mercredi 20 janvier 2016
Raùl Castro L’actuel Président de Cuba a toujours vécu dans l’ombre de son frère et reste peu connu de l’opinion publique mondiale, et pourtant ....
L’actuel Président de Cuba a toujours vécu dans l’ombre de son frère et reste peu connu de l’opinion publique mondiale.
1. Raúl Modesto Castro Ruz est né le 3 juin 1931 à Birán dans la province d’Holguín, au sein d’une famille cubano-espagnole. Tout comme son ainé Fidel Castro, il suit des études au sein du collège jésuite de Dolores à Santiago de Cuba et au collège de Belén de La Havane.
2. Contrairement à Fidel Castro qui est membre du Parti Orthodoxe, Raúl Castro milite dès son plus jeune âge au sein des Jeunesses socialistes affiliées au Parti socialiste populaire qui est le parti communiste cubain de l’époque.
3. En 1953, il réalise un voyage de l’autre côté du Rideau de fer, à Vienne, pour participer à la Conférence internationale de défense des droits de la jeunesse.
4. Raúl Castro est très engagé au sein de la jeunesse étudiante et participe aux manifestations contre le gouvernement de Carlos Prío Socarrás régulièrement secoué par des scandales de corruption.
5. Le 26 juillet 1953, à l’âge de 20 ans, Raúl Castro participe avec son frère Fidel et ses camarades à l’attaque contre la caserne Moncada à Santiago de Cuba dont l’objectif est de renverser le dictateur Fulgencio Batista. Il a pour mission de prendre le contrôle du Palais de Justice de la ville.
6. Arrêté, il est condamné à 13 ans de détention avec les rares survivants de l’expédition du Moncada et purge sa peine dans la prison de Los Pinos, sur l’île de la Jeunesse.
7. En 1955, après avoir été amnistié par Batista, il s’exile au Mexique en compagnie de son frère Fidel et de plusieurs membres du Mouvement 26 Juillet.
8. Raúl Castro fait la connaissance d’un jeune médecin argentin nommé Ernesto Guevara et décide de le présenter à Fidel Castro.
9. Le 25 novembre 1956, il embarque avec son frère et 80 autres hommes à bord d’un bateau à destination de la province orientale de Cuba, dans le but de déclencher une guerre insurrectionnelle contre le régime militaire. Avant de monter à bord du Granma, Raúl Castro prend soin de rédiger son testament politique.
10. Le débarquement est un véritable désastre car les révolutionnaires étaient attendus par l’armée qui élimine une partie des combattants et disperse le reste. Raúl Castro évoquera la tragédie du 2 décembre 1956 en ces termes : « Il était 4h30 de l’après-midi quand vint l’hécatombe ».
11. Après avoir retrouvé son frère le 18 décembre 1956 à Cinco Palmas, Raúl Castro débute la campagne dans la Sierra Maestra comme simple guérillero et son lien de parenté avec le leader de l’Armée rebelle ne lui confère aucun privilège.
12. Raúl Castro est frappé par la solidarité et la générosité des paysans de la Sierra Maestra. Dans son journal, il écrit : « La façon dont ces paysans de la Sierra se dépensent sans compter pour s’occuper de nous et prendre soin de nous est admirable. Toute la noblesse et la grandeur d’âme cubaines se trouvent ici ».
13. L’Armée rebelle prend soin de bien traiter les soldats prisonniers. A ce sujet, Raúl Castro raconte : « On a apporté à manger aux trois et on leur a dit qu’on les remettrait en liberté et que l’on garderait uniquement leurs armes. Ils avaient de l’argent et des montres dont nous avions besoin, mais suivant nos principes, nous n’y avions pas touché […] On leur a demandé de signer un papier soulignant qu’ils avaient bien été traités. En conversant avec l’un d’eux sur un ton aimable, F. [Fidel] avait réussi à obtenir des informations d’une grande utilité ». Lorsque les guérilléros découvrent la présence d’un infiltré à la solde de la dictature au sein de leur troupe, ce dernier est exécuté. Raúl Castro écrit dans son journal : « Peut-être qu’en le torturant, il nous aurait fourni plus d’informations, mais même pour un traître aussi misérable, nous n’appliquons pas ces méthodes ».
14. En février 1957, Raúl Castro est le premier à rencontrer Herbert L. Matthews, le journaliste du New York Times qui allait révéler au monde l’existence d’une guérilla à Cuba : « J’ai tendu la main au journaliste, et me souvenant de mon rudimentaire anglais scolaire, je lui ai dit : « How are you ? ». Je n’ai pas compris sa réponse et ensuite F. [Fidel] est arrivé, et après l’avoir salué, il s’est assis en sa compagnie dans la cabane et a commencé l’interview journalistique, qui constituera sûrement un scoop ».
15. Après Che Guevara en 1957, Raúl Castro est nommé commandant de l’Armée rebelle en février 1958, ayant fait ses preuves sur le terrain. Il est chargé par son frère Fidel d’ouvrir un second front dans le nord-est de la Sierra Maestra avec la colonne de guérilleros n°6 nommée Second Front « Frank País », en l’honneur du leader du Mouvement 26 Juillet de Santiago de Cuba assassiné par la dictature en 1957. L’attribution du n°6 visait à tromper l’ennemi sur le nombre total de guérilléros qui, en réalité, ne dépassa jamais les 300 hommes armés.
16. Raúl Castro prend le contrôle des territoires libérés et crée une véritable structure autonome en établissant des hôpitaux, des écoles et plusieurs usines de fabrication d’armes et de chaussures.
17. Raúl Castro élabore dès 1958 le premier service de renseignements révolutionnaire. Il met également en place la nouvelle police révolutionnaire.
18. Les Etats-Unis avaient officiellement imposé un embargo sur les armes à Cuba en mars 1958. En réalité, ils continuaient à équiper secrètement l’armée cubaine. En juin 1958, Raúl Castro décide de dénoncer la collusion entre Batista et Washington par une action spectaculaire. Face aux pilonnages de l’aviation cubaine, équipée de bombes étasuniennes, il répond par « l’Opération anti-aérienne » en séquestrant plusieurs citoyens étasuniens y compris des militaires. Le but est de mettre un terme aux bombardements de la Sierra Maestra qui ont un impact meurtrier sur les forces rebelles mais surtout sur les populations civiles de la zone. L’Opération est couronnée de succès. Le Washington Post and Times Herald évoque « le traitement royal » dont ont bénéficié les otages : « Les militaires américains furent si bien traités, et si convaincus par les arguments des rebelles, que plusieurs d’entre eux souhaitaient rester et combattre Batista ». « Un gars épatant, ce Raúl Castro », écrit de son côté la revue étasunienne Time, en citant un otage, ajoutant que le jeune commandant « souhaitait donner une leçon à Washington ».
19. En 1958, Raúl Castro impose le paiement d’un impôt révolutionnaire à toutes les entreprises y compris les multinationales étasuniennes.
20. Au triomphe de la Révolution, lors de la formation du gouvernement provisoire, Raúl Castro n’occupe aucun poste.
21. Le 26 janvier 1959, Raúl Castro épouse Vilma Espín Guillois, combattante clandestine qui avait participé au soulèvement armé du 30 novembre 1956 à Santiago de Cuba, en soutien au débarquement du Granma. Elle sera la fondatrice de la Fédération des femmes cubaines.
22. En février 1959, il remplace Fidel Castro en tant que ministre des Forces armées lorsque ce dernier est nommé chef du gouvernement par le Président Manuel Urrutia. Il dirigera le Ministère de la Défense jusqu’en 2008 et en fera l’institution la plus efficace de Cuba, autosuffisante en production agricole grâce à l’Union agro-pastorale militaire.
23. De 1959 à 1965, Raúl Castro doit faire face aux actes terroristes et aux sabotages organisés par la CIA qui frappent tout le pays. Il raconte : « Parfois, j’arrivais au Ministère des forces armées et venaient quatre ou cinq collaborateurs, qui faisaient le lien avec les différents territoires, armées et régions du pays. Pour gagner du temps, ils ne me faisaient pas de rapports. Ils venaient avec une liste des événements des dernières 24 heures, ou des 12 dernières heures : des dizaines de maisons à tabac incendiées à Pinar del Río, des dizaines de champs de canne brûlés à travers le pays, des sabotages électriques. Parfois, je leur disais : ‘Dites-moi le plus important’, et cela dura cinq ou six ans ».
24. Dès 1959, Fidel Castro recommende Raúl Castro comme son successeur au cas où il viendrait à être assassiné.
25. Depuis 1959, Raúl Castro est, avec son frère, le seul membre de la famille Castro à occuper un poste politique à Cuba.
26. En 1961, Raúl Castro est nommé à la Direction nationale des Organisations Révolutionnaires Intégrées (ORI) qui regroupent le Mouvement 26 Juillet de Fidel Castro, le Directoire Révolutionnaire des étudiants et le Parti Socialiste Populaire.
27. En 1963, il occupe également la Direction du Parti Uni de la Révolution Socialiste qui remplace les ORI.
28. En 1965, le Parti communiste de Cuba (PCC) est créé et il est nommé Deuxième secrétaire.
29. Avec l’adoption de la nouvelle Constitution de 1976, Raúl Castro est élu vice-président de la République, poste auquel il sera réélu jusqu’en 2006. Il est également député et vice-président du Conseil d’Etat et des Ministres de 1976 à 2006.
30. En novembre 1976, il est promu Général de l’Armée.
31. A partir des années 1980, Raúl Castro développe le concept de « Guerre de tout le peuple » face aux menaces d’invasion lancées par les Etats-Unis. Cette stratégie de défense militaire consiste à armer tout le peuple et à déclencher une guerre de guérilla contre tout envahisseur : « La Guerre de tout le peuple signifie que pour conquérir notre territoire et occuper notre sol, les forces impériales devraient lutter contre des millions de personnes et devraient payer avec des centaines de milliers et même des millions de vies, la tentative de conquérir notre terre, d’écraser notre liberté, notre indépendance et notre Révolution […]. Peu importe la puissance de l’empire, peu importe ses techniques et ses armes sophistiquées, il n’est pas en conditions de payer le prix d’une telle aventure ».
32. En 1993, en pleine Période spéciale marquée par une grave crise économique suite à la disparition de l’Union soviétique et à la recrudescence des sanctions économiques imposées par Washington, Raúl Castro met en garde les Etats-Unis contre toute tentative d’agression : « La lutte serait sans front ni arrière-garde, dans chaque coin du pays. Pour cela, nous comptons, en plus des troupes régulières, sur les milices des troupes territoriales et les brigades de production et de défense organisées dans chaque province et dans les 169 municipalités. On combattrait dans les plus de 1 400 zones de défense si l’ennemi était capable de les atteindre toutes, chose impossible, car il aurait besoin de millions de soldats et même ainsi il serait extrêmement faible car partout il pourrait tomber sur une mine, être liquidé par une balle ou une grenade, et les embuscades seraient son cauchemar. […] Dans une guerre prolongée, si un franc-tireur sur deux ou trois – nous en avons des dizaines de milliers – élimine un yanqui, de préférence un officier, est-ce que l’envahisseur pourrait assumer autant de pertes et poursuivre l’agression ? […]. Dans notre doctrine, les troupes terrestres sont les forces décisives, puisque les combats, une fois que l’ennemi débarque, seraient livrés sur notre sol, d’homme à homme, à portée de fusil. Et dans ces conditions, la supériorité morale des hommes qui défendent leur patrie est infiniment supérieure à celle de l’envahisseur haï. […] Le sol leur brulerait les pieds, des entrailles de la terre, après les frappes aériennes, les combattants sortiraient pour régler les comptes sur le sol sacré de la patrie qui n’admet pas les bottes d’envahisseurs ».
33. En 1998, 40 ans après avoir été nommé Commandant de l’Armée Rebelle, il devient Commandant de la Révolution.
34. Le 31 juillet 2006, en vertu de l’Article 94 de la Constitution, Raúl Castro remplace son frère Fidel Castro, victime d’une grave maladie, et devient Président de la République par intérim.
35. En 2007, Raúl Castro lance une vaste consultation nationale dans le but de procéder à une « actualisation » du modèle socioéconomique du pays.
Comme son frère ainé, Fidel, Raul donne une grande importance à l’intégration latino-américaine en tant que président de la CELAC . Ici Raul avec la présidente brésilienne, Dilma Roussef.
36. En février 2008, le Parlement cubain élit Raúl Castro à la Présidence de la République. Il succède officiellement à son frère qui a annoncé son retrait de la vie politique. Pour arriver à la tête de l’Etat et du gouvernement, Raúl Castro a dû passer par deux processus électoraux. Il a d’abord été élu au suffrage universel et secret comme député à l’Assemblée nationale. Ensuite, le Parlement l’a élu Président du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres.
37. En septembre 2008, Raúl Castro décide de donner les terres non cultivées en usufruit aux agriculteurs afin d’augmenter la production agricole dans un pays qui importe plus de 80% de ses matières premières alimentaires.
38. En décembre 2008, Raúl Castro réalise sa première tournée diplomatique internationale en tant que Président de la République et rencontre Hugo Chávez au Venezuela et Lula au Brésil.
39. En novembre 2010, le projet d’actualisation du modèle socioéconomique est soumis à un vaste débat populaire qui implique 8 millions de personnes. Après avoir été modifié, il est adopté en avril 2011 et ouvre plusieurs pans de l’économie au privé. Près d’un demi-million de Cubains travaillent désormais dans le secteur privé.
40. Le 16 avril 2011, Raúl Castro célèbre le 50ème anniversaire de la Déclaration du caractère socialiste de la Révolution cubaine en organisant le VIe Congrès du Parti communiste de Cuba, où il est élu Premier secrétaire et remplace ainsi officiellement Fidel Castro.
41. En 2010 et 2011, suite à un accord avec l’Espagne et l’Eglise Catholique cubaine, Raúl Castro décide de libérer tous les prisonniers dits « politiques » à Cuba. Certains choisissent de quitter le pays alors que d’autres restent dans l’île.
42. En novembre 2011, Raúl Castro simplifie les démarches administratives pour le secteur immobilier. Désormais, les Cubains peuvent acheter et vendre leur bien sans autre formalité qu’une visite chez le notaire. Auparavant, il fallait obtenir l’autorisation du Ministère du logement. Afin d’éviter toute concentration de biens dans un marché déficitaire, les Cubains ne peuvent posséder plus de deux produits immobiliers, dont l’un doit être situé à la campagne.
43. En mars 2012, Raúl Castro reçoit la visite du Pape Benoît XVI. « Notre gouvernement et l’Eglise catholique, apostolique et romaine à Cuba maintenons de bonnes relations », déclare-t-il.
44. En décembre 2012, Raúl Castro décide de généraliser le système de coopératives à tous les secteurs.
45. En janvier 2013, répondant à une forte demande populaire, Raúl Castro décide d’éliminer les obstacles bureaucratiques tels que la « carte blanche » et la « lettre d’invitation » afin de faciliter les voyages des Cubains à l’étranger. Mais désormais, ce sont les ambassades occidentales qui exigent des Cubains une « lettre d’invitation ».
46. Le 28 janvier 2013, Raúl Castro est élu à la présidence intérimaire de la Communauté des Etats latino-américains et caribéens (CELAC) qui regroupe les 33 pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, infligeant ainsi un sérieux revers diplomatique aux Etats-Unis dont l’appel à isoler Cuba n’a pas été suivi.
47. En février 2013, Raúl Castro est réélu à la Présidence de la République pour un mandat de cinq ans. Suite à la réforme constitutionnelle, les mandats exécutifs sont désormais limités à 10 ans. Ainsi, Raúl Castro se retirera du pouvoir au plus tard en 2018.
48. Le 10 décembre 2013, lors des obsèques de Nelson Mandela en Afrique du Sud, Raúl Castro rencontre le Président Barack Obama pour une poignée de main historique. Tout comme son prédécesseur Fidel Castro, il fait part publiquement de sa volonté de dialogue avec les Etats-Unis : « Si nous souhaitons réellement avancer dans les relations bilatérales, nous devons apprendre à respecter mutuellement nos différences et nous habituer à vivre pacifiquement avec elles. Dans le cas contraire, nous sommes disposés à vivre cinquante-cinq autres années dans la même situation ».
49. Sa fille Mariela Castro est directrice du Centre national d’éducation sexuelle (CENESEX) et défend les droits des personnes homosexuelles, lesbiennes et transsexuelles à Cuba.
50. Raúl Castro est réputé pour son franc-parler et son ouverture d’esprit. Il n’hésite pas à se montrer très critique et dénonce publiquement les dérives du système, ce qui lui vaut la réputation d’être à la fois le meilleur journaliste de l’île et le dissident le plus incisif.
Salim Lamrani
Article original publié initialement en portugais sur le site Opera Mundi
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