Pour la FDSEA : une activité universelle au service de la vie.
Il y a plus de dix ans, nous faisions part de notre inquiétude quant à la capacité de l’agriculture, telle que l’ont voulue les décideurs ultra-libéraux mondiaux, à nourrir les peuples de notre planète.
Dès le début des négociations du GATT, nous demandions à ce que le dossier agricole en soit retirer afin qu’il soit géré par la FAO et l’ONU. Cela pouvait paraître pour certains prématuré, pour d’autre hors de propos et pour beaucoup complètement inconscient, pourtant….
Aujoud'hui nous sommes devant une crise alimentaire mondiale sans précédent, effroyable, aux conséquences incalculables.
Analysons une fois encore le scénario qui nous a amené là , et surtout tentons pendant ce congrès de proposer des réponses.
Depuis longtemps et notamment depuis la fin de la guerre de 45 les USA ont voulu détenir le leadership de la production agricole, ils en ont fait une véritable arme : l’arme alimentaire.
Le lobby des multinationales agroalimentaires agit à l’intérieur même du gouvernement US, Monsento détient un nombre important de postes gouvernementaux par l’intermédiaire de ses administrateurs actionnaires et oriente ainsi la politique agricole de leur pays, donc par voie de conséquence la politique mondiale, la bataille sur la viande aux hormones loin d’être terminée, est là pour en témoigner
Récemment, toujours Monseto a assigné en justice une entreprise laitière US qui avait demandé à ses producteurs une déclaration sur l’honneur assurant qu’ils n’utilisaient pas l’hormone de production dans l’alimentation de leurs animaux, Monsento estimant que la Somatotropine n’était pas nocive pour l’homme et prétextant ainsi une distorsion de concurrence !
La recherche du monopole de la production des protéines végétales notamment à partir du soja par l’Amérique est sur le point de se réaliser pour ne pas dire que cela soit déjà fait. nous en connaissons tous les conséquences, par exemple , ce n’est plus la production qui fixe le prix du tourteau de soja ,mais bien la bourse de Chicago .
La main mise des grands groupes capitalistes internationaux dans l’organisation économique et politique des pays émergeants amènent à des absurdités criminelles ainsi des pays pauvres en quête de devises orientent leurs productions agricoles vers des cultures industrielles et exportables (agro-carburants, coton) au détriment des cultures vivrières aggravant encore un peu plus le sort des populations locales déjà peut enviable .
L’économie , à l’heure actuelle décide de tout : la récente réorientation des cultures énergétiques jusque là réservée à l’alimentation humaine ou animale vers la production d’agro- carburant participe encore à la raréfaction des produits de premières nécessité .
En 2006 , en retirant de l’alimentation plus de 40 millions de tonnes de maïs( 80 millions en 2007), les USA ont poussé à la famine des familles les plus humbles d’Amérique du sud : les fameux tortillas , base de l’alimentation des couches populaires n’étaient plus abordables pour leur budget.
D’un point de vue plus général, ces cultures énergétiques ont fait l’objet de spéculation sans nom qui ont littéralement désorganisé le marché mondial des céréales : de ce point de vue l’OMC est arrivée à ses fins avec un marché libéré de toutes contraintes politiques !
J’ai déjà eu l’occasion de citer ces chiffres lors de la cession de la chambre d’agriculture en février , ils méritent d’être rappeler car ils resituent bien les choses : une voiture roulant pendant 800 km aux agro-carburants consomme l’équivalent de la nourriture nécessaire à un enfant pendant un an !
Les sociétés pétrolières par des biais détournés ont pris le contrôle des agro-carburants rebaptisé pour l’occasion biocarburant sous entendant qu’il n’y a aucun impact négatif en terme de développement durable .Non seulement ,elles se refont une image, mais en plus elles empochent avec la flambée du pétrole des dividendes pharaoniques : TOTAL en 2007 : 13milliards de bénéfice.
Il y a à peine 20 ans tous les responsables politiques libéraux criaient aux scandales devant de soit disant stocks de denrées alimentaires jugés insupportables.
Il n’y a pas si longtemps certains considéraient la crémation du blé comme une bonne solution de chauffage .
Nous sommes en 2008 ,nous vivons de vraies émeutes liée à la famine, en Haïti mais aussi en Afrique en Asie , quel scandale hideux ! Quelque part j’ai honte.
Récemment les spéculateurs ont jeté leur dévolu sur le riz ,nourriture de base des 3/4 de l’humanité, inutile d’expliquer les conséquences de tels comportements financiers , là comme ailleurs l’on constatent les effets pervers du tout financier ou l’homme est l’accessoire et le profit le seul but .
A tout cela , s’ajoute la diminution des surfaces agricoles notamment par l’urbanisation galopante mais aussi à la réorientation de surface de production vers l’industrie pétrolière .
En Colombie, la plantation massive de palmiers producteurs d’huile décidé par le gouvernement et les lobby pétroliers a précipité le déplacement de plus de 2000 paysans qui se retrouvent sans terre.
La désorganisation du marché mondial de l’alimentaire encourage à toutes les dérives ,surexploitation des bassins fertiles ,abandon des zones difficiles ,emploi de produits illicites dans l’alimentation animale.
Les USA ,le Canada n’ont de cessent de vanter les mérites de l’utilisation des anabolisants et d’hormones de production. Sans cesse des études dites sérieuses sont publiées pour la viande ou la production de lait et démontrent les bienfaits de leur utilisation dans l’alimentation animale ; tant bien que mal l’Europe continue à résister et continue d’en interdire l’emploi .
Pourtant la mafia reprend du poil de la bête, et l’approvisionnement des engraisseurs indélicats reprend comme avec les sportifs malhonnêtes.
Le procureur de Gant en Belgique a ouvert une enquête avec le juge d’instruction de Courtrai ,elle sera jugée en septembre ,elle concerne un vétérinaire qui fournissait des anabolisants à des engraisseurs et des sportifs !
Preuve s’il en est que notre bataille pour une agriculture propre et transparente doit être menée sans répit et sans concession d’autant que les ramifications entre la France et la Belgique ne sont plus à prouver.
En Europe, la spécialisation des régions entraîne par effet de ricoché des crises dramatiques .La crise sanitaire dite de la FCO provoque une crise économique de l’élevage sans précédent dont personne ne peut aujourd’hui en donner l’issue et encore moins en mesurer les réelles conséquences à moyen terme. A cela s’ajoute l’envolée des matières premières( céréales tourteaux) qui pénalise toutes les productions animales ,le porc en paie le plus lourd tribut ,l’élevage ovin est quand à lui complètement sinistré ,bien malin celui qui peut aujourd’hui dire lequel de nous s’en sortira.
Cela démontre, si cela était encore nécessaire, que le système libéral par essence, se dégage de tout contrôle politique , les éleveurs en subissent les conséquences économiques , nous assistons à de vrais drames humains.
La politique européenne ,ayant de fait, rendue les armes , se plie au pouvoir économique ,nous l’avons constaté lors de la signature des différents traités.
La rentabilité à court terme , la libre concurrence ont pris le dessus , les denrées alimentaires sont traitées comme n’importe quelles marchandises .
Depuis le néolithique ,les hommes n’ont cessé d’organiser toutes leurs civilisations successives autour de leur agriculture , si des famines ont fait beaucoup de dégâts par le passé cela était surtout dû aux limites des connaissances agraires et aux catastrophes naturelles et aux épidémies répétées, mais ils tentaient malgré tout de subvenir aux besoins essentiels de leurs habitants .
Nos sociétés modernes , dites libérales, tournent le dos à cette organisation de bon sens ,ou , plutôt l’économie capitaliste estime ceci comme complètement accessoire , sur cette lancée nous pouvons nous attendre à des périodes terribles , cela a peut être déjà commencer.
Ces orientations amènent à des aberrations , avec par exemple des augmentation de près de 65% sur certains aliments de bases en 2 à 3 ans à peine. Les agriculteurs sont montrés du doigt pourtant, pour l’immense majorité d’entre eux , ils ne font que subir , beaucoup d’ailleurs ne résisteront pas à cette crise ,quelque soit leur production.
Comme les anabolisants ne sont qu’une insulte au travail paysan ,les spéculations sur les produits alimentaires restent la pire des exactions voire un crime contre l’humanité , la FDSEA s’est toujours battue pour un prix rémunérateur au producteur mais condamne le plus fermement possible ces comportements inadmissibles .
Pour nous , la seule solution est le retrait pur et simple du dossier agricole de l’OMC afin qu’il soit géré d’un point de vue purement humain et durable par l’ONU et la FAO.
Dans notre pays , le monde de l’élevage est dans la tourmente, la solution ne peut être que politique y compris en revoyant les fondements même du modèle économique tant la vie même de nos concitoyens est en jeu .Le défi a relevé est immense tellement le prix a payé en terme humain, risque d’être très lourd .
La banalisation de la faim est scandaleuse ,insupportable en fin de compte criminelle.
Nous ne pouvons plus nous contenter des discours corporatistes de dirigeants agricoles nationaux en mal de carrière , pas plus que de discours économiques ,spéculatifs et souvent démagogique d’ hommes politiques ultra libéraux, d’ailleurs pour le coup sur des dossiers aussi graves ,ils laissent agir les financiers et répondre les gouverneurs des banques centrales poussant un peu plus les populations dans un fatalisme dévastateur.
On nous explique que l’ONU s’inquiète, elle le peut légitimement , en effet les plus pauvres souffrent terriblement.
Pour autant , les paysans loin de tirer leur épingle du jeux , s’enfoncent dans des difficultés financières profondes.
En effet, engrais ,aliments du bétail, mais aussi carburants explosent littéralement concourant ainsi à ruiner les budgets des exploitations , les banques loin d’en atténuer les effets ,adoptent un comportement des plus cyniques aggravant un peu plus la situation des trésoreries.
IL me semble que la situation tend à être dédramatisée à tout prix quitte à pratiquer la désinformation autant à notre égard qu’à l’encontre du consommateur .
Peu de gens ont conscience de la gravité réelle de la situation internationale en terme de raréfaction des produits agricoles ,en terme de spéculation infamante sur les produits de première nécessité qu’en terme de risque alimentaire par des pratiques aussi cyniques qu’inavouables .
Citons ,en exemple les semenciers qui tentent à tout prix de s’approprier l’exclusivité de la production de semences retirant ainsi au producteur son droit ancestral à produire sa propre semence, et ce par le biais d’hybrides, d’OGM mais surtout par des directives gouvernementales prises sous la pression des lobby de société internationales .C’est aussi par ces méthodes que l’on peut affamer des peuples .
Peu de gens se rendent compte de la gravité des batailles que se livrent les grandes sociétés qui gravitent autour de l’agroalimentaire, qui, par des méthodes méprisables engagent des pays entiers dans des solutions qui tourne le dos au moindre des principes de précaution . J’ai parlé de Monsento , mais elle n’est pas la seule , l’adjonction d’activateurs de croissance tend à se banaliser outre atlantique et l’on peut légitimement être inquiet , nous qui avons fait de la production de qualité ,notre credo.
Depuis longtemps , notre région sert d’image en terme de marketing ,elle est utilisée autant par les assurances , les banques et autres vendeurs de viande ou de lait , par contre les façonniers de cette image ,en autre les paysans, n’en touchent pas le moindre royaltie.
Se conjugue ainsi ,une crise financière ,une crise alimentaire , une crise sanitaire aux quelles s’ajoutent des conflits internationaux liés au pétrole ,à l’eau ou d’ordre religieux , vous avez ainsi un tableau peu reluisant de notre monde actuel .
Nous avons eu tort d’avoir eu raison trop tôt .
IL faut le dire , trop peu de départements ont soutenu notre démarche et à l’intérieur de notre département trop de responsables agricoles étaient plus préoccupés par leur carrière que par le devenir de notre secteur .
De ce point de vue , l’on peut tout nous reprocher sauf d’avoir eu la langue de bois ou d’avoir ménager nos forces pour alerter du danger qui nous guettait , nous avons toujours été clair ,hélas les évènements nous donnent raison.
Tout n’est pas perdu , car une conscience collective est en train de naître , l’Amérique du Sud évolue ,les pays qui étaient les plus exploités se dotent de nouveaux gouvernements ,et avec eux de nouvelles orientations risquent de voir le jour ; pourtant n’oublions pas que c’est l’équivalent de notre marché commun qui perçoit dorénavant les choses autrement , d’un point de vue commercial ils serons forcément des adversaires si nous continuons dans la même logique ,d’ou l’intérêt de parler de coopération plutôt que de compétitivité libérale .
L’ère Bush touche à sa fin ; autant ,nous pouvons combattre les orientations de cette administration autant nous n’avons pas le droit d’y associer le peuple américain qui lui aussi souffre , des espérances sont à attendre là également :il a su par le passé nous surprendre .
La solution est bien dans la détermination des gens eux même à vouloir un autre avenir , une autre vision moins individualiste , plus juste et plus coopérative .
Certes, le pouvoir français porte une lourde responsabilité dans l’évolution de notre monde rural , loin de moi l’idée de le dédouaner de quoi que ce soit ,il porte en lui les marques profondes du libéralisme dévastateur qui amène autant de fatalisme dans les têtes .
La mondialisation libérale que nous subissons ,nous l’avons vue amène à des aberrations ,à des tragédies , participe à la destruction de l’environnement .
Si la solution est certainement au niveau européen ,elle est plus sûrement au niveau mondial . C’est dans nos institutions internationale que se situe la réponse . C’est à ONU avec la FAO , dans la discutions entre tous les peuples que la solution sera trouvée .
C’est précisément là le rôle du syndicalisme qu’il soit ouvrier ou paysan , afin de placer les responsabilités et de suggérer des alternatives en mobilisant les forces indispensables à un véritable changement .
La solution n’est pas marchande ,elle est HUMAINE.