28MAR
Article traduit par Sofi del Valle pour histoire et société. Ce texte d’un géant de l’histoire dit à Obama la force des idées et de la culture d’un peuple qui s’est hissé au plus haut niveau de l’Histoire de l’humanité, dans « nuestra Amérique », mais aussi en Afrique et qui n’oubliera rien de ces « traces » de tant de souffrances et de courage qu’il a fallu pour en être là. Je suis particulièrement émue de la référence au combattant en Afrique que fut mon ami très cher Jorge Risquet, la référence à la fin de ce lutteur… Frère Obama, sais-tu à qui tu t’adresses? A ceux qui font l’histoire de l’humanité, celle des peuples originels même si les maîtres esclavagistes prétendent la ré-écrire… (note de Danielle Bleitrach)
Les rois d’Espagne nous ont envoyé les conquistadors et ils ont apporté les conquérants et les maîtres, dont on peut encore voir les empreintes dans les faisceaux de terre assignés aux chercheurs d’or dans les sables des rivières. Une forme abusive et honteuse d’exploitation dont les traces peuvent encore être observées du ciel à de nombreux endroits du pays.
Le tourisme, aujourd’hui, consiste essentiellement à vanter nos magnifiques paysages, et les mets délicieux de nos mers, pour autant que nous soyons prêts à les partager avec les capitaux privés des grandes multinationales dont les bénéfices ne sont pas dignes d’intérêt s’ils ne dépassent pas les milliards de dollars par tête.
Puisque je me suis contraint à aborder le sujet, je dois ajouter, particulièrement à l’attention des jeunes, que peu de gens se rendent compte de l’importance de ce qui est exigé dans un moment singulier de l’histoire humaine. Je ne dirai pas que le temps a été perdu, mais je n’hésite pas à affirmer que nous ne sommes pas suffisamment informés, ni vous, ni nous, des connaissances et de la conscience que nous devrions avoir pour affronter les réalités qui nous défient. La première chose dont nous devrions prendre conscience, c’est que nos vies sont une fraction de seconde au regard de l’histoire, qu’il s’agit aussi de partager avec les besoins vitaux de tout être humain. Une des caractéristiques de ce dernier est la surestimation de son rôle, ce qui, d’un autre côté, contraste avec le nombre extraordinaire de personnes qui incarnent les rêves les plus élevés.
Par contre, personne n’est bon ou mauvais en soi. Aucun de nous n’est préparé au rôle qu’il doit assumer dans la société révolutionnaire. Nous, les cubains, avons eu le privilège de pouvoir compter avec l’exemple de José Martí. Je me demande aussi s’il devait tomber ou pas à Dos Rios, lorsqu’il a dit « il est l’heure pour moi » et qu’il a chargé contre les forces espagnoles retranchées derrière une solide ligne de feu. Il ne voulait pas retourner aux Etats Unis et personne n’était capable de le faire y retourner. Quelqu’un a arraché quelques feuilles de son journal. Qui s’est chargé de cette perfidie coupable qui fut sans aucun doute l’œuvre d’un intriguant sans scrupule ? On connaît les différences entre les chefs, mais jamais leurs indisciplines. « Quiconque tente de s’approprier Cuba récoltera la poussière de son sol inondé de sang, s’il ne meurt pas dans la bataille » déclarait le glorieux leader noir Antonio Maceo. On reconnaît aussi à Maximo Gómez, la qualité de chef le plus discipliné et discret de notre histoire.
Comment ne pas admirer l’indignation de Bonifacio Byrne, lorsqu’il déclara, depuis l’embarcation lointaine qui le ramenait à Cuba et après avoir aperçu un autre drapeau à côté de l’étoile solitaire, “Mon drapeau est celui qui n’a jamais été mercenaire …», ajoutant immédiatement une des plus belles phrases qu’il m’ait été donné d’entendre : «Si mon drapeau est déchiré un jour en petits morceaux… Nos morts, les bras levés, sauront toujours le défendre … ” .Je n’oublierai jamais non plus les paroles éclairées de Camilo Cienfuegos cette nuit- là, lorsqu’à plusieurs dizaines de mètres les bazookas et mitraillettes, d’origine nord-américaine, aux mains des contre-révolutionnaires, pointaient vers la terrasse où nous étions arrêtés. Obama est né au mois d’août 1961, comme il nous l’expliqua lui-même. Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis ce moment.
Regardons cependant comment pense aujourd’hui notre illustre visiteur:
“Je suis venu pour abandonner les derniers vestiges de la guerre froide entre les Amériques. Je suis venu ici tendre la main de l’amitié au peuple cubain”.
Il s’en suivit immédiatement un flot de concepts, totalement nouveaux pour la majorité d’entre nous: “Vous comme nous vivons dans un nouveau monde colonisé par les européens » a continué le Président nord-américain: “Cuba, comme les Etats Unis, a été construite par les esclaves amenés d’Afrique ; a l l’instar des Etats Unis, le peuple cubain porte un héritage d’esclaves et d’esclavagistes”.
Les peuples natifs n’existent en rien dans l’esprit d’Obama. Il ne dit pas non plus que la discrimination raciale a été balayée par la Révolution ; que la pension et le salaire de tous les cubains fut décrété avant que Monsieur Obama n’atteigne ses dix ans. L’odieuse coutume bourgeoise et raciste d’engager des sbires pour expulser les citoyens noirs des centres récréatifs fut balayée par la Révolution cubaine. Elle est entrée dans l’histoire avec la bataille qu’elle a livré en Angola contre l’Apartheid, mettant ainsi fin à la présence d’armes nucléaires sur un continent de plus d’un milliard d’habitants.Ce n’était pas là l’objectif de notre solidarité, mais bien d’aider les peuples d’Angola, du Mozambique, de la Guinée Bissau et d’autres à se débarrasser de la domination coloniale fasciste du Portugal.
En 1961, à peine un an et trois mois après le triomphe de la Révolution, une force mercenaire armée de canons d’infanterie blindés, équipée d’avions, entraînée et accompagnée par des navires de guerre et des portes avions nord-américains, attaquait par surprise notre pays. Rien ne pourra jamais justifier cette attaque préméditée qui a coûté à notre pays des centaines de morts et de blessés. Il n’y a aucune trace du fait que des mercenaires aient pu être évacués de la brigade d’assaut pro-yankee. Des avions de chasse yankees furent présentés devant les Nations Unies comme des équipes cubaines insurgées.
Nous connaissons suffisamment l’expérience militaire et la puissance de ce pays. En Afrique, ils ont cru également que la Cuba révolutionnaire serait facilement mis hors de combat. L’attaque des brigades motorisées d’Afrique du Sud raciste au sud de l’Angola les a conduit à proximité de Luanda, la capitale de ce pays. C’est là que débute une bataille qui durera pas moins de 15 ans. Je ne parlerais même pas de ceci, à moins d’avoir le devoir élémentaire de répondre au discours d’Obama au GranTeatro de La Havane Alicia Alonso.
Je n’ai pas l’intention d’entrer dans les détails, mais je veux juste souligner que là-bas s’est écrite une des pages les plus honorables de la lutte pour la libération de l’être humain. D’une certaine manière, je souhaitais que la conduite d’Obama soit correcte. Ses origines modestes et son intelligence naturelle sont évidentes. Mandela était emprisonné à vie et s’était transformé en un géant de la lutte pour la dignité humaine. Un jour, une copie du livre racontant partie de la vie de Mandela s’est retrouvé entre mes mains et, Oh surprise, il était préfacé par Barack Obama. Je l’ai rapidement parcouru. La taille minuscule de l’écriture de Mandela précisant des faits était incroyable. Ça valait la peine d’avoir connu des hommes comme celui-là.
Je dois préciser une autre expérience de l’épisode sud-africain. J’étais réellement intéressé de connaître plus de détails sur la manière dont les sud-africains avaient acquis leurs armes nucléaires. Je disposais seulement de l’information précise qu’ils ne dépassaient pas 10 à 12 bombes. Une source sûre était le professeur – chercheur Piero Gleijeses, qui avait rédigé le texte « Missions en conflit : La Havane, Washington et Afrique 1959-1976”; un excellent travail. Je savais qu’il serait la source la plus sûre sur ce qui s’était passé et c’est ainsi que je le lui ai communiqué ; il m’a répondu qu’il n’avait plus jamais parlé de l’affaire parce qu’il avait répondu aux questions du camarade Jorge Risquet dans le texte, qui avait été ambassadeur ou collaborateur cubain en Angola, et dont il était très ami. J’ai localisé Risquet; il occupait alors d’autres fonctions importantes et il terminait un cours pour lequel il lui manquait encore quelques semaines. Cette tâche coïncidait avec un voyage assez récent de Piero dans notre pays; je l’avais informé que Risquet était déjà âgé et que sa santé n’était pas au mieux. Peu de temps après, comme je le craignais, la santé de Risquet s’aggrava et il mourut. A l’arrivée de Piero il n’y avait plus rien à faire à part des promesses, mais j’avais déjà obtenu des informations relatives à cette arme et à l’aide reçue par l’Afrique du Sud de Reagan et d’Israël.
Je ne sais pas ce qu’Obama aura maintenant à dire sur cette histoire. J’ignore s’il savait ou pas, même si je doute qu’il ignorait tout. Ma modeste suggestion est qu’il réfléchisse et n’essaie pas d’élaborer des théories sur la politique cubaine.
Il y a une question importante: Obama a prononcé un discours dans lequel ila utilisé les mots les plus mielleux pour s’exprimer: “Il est temps d’oublier le passé, de laisser le passé, regardons le futur, regardons le ensemble, un futur d’espérances. Cela ne sera pas facile, il y aura des défis, et il nous faudra du temps; mais mon séjour ici me donne l’espoir de ce que nous pouvons faire ensemble comme amis, comme famille, comme voisins, ensemble”.
Je suppose que nous avons tous frôlé l’infarctus en entendant ces paroles du Président des Etats Unis. Après un blocus sans pitié qui a duré près de 60 ans et ceux qui sont morts dans les attaques mercenaires contre des bateaux et de ports cubains, l’avion de ligne rempli de passagers qu’ils ont fait exploser en plein vol, les invasions mercenaires, les multiples actes de violence et de force ?
Que personne ne croie que le peuple de ce noble et dévoué pays renoncera à la gloire et à ses droits, à la richesse spirituelle qu’il a gagné avec le développement de l’éducation, de la science et de la culture.
De plus, je vous avertis que nous sommes capables de produire les aliments et les richesses matérielles dont nous avons besoin avec l’effort et l’intelligence de notre peuple. Nousn’avons pas besoin de cadeau de l’Empire. Nos efforts seront légaux et pacifiques, parce que notre engagement envers la paix et la fraternité de tous les êtres humains qui vivons sur cette planète.
Fidel Castro Ruz
Marzo 27 comme
10 et 25 h