dimanche 15 mars 2015
Le FN n'est pas un parti comme les autres, à travers la mort du "fondateur" de ce "parti " nous n'avons aucun mal à remonter à la milice et à Pétain
François Brigneau ? C'était un nom peu connu du grand public, un homme qui vient de mourir peu avant de pouvoir être centenaire, une légende de l'extrême droite, l'un des cofondateurs du Front national dont il fut le premier Vice-Président, et une signature qui a traversé la presse d'extrême droite, de "Minute" à l'organe officiel du FN. C'est l'histoire d'un homme qui connut les mutations de l'extrême droite en restant pour sa part attaché à un noyau idéologique indéfectible.
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Né en 1919 sous l'identité d'Emmanuel Allot, son premier engagement le mène en 1939 à militer pour Gaston Bergery, ex-radical-socialiste qui désormais plaide pour un régime autoritaire allié de l'Allemagne. Durant Vichy, Allot rejoint le collaborationniste Rassemblement National Populaire puis la Milice, à laquelle il se flattait d'avoir adhéré le 6 juin 1944, jour du Débarquement allié. Emprisonné à la Libération, il a l'occasion de côtoyer Robert Brasillach avant son exécution, et il lui conservera une admiration littéraire et intellectuelle sans faille. Libéré, il participe en 1946 au lancement d'un périodique très inspiré par la pensée du doctrinaire de l'Action Française Charles Maurras, et anime, avec Pierre Boutang et Antoine Blondin, une feuille spécialisée dans la dénonciation de la corruption politique. Il prend le nom de plume de François Brigneau lors de la cofondation d'un journal antisémite, avec Maurice Gaït (ex-commissaire général à la Jeunesse sous Vichy) et Léon Gaultier (ex-Waffen SS, cofondateur d'une maison de disques avec Jean-Marie Le Pen). Il évolue néanmoins ensuite quelques années entre les gaullistes de choc et l'extrême droite. Finalement, il rejoint la direction du Front National pour l'Algérie Française de Jean-Marie le Pen, structure qui souhaitait chapeauter tous les groupements hostiles à l'indépendance algérienne, mais qui, malgré les 60.000 militants revendiqués n'en regroupait sans doute qu'un millier, peu organisé.
Pour la première élection présidentielle au suffrage universel, François Brigneau participe à l'équipe, également menée par Jean-Marie Le Pen, qui porte la candidature de Jean-Louis Tixier-Vignancour. Après l'échec (5,2% des suffrages), il produit pour un éphémère parti des tracts "Stop à l’invasion algérienne en France" destinés au milieu ouvrier. Le propos n'aborde toutefois pas la question de l'immigration en termes d'économie mais demeure dans la pure polémique altérophobe. C'est un thème anti-Arabes qu'il développe également volontiers dans Minute dont il est rédacteur-en-chef. Cette hostilité et l'idée qu'Israël représente une porte de sortie pour les Européens juifs le mènent également à y soutenir l’État hébreu, position qu'il rejette plus tard. Il y fulmine volontiers contre l'antiracisme, désignant ainsi le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples) tel "un mouvement juif d'inspiration communiste". Il ne quitte le journal qu'à la moitié des années 1980, quandPatrick Buisson (l'actuel conseiller "droitier" de Nicolas Sarkozy) s'installe à sa direction et souhaite modérer le ton. Brigneau préfère alors rejoindre le très radical Choc du Mois, en compagnie de néo-droitiers, de nationalistes-révolutionnaires et de l'ex-Waffen SS Christian de La Mazière.
C'est son aura en tant qu'éditorialiste de "Minute" qui lui vaut sa place auprès des jeunes militants de l'ex-Mouvement Occident quand ils fondent le mouvement Ordre Nouveau (1969). Quand ceux-ci décident de tenter de réunir toute l'extrême droite au sein d'une nouvelle structure, le Front National, ils cherchent un président pour leur futur FN, mais essuient plusieurs refus. François Brigneau leur suggère quelqu'un : Jean-Marie Le Pen. L'entente est complexe à mettre en place. Quand une réunion accouche du parti le 5 octobre 1972, le FN dispose de trois co-présidents : Le Pen, Brigneau et Guy Ribeaud, un proche de Georges Bidault. Ce dernier offre l'avantage d'apporter avec lui l'aura de son parcours, de la Résistance au combat pour l'Algérie française en passant par les gouvernements de la IVe République. Mais Bidault repart avec ses hommes au bout d'une semaine. Il demande à son proche l'ex-Waffen SS Pierre Bousquet de rester. Le climat est alors si tendu que Bousquet accompagne Jean-Marie Le Pen à la préfecture lors du dépôt des statuts. Finalement Le Pen est seul Président, Brigneau est Vice-Président, Bousquet est Trésorier. Avec François Duprat, Brigneau part à Rome obtenir le soutien matériel du néofasciste MSI (Movimento Sociale Italiano).
Brigneau plaide alors pour la normalisation de l'extrême droite. Déjà, à l'été 1971, il avait démissionné de son mandat à la direction d'Ordre Nouveau pour protester contre la stratégie de violences suivie par le mouvement. Au congrès de 1972 entérinant la décision de fonder le FN, Brigneau avait été l'un des principaux soutiens à la dénomination "Front National pour l'Unité Française"(toujours l'intitulé officiel du parti) en concurrence avec celle de "Front National pour un Ordre Nouveau". Début 1973, il plaide vigoureusement pour la simple dissolution du mouvement activiste au sein du nouveau parti électoral. Mais Ordre Nouveau est interdit par l’État à la suite de la nuit de violences du 21 juin 1973 qui l'oppose aux activistes d'extrême gauche (76 policiers blessés). Les anciens chefs d'Ordre Nouveau et Brigneau rentrent en guerre avec Jean-Marie Le Pen pour le contrôle du FN, puis, vaincus, fondent le Parti des Forces Nouvelles après avoir soutenu la candidature de Valéry Giscard d'Estaing à la présidentielle de 1974.
François Brigneau était un homme d'un caractère entier. A partir des années 1980, la façon dont il se focalise sur le soutien aux négationnistes, le poids du lobby sioniste en France et la délégitimation d'Israël le rend parfois peu aisé à gérer pour ses camarades. Comme la direction du quotidien "Présent", lui émet une critique à ce propos il en claque la porte. Sa plume étant glorieuse dans son milieu, l'organe officiel du FN, "National Hebdo", le récupère à bras ouverts. C'est au haut-parleur que tous les soirs de meeting de la "tournée des plages" de Jean-Marie Le Pen en 1987 on annonce son ralliement. Son style fait que le journal gagne en personnalité, mais aussi en difficulté. Comment gérer politiquement un homme dont les articles transpirent d'antisémitisme ? Le constat s'impose et Jean-Marie Le Pen demande en Bureau Politique du FN que toute mention à sa personne et au parti disparaissent du journal, désormais officiellement indépendant.
Par ailleurs, Brigneau s'était rapproché de la pensée contre-révolutionnaire en se convertissant au catholicisme intégral lefebvriste. Il mène "L'Anti-89", une association destinée à riposter aux commémorations du Bicentenaire de la Révolution... et qui espérait réunir un million de Français dans une manifestation le 15 août 1989 ! Pour la commémoration de la mort de Louis XVI, Brigneau s'était également fait remarquer en déclarant "la cocarde, on ne l’a jamais dit, c’est l’étoile jaune renversée". On lui doit encore une hagiographie de Robert Faurisson (à laquelle on préférera très avantageusement la somme que Valérie Igounet vient de publier à ce sujet : Robert Faurisson, portrait d'un négationniste, Denoël). En somme, il n'est rien d'étonnant à ce que, après avoir soutenu la scission mégretiste, Brigneau se soit retiré sur son Aventin. Ses manies n'étaient plus guère en phase avec le politique.
C'est ce qui explique aussi l'attitude très réservée du FN aujourd'hui. Déjà, lors de l'enterrement de Pierre Bousquet, les seul cadres du FN présents avaient été Roger Holeindre (qui a quitté le parti en 2011) et Roland Gaucher, ancien membre du RNP de Marcel Déat comme Brigneau. Quand on évoque les cofondateurs peu démocrates du parti, son actuelle direction a pour habitude de citer Georges Bidault et son passé résistant, omettant de préciser qu'il n'eut pas le temps de détenir une carte. C'est, si on ose dire, de bonne guerre. Le cas Brigneau est plus complexe, car la lecture de ses articles de presse a contribué à former bien des militants et cadres. Mais manifestement la discrétion est de mise. En effet, après l'annonce du décès,Bruno Gollnisch a réagi sur son blog en publiant un article. Très vite, le texte a été effacé et remplacé par un simple portrait. A son tour, il disparaissait. Des blogs frontistes qui avaient repris le premier document l'ont également enlevé de la Toile. On aura compris : pas d'hommage à rendre, Brigneau c'était le XXe siècle, c'était "avant". C'était juste un homme ayant marqué six décennies de l'extrême droite.
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