Le CAC 40 en rêvait, Macron l'a fait.
Alors qu'interrogations et divergences semblent toujours plus profondes à gauche quant au cap économique à suivre, ses représentants les plus éminents n'ont peut-être pas réalisé ce qu'ils ont récemment avalisé.
La loi Macron, largement validée par le Conseil constitutionnel le 5 août, a bien suscité des controverses lors de son lent processus d'adoption, au point de forcer le gouvernement à recourir au 49-3. Mais, au fond, il s'agit davantage d'écran de fumée que de vraies réformes. Si elles ont pu émouvoir une poignée de parlementaires socialistes, les dispositions de cette loi sont d'abord cosmétiques. Un long chapelet de petites mesures, suffisamment urticantes pour animer des lobbies, mais jamais transformatrices. Aucune thérapie de choc en matière de droit du travail, de fiscalité ou de règles de la concurrence.
Une exception doit pourtant être signalée. Noyée dans les quelque 300 (!) articles de cette loi fourre-tout, une pépite est passée quasi inaperçue : il s'agit d'un allégement fiscal d'une ampleur exceptionnelle. Et pas sur les revenus de monsieur Tout-le-Monde, non : rien de moins que la rémunération fétiche des cadres dirigeants des grandes sociétés, le péché mignon des patrons des groupes cotés...
L'article 135 de la loi Macron révolutionne en effet le régime des attributions d'actions gratuites. Bien sûr, pour faire bonne figure, il n'est question que de jeunes et petites entreprises dans les motivations de ces évolutions soigneusement minimisées et disséminées dans un texte touffu et technique. C'est évidemment un leurre : ces actions gratuites ne sont quasiment pratiquées - et praticables - que dans les entreprises cotées en Bourse. Et elles concernent surtout les plus grandes d'entre elles, qui ont la maîtrise de ces instruments et peuvent diluer un peu leurs actionnaires sans que cela soit trop visible, malgré un passage obligé en assemblée générale. Enfin faut-il préciser que, au sein des grandes entreprises, ces actions ne sont pas largement attribuées à tous les collaborateurs : elles sont très concentrées, voire l'apanage exclusif des seuls cadres dirigeants.
Si les derniers gouvernements avaient fortement alourdi la fiscalité de ces instruments depuis 2007, la loi Macron leur réserve un sort beaucoup plus enviable. Fin de la contribution sociale exceptionnelle de 10 % à la charge des bénéficiaires sur la valeur d'acquisition; imposition du gain d'acquisition au régime des plus-values, donc avec abattement d'au moins 50 % dans le cadre actuel d'une détention d'au moins deux ans; réduction de 30 à 20 % de l'imposition à la charge de l'entreprise, avec surtout changement d'assiette et de temporalité puisque c'est désormais le gain d'acquisition qui sera taxé lors de l'acquisition définitive, et non la valeur IFRS des actions à l'attribution. Pour faire simple, dans un cas standard, l'entreprise paiera deux fois moins sur ces actions attribuées grâce à la loi Macron, et les dirigeants bénéficiaires verront la note allégée d'au moins un tiers. Ce qui n'est pas rien, quand on observe que les 40 patrons du CAC ont reçu en moyenne une attribution de plus de 1 million d'euros par tête en 2014 : l'application de la loi Macron aurait fait gagner à chacun près de 200.000 euros en moyenne, à quoi il faut ajouter environ 150.000 euros pour leur entreprise !
Si un certain Macron, Emmanuel, était à la manoeuvre à l'Elysée en 2012 pour la taxation à 75 % des plus hauts revenus et une fiscalité plus rude des stock-options et des actions gratuites, c'est donc Emmanuel Macron, ministre, qui offre trois ans plus tard ce beau cadeau au CAC 40. Car la nouvelle fiscalité est ainsi plus douce qu'avant 2012, mais aussi qu'avant 2007. De surtaxées, les actions gratuites deviennent moins prélevées que les revenus classiques du travail. Voilà qui devrait susciter force réjouissances dans les grands groupes français.
Par Jean-charles Simon
source : les echos.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les messages anonymes ne seront pas publier