comme ça, avec Merkel, et que vous espérez obtenir une renégociations sur la banque centrale européenne, il n’y en aura jamais, donc la réalité c’est la soumission parce que vous n’avancez que dans le consensus et que dans le dialogue.
au delà de ces deux impasses :
la troisième solution qui paraît s’imposer à l’état d’esprit malheureusement, c’est le repli nationaliste. Puisqu’on n’a le choix qu’entre une soumission de Droite et une soumission de Gauche à la même Union européenne ultralibérale, hé bien le mieux, c’est de sortir, par ce que plutôt que de se soumettre à des politiques inacceptables, hé bien il vaut mieux sortir même si ça présente des inconvénients, et rester chez soi entre soi, et ça c’est la logique nationaliste du Front National.
Nous, nous disons « il y a une quatrième voix », voilà. Et ce que j’explique dans le livre, justement, c’est cette quatrième voix.
On peut faire autrement, on peut en restant dans cette logique de coopération, cette logique internationaliste, on peut mener une autre politique, qui est le seul moyen de pouvoir refonder l’Europe : c’est des politiques subversives à l’intérieur.
Si vous avez un État qui mène cette politique, qui désobéit, il montre quoi ?
Il montre que tout en restant dans l’Union européenne, tout en restant dans l’euro, on peut mener d’autres politiques, ce qui en une seconde, détruit le discours qu’on nous tient depuis vingt ans qui est « à cause de l’Europe, à cause de la mondialisation, on ne peut pas mener d’autres politiques ».
Si vous avez un État qui le fait en restant dans ce cadre là, hé bien ça apporte la démonstration que ce dont souffrent les États et les peuples, en Europe, ce n’est pas tellement de l’Union européenne en elle-même, ce dont ils souffrent, c’est de leur gouvernement, c’est des politiques qui sont menées par leur gouvernement.
Et donc, qu’ils changent leur gouvernement, qu’ils dégagent leur gouvernement, et qu’ils amènent des gouvernements hé bien, qui font cette même politique : de création monétaire pour les biens publics, de mise au pas de la finance et de la spéculation, de relance de l’activité et de l’emploi.
Question 14 :
« C’est en fait ce que vous appelez le bouleversement des possibles, cette quatrième voix. »
Réponse de Jacques Généreux :
Hé oui parce que c’est tout ça la raison de ce « nous on peut », de ce cri d’engagement. Ça part de la prise de conscience que la première chose qui bloque en réalité les possibilités de politiques différentes, ce n’est certainement pas les impossibilités techniques ou économiques, c’est le fait que les gens n’y croient plus.
C’est à dire qu’on réussi à installer dans leur tête la rengaine de l’impuissance ; on a réussi à leur faire croire que de toutes façons maintenant c’est foutu. Le progrès, c’était bien, mais c’était pour autrefois, que maintenant on ne peut plus avec la mondialisation, les nouvelles lois de l’économie, plus aucun gouvernement n’a la possibilité de faire ce qu’il veut.
Et une fois que vous avez réussi à mettre ça dans la tête des gens, hé bien ils se démobilisent, certains ne vont plus voter, ils sont dans le découragement, et donc finalement c’est cela qui interdit le changement de politique.
Et donc cette politique subversive est absolument nécessaire parce qu’il ne suffit pas simplement qu’il y ait des économistes comme moi et d’autres qui expliquent qu’on peut faire autrement.
Il faut que ça devienne une réalité tangible et concrète. Or, il faut savoir qu’il suffit que ça devienne une réalité tangible et concrète dans un seul endroit... ça pourrait être le cas au Luxembourg ! Ou en France, un pays !
Je dirais que si c’était au Luxembourg ce serait encore mieux, parce que le Luxembourg c’est un petit pays. Un petit pays on dirait « il n’a aucun pouvoir ».
Si vous avez un changement -on peut rêver- au Luxembourg, un nouveau gouvernement qui est contre le paradis fiscal, contre le paradis financier, qui est co-réglemente la finance, qui viole tous les traités européens et qui met totalement une autre politique, on dirait « ben quoi, comment ? ce pays qui ne vivait que de ça, qui ne dépendait que de ça, il peut faire autrement ? ».
Ce qui montre bien que c’est juste une question de choix et de volonté politique.
Donc si vous avez un seul pays qui mène cette politique subversive en restant dans l’euro, dans l’Union européenne, hé bien en quelques secondes simplement c’est toute cette rengaine de l’impuissance qui est détruite dans l’esprit des gens : tout d’un coup cette idée qu’un pays ne peut pas tout seul agir, qu’un pays ne peut pas surmonter la pression des marchés financiers, qu’un pays face à l’Europe libérale, s’il est isolé, il ne peut pas changer tout seul... quand vous en avez un qui le fait tout simplement, ben du jour au lendemain cette idée de l’impuissance a disparu.
C’est ce que j’appelle le bouleversement dans la représentation des possibles. Et quand vous vous représentez de manière radicalement différente les possibles, ça change la politique, il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé pendant tout ce temps de crise en Europe avec le printemps des révolutions arabes. On ne sait pas comment ça va évoluer... dans certains cas on voit que ça part dans le bon sens, dans d’autres on peut avoir des inquiétudes, peu importe.
La réalité, et la première leçon de ce qui s’est passé dans le monde arabe, c’est quoi ? C’est qu’il a suffi que dans un seul pays, la Tunisie, un dictateur s’en aille simplement parce que des gens avaient manifesté dans la rue.
Pour des raisons sociales, pour la suite de la révolte et du geste d’immolation d’un malheureux, il a suffi de révoltes populaires et de manifestations dans la rue pour qu’un dictateur s’en aille. Et donc tout d’un coup, ce que tout le monde pensait impossible, que ce dictateur s’en aille simplement parce que les gens ne sont pas contents, simplement parce qu’ils prennent la peine de descendre dans la rue pour gueuler et de dire « il y en a marre ! » : le dictateur s’en va !?
Donc c’est possible... et puis comme ça s’est passé de manière relativement pacifique en Tunisie... comment ? mais... par la simple mobilisation populaire on peut chasser les dictateurs... il suffit de le demander...
Et, à partir du moment où cet événement ce produit, ben dans la nuit qui suit, dans l’ensemble du monde arabe, dans les consciences, dans les esprit apparaît l’idée « mais ! Si c’est possible là, ce doit être possible partout. »
Et si c’est possible, il faut que ce soit réalisé partout, c’est pour ça que vous avez ce mouvement, cette déferlante d’aspiration à la liberté et au changement.
L’aspiration à la liberté, elle était là avant ; mais les gens pensaient que ce n’était pas possible. Et là vous en avez un qui montre que c’est possible, et alors là ça change tout.
Donc ce sera la même chose en Europe... sur un autre sujet, sur un autre problème : nous ne sommes pas à la recherche de la liberté de votes, et de la liberté de changer de gouvernement à notre gré : nous l’avons déjà.
Mais le problème justement aujourd’hui ce que quand on change de gouvernement ça ne change plus de politique, et du coup les gens n’y croient plus et ne vont plus voter. C’est pour ça que le jour où vous aurez un seul gouvernement dans un seul pays, qui mène réellement une autre politique radicalement différente, et qui montre à nouveau que c’est possible :
un, ça redonne confiance au niveau politique, ça remobilise partout en Europe les gens pour aller voter et pour dire quoi ? « nous on veut un gouvernement comme celui-là ».
Alors si celui-là c’était la France -ça pourrait l’être, pourquoi pas, avec Jean-Luc Mélenchon, par exemple, hein, pourquoi pas- hé bien c’est cet exemple là qui serait suivi. Et je vous garantis que c’est le peut-être le meilleur moyen pour que les choses bougent en Europe, mais pas de manière unilatérale, il faut qu’un pays commence.
Si la France commençait à agir de manière unilatérale, en violant les traités européens, un des résultats à mon avis probables -je ne dis pas que c’est le plus probable mais... probable- c’est que beaucoup d’autres pays européens voudraient l’imiter -à cause de la pression populaire- ils diraient « regardez, les français, ils ne sont pas idiots : ils gardent les avantages de la construction européenne, ils ne la foutent pas en l’air, mais en même temps ils reprennent toutes les libertés nécessaires pour sortir de la crise autrement que par l’austérité ; hé bien on veut faire pareil. »
Vous croyez que les grecs, les portugais, les espagnols, etc., les italiens, supporteraient encore le discours de la nécessité de la rigueur, de la suppression des postes, de la baisse des salaires, en voyant les français prendre le contrôle de leur banque centrale, racheter de la dette publique avec de la monnaie papier ? Heu non ils diraient « ils ont raison, on va faire pareil ».
Je crois qu’à ce moment là, tout ceux qui résistent, tous ceux qui ne veulent pas de ces solutions, seraient au pied du mur. Ils auraient le choix entre situation où chacun fait comme il veut, et de toutes façons, ça aura lieu, ou le choix d’être encore acteur dans le mouvement en décidant qu’on se met tous autour d’une table, pour s’entendre pour la faire de manière ordonnée, et dans le sens de l’intérêt général des peuples. Et voilà les fameuses négociations !
Les fameuses négociations que le parti socialiste espère simplement que son beau sourire à la table en disant « on aimerait bien discuter » et se heurtera évidemment exactement comme Nicolas Sarkozy -qui peut-être est encore moins capable de faire de beaux sourires que les socialistes à leurs partenaires sociaux-démocrates- mais qui se heurtent au même non absolu de partenaires.
Quand vous avez un partenaire qui dit « je ne vous demande pas votre avis, je le fais, mais maintenant que je l’ai fait, si vous voulez qu’on en discute, j’y suis prêt » : voilà, là vous changez le rapport de force.
Ce bouleversement des possibles par l’action subversive d’un seul pays européen, c’est ça, la seule chose déterminante qui a une chance de sauver l’Union européenne et de permettre sa refondation.
Parce que, si ça ne se produit pas de cette manière là, si ça ne se produit pas par des pays qui restent dans le cadre, dans l’Euro ou dans l’Union européenne, ce qui va se passer, c’est que sous la pression populaire et dans l’exaspération de politiques folles qui nous maintiennent dans la crise et nous conduisent vers l’abysse, hé bien il y aura un éclatement de l’Union européenne. Et ceux qui gagneront ce seront les nationalistes, ce seront les anti-européens.
Ce seront ou des Droites conservatrices anti-européennes, et on aura pour longtemps détruit ce qui a quand même été justement un des ferments de la paix en Europe, qui était cette construction et ce rapprochement des peuples. Le seul moyen de le préserver, c’est de désobéir. Le seul moyen de sauver l’Europe, c’est de lui désobéir. Et le meilleur moyen de contribuer à son éclatement, c’est de respecter des traités qui aujourd’hui se font contre les peuples.
Publié le 19 avril 2012
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