Copwatch : le site que Guéant ne veut plus voir
Le Point.fr - Publié le 14/10/2011 à 22:22 - Modifié le 14/10/2011 à 22:25
Les pages web, qui rassemblent des photos et des vidéos de bavures policières, ont été bloquées par la justice sur demande du gouvernement.
Ces images montrent, selon Copwatch, des policiers qui provoquent des manifestants. © Capture d'écran Le Point.fr
Par GUERRIC PONCET
La loi permettant la censure des sites internet en France avait été adoptée, car le gouvernement avait promis de ne l'utiliser qu'à des fins de lutte contre la pédopornographie et les activités criminelles les plus graves. Mais c'était le 14 mars 2011. Vendredi, la justice a prononcé en référé le blocage, à la demande du ministre de l'Intérieur Claude Guéant, du site Copwatch, qui recense et documente des violences policières. Une décision qui menace ce type de site, issu d'un
mouvement très répandu aux États-Unis (le "copwatching", la surveillance des policiers).
Le tribunal a fait injonction aux fournisseurs d'accès à Internet français "de mettre en oeuvre ou de faire mettre en oeuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l'accès au site, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire". Un blocage qui devra être effectif "jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive statuant sur les deux plaintes déposées le 4 octobre 2011 par le ministre de l'Intérieur contre X pour injures et diffamation envers des fonctionnaires de police et l'administration". La décision a été saluée par le syndicat de policiers Alliance.
Des termes injurieux
Le tribunal a estimé que le site était bien injurieux. "Les termes la fosse commune de l'humanité, le charnier de l'évolution qui visent nommément la police et la gendarmerie sont manifestement outrageants à leur égard", estime le tribunal. En diffusant à leur insu les noms, les photos et les affectations de certains gendarmes ou policiers, le site "viole" la loi sur les données personnelles, selon le tribunal. Une visite du site semble montrer que les données sur des fonctionnaires de police sont issues d'observations sur le terrain, ainsi que de recherches sur Internet, sur les réseaux sociaux comme Facebook notamment : il s'agirait donc d'informations volontairement rendues publiques par les policiers eux-mêmes, ou recueillies sur la voie publique.
Au fil des pages, l'on découvre des vidéos et des photos de bavures, insultes et provocations policières. Ici, un policier menace verbalement de tuer la militante qui filme une voiture de police à l'arrêt dans la rue, et qui demandait (très maladroitement) la raison de leur présence. Là, des policiers qui appartiendraient à la police aux frontières (PAF) de Coquelles interpellent plusieurs personnes et font tout pour ne pas être filmés, y compris menacer verbalement et physiquement les citoyens qui filment. Extrait de l'échange : "Ne me cassez pas le bras !" ; "Allez, on regarde le mur, les grognasses".
"Nous vous imposerons" le copwatching
Plus loin, ce sont des personnes que le site identifie (multiples photos à l'appui) comme des policiers de la BAC en civil, sans brassard puis avec brassard, souvent cagoulés ou le visage masqué, qui provoquent des manifestants "pour en découdre", selon Copwatch. Enfin, des photos montrent un homme à terre, qui semble abandonné par la police après une altercation : Copwatch affirme qu'il a été "gazé" et promet de publier prochainement une vidéo. Grâce à la publicité faite au site par la polémique, celui-ci est devenu quasi inaccessible. Il nous a donc été difficile de consulter toutes les pages, qui seront sous peu bloquées par les FAI français.
"D'abord on fait passer le site pour anti-flic, puis on fait croire que les familles de policiers vont être mises en danger", explique Copwatch
sur son site. "Ce site ne diffuse et ne diffusera jamais une seule donnée concernant les familles des policiers", poursuivent les volontaires de Copwatch. "Nous étendrons le copwatching, nous vous l'imposerons et vous le subirez", conclut le communiqué.
"Censure politique d'Internet" (La Quadrature du Net)
"L'affaire Copwatch montre que le blocage de sites internet, même s'il est mis en oeuvre pour la lutte contre la diffusion de représentations d'agressions sexuelles sur mineurs ou de jeux en ligne illégaux, est en fin de compte un outil de censure politique d'Internet", explique Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net, organisation très active pour la protection des libertés numériques. "Claude Guéant a lancé une grande campagne de marketing viral pour Copwatch, s'amuse-t-il. Ce site était peu connu avant, et alors qu'il restera accessible grâce aux douzaines de moyens triviaux de contourner la censure, il bénéficie désormais d'une attention et d'une couverture médiatique internationales", conclut Jérémie Zimmermann.
Les images et témoignages de Copwatch sont documentés de manière inégale, certains demanderaient davantage de preuves. Aux États-Unis et au Canada, ces sites de surveillance de la police ont été perçus comme des garde-fous citoyens face aux abus des forces de l'ordre. Mais le gouvernement français ne le voit pas de cet oeil.
REGARDEZ une vidéo qui a fait scandale au Canada (attention, images choquantes) : un homme décède après avoir reçu des décharges de Taser de la police :
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