Brassens en harmonieux conchieur de guerre... par Mediapart
mardi 7 janvier 2014
Je dédie cet article à la mémoire de mon grand père (Jean Marie Desbrosses) qui participa à toute la Guerre de 14 , blessé plusieurs fois il manqua y mourir de typhoïde ; autant vous dire que si il était vivant il pesterait ferme contre le centenaire , alors que les mêmes il y a cent ans les envoyaient à la boucherie
Merci à mon camarade et ami Daniel Levieux de m'avoir fait découvrir ce papier
Nous allons en baver pendant l'année 14 : la guerre, la guerre toujours recommencée ! Avec cette façon de confondre commémoration et célébration (« nous fêterons le centenaire de la guerre de 1914 », lâchait encore dans le poste, la semaine dernière, un producteur de France Musique). Certes, les historiens ont beaucoup à nous apprendre sur un tel conflit. Jean-Noël Jeanneney, fidèle à Mediapart depuis le début, nous accordera bientôt un entretien à ce sujet. Notre but n'est pas de réduire au silence un tel trauma. Nous prisons la façon de l'appréhender cultivée par l'Historial de Péronne (Somme), qui diffuse les recherches les plus stimulantes ou novatrices en direction du grand public, avec une approche internationale et panoramique. Ce que nous refusons, c'est la récupération politicienne dont usent quelques prétendus responsables au rancart.
Nous avons moqué le discours médiocre du président Hollande lorsqu'il lança l'opération du centenaire, le 7 novembre dernier : un p'tit mot pour chacun ; privilégier Clemenceau plutôt que Jaurès ; ne surtout pas trancher, cent ans après la boucherie, pour condamner cette folie collective et ces faillites individuelles. L'Élysée cherche simplement à rassembler, au nom de l'unité nationale, pour neutraliser les critiques voire agréger les suffrages. Piteuse absence de travail incommode de mémoire, au profit d'un massage électoral de glorieux souvenirs !
Nous protesterons, le 8 novembre 2014, lorsque pour clore une année entière de bourrage de crâne sous couvert de commémoration, le président Hollande invitera un aréopage de chefs d'État européens à regarder, salle Pleyel à Paris, J'accuse d'Abel Gance. Ce film muet de 1919 dénonçait avec force cette guerre concoctée par les ancêtres de nos huiles d'aujourd'hui, qui n'ont rien compris et tout oublié, sauf l'art de récupérer la contestation légitime, de broyer les révoltes logiques...
Il faudra jeter à la face de ces gens-là ce que Blaise Cendrars écrivait dans La Main coupée :« “Mourir pour la patrie est le sort le plus beau...” n'est-ce pas ? Vous croyez-vous au théâtre, Monsieur ? Avez-vous perdu le sens de la réalité ? Vous n'êtes pas au Français, ici. Et savez-vous ce qui se cache sous cet alexandrin ? La guerre est une ignominie. Tout au plus ce spectacle peut-il satisfaire les yeux, le cœur d'un philosophe cynique et combler la logique du pessimisme le plus noir. La vie dangereuse peut convenir à un individu, certes, mais sur le plan social, cela mène directement à la tyrannie, surtout dans une république menée par un sénat de vieillards, une chambre de bavards, une académie de m'as-tu-vu, une école de généraux... »
En 2014, il va nous falloir découvrir la voix singulière des poètes face à l'Histoire. Dans une magnifique étude, Monde terrible où naître (Honoré Champion, 2011), Anne Mounicdonne à connaître ce singulier qui résiste. « Le poème nous permet de contempler la pensée en sa source incarnée, et en ses conséquences à l'égard du choix de la vie ou de la mort que fait l'individu, mais aussi toute civilisation », écrit l'universitaire en amont de son voyage au bout de cet espace infernal que fut le premier conflit mondial. Citons simplement le BritanniqueRobert Graves (1895-1985), qui nous a donné à jamais ce conseil (To Lucia at birth) :
Then reckon time by what you are or do,
Not by the epochs of the war they spread.
Hark how they roar; but never turn your head.
Nothing will change them, let them not change you.
Évalue dès lors le temps selon ce que tu es, ce que tu fais,
Non par les étapes de cette guerre qu'ils répandent.
Prends garde à leurs rugissements, mais ne tourne jamais la tête.
Rien ne les transformera, ne les laisse pas te transformer.
Quand les oiseleurs commémoratifs nous gaveront de leurs discours empoisonnés durant l'année qui s'ouvre, sachons les récuser. Voici, en guise de viatique audiovisuel, un montage de propos et chansons de Georges Brassens sur la guerre. Le futur artiste anarchisant n'avait pas été courageux durant l'occupation nazie (il s'en explique ci-dessous à 9 min 45), mais sa lucidité sur la malédiction belliciste, qui nous a enveloppés depuis 1914, vaut le détour. Clouons le bec des célébrateurs patentés avec ce retour, inépuisable, aux sources libertaires et antimilitaristes !...
Brassens en harmonieux conchieur de guerre... par Mediapart
Source :http://www.mediapart.fr/
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