Les meurtres de Toulouse sont survenus à un moment où les politiciens français utilisaient un langage de haine.
Jusqu’à aujourd’hui, ils auraient pu essayer de faire valoir qu’il n’y avait pas de mal à cela, que c’est même sain, un rééquilibrage de la balance après deux décennies à se mordre la langue et à ramper dans le politiquement correct.
Les ondes françaises ont été remplies d’une telle laideur équivoque ces dernières semaines alors que Nicolas Sarkozy a fait sauvagement vaciller son parti vers la droite dans une tentative de sauver sa peau en affirmant qu’il y avait "trop d’immigrés en France" et en attisant "l’islamophobie" par une affirmation ridicule prétendant que les Français seraient secrètement contraints de manger halal, son premier ministre François Fillon ayant même affirmé que les Juifs et les Musulmans devraient renoncer à leurs lois alimentaires et embrasser la modernité.
Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur qui a pris le contrôle personnel de l’enquête, a été le plus constant des xénophobes, le champion de "la supériorité de la civilisation chrétienne européenne" aux "cultures inférieures" qui forcent leurs femmes à se couvrir - oui, les Juifs et les Musulmans pratiquants, voulait-il dire. Le summum est venu la semaine dernière, lorsque le nouveau responsable de l’immigration de Nicolas Sarkozy Arno Klarsfeld - ironiquement le fils aîné du "chasseur de nazis" Serge Klarsfeld - a appelé à construire un mur entre la Grèce et la Turquie pour sauver l’Europe des envahisseurs barbares.
Aujourd’hui à Toulouse nous a été donnée une illustration horrible du point où un tel cynisme délirant peut nous entraîner. Tous ceux qui ont été flingués ou tués dans et autour de la ville au cours des huit derniers jours ont une chose en commun. Ils sont issus de "minorités visibles". Ils avaient des noms ou des visages qui les balisent comme n’étant pas descendus, comme Jean-Marie Le Pen le dirait, de "nos ancêtres les Gaulois". Leurs origines – tout aussi bien juives que musulmanes - étaient au Maghreb ou dans les Caraïbes. Ils étaient, en somme, un instantané de "la France métissée" - les métis, immigrant en France qui travaillent dur et "se lèvent tôt" pour vider les poubelles et s’occuper de leurs enfants ; les personnes qui meurent de manière disproportionnée pour la France mais qui sont également le plus souvent enfermés dans ses prisons et ses banlieues délabrées.
Comme un père l’a dit ce matin, alors qu’il étreignait son fils, en le sortant de l’école, "Ils nous attaquent parce que nous sommes différents."
Les policiers sont encore loin sinon de le capturer, tout au moins de comprendre, ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui peut attraper une petite fille par les cheveux afin de ne pas gaspiller une seconde balle pour l’atteindre. Mais certaines choses sont déjà évidentes. Il n’a pas crié de slogans djihadistes ou antisémite, vaquant froidement à ses affaires macabre, de façon militaire curieusement semblable à Anders Behring Breivik, le tireur norvégien qui a massacré 77 personnes dans un camp d’été de Démocrates sociaux l’été dernier.
Comme pour Breivik, les politiciens seront prompts à arriver à la thèse du fou solitaire. Un autre fou solitaire influencé par rien d’autre que son propre esprit distordu, comme le gang solitaire de néo-nazis qui ont discrètement tué des Turcs et des Grecs en Allemagne depuis des années sans être dérangés par la police, qui préférait mettre les meurtres sur le compte de querelles ou de crimes d’honneur.
Quel pourrait être le lien, demandent-ils, entre des enfants juifs et des militaires français ? Le lien est qu’ils sont perçus tous deux - et pas seulement par une frange d’extrême-droite – comme des symboles de tout ce qui a saboté "la France forte", pour emprunter le slogan électoral de Nicolas Sarkozy. Des écoles confessionnelles, qu’elles soient juives ou des madrasas informelles du week-end, sont perçues comme sapant activement la "République laïque" par des groupes d’activistes comme le Bloc Identitaire et le Front national, ainsi que certains membres de l’UMP de Nicolas Sarkozy, et même certains à gauche.
Un homme noir ou un Musulman, en particulier d’origine algérienne, dans un uniforme de parachutiste touche un nerf sensible chez la vieille garde de l’extrême droite. Ce sont des parachutistes qui ont fait la majeure partie de la sale besogne pour tenter de garder l’Algérie française, et qui ont également tenté d’évincer le Général de Gaulle quand il s’est opposé à eux.
Aujourd’hui, c’est le 50e anniversaire de la fin de cette guerre qui a laissé plus d’un million de morts et deux pays tordus et contorsionnés par sa douleur de manière à peu près égale et opposée.
Pas même Sarkozy, qui a le plus à perdre politiquement consécutivement à ces meurtres, n’essaie de cacher le lien entre la race et la religion. Tout comme il a fait écho au vieux slogan du Front national "Aimez la France ou quittez-la", puis a nié l’avoir jamais dit, il a appelé hier le peuple français à se dresser "contre la haine", après avoir passé les derniers mois à l’attiser de manière maniaque. Nous verrons dans les 34 prochains jours s’il sera balayé par la tempête qu’il a contribué à initier.
Source : Toulouse shootings : race, religion and murder
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