Wikileaks a fait hier quelque-chose d’incroyable : un
câble classifié par le Département d’Etat et qui concerne en partie mon film "Sicko" a été publié. C’est une vision impressionnante de la façon orwellienne selon laquelle les bureaucrates de l’Etat répandent leurs mensonges et tentent de recréer la réalité (je suppose que c’est pour complaire à leurs chefs et leur dire ce qu’ils ont envie d’entendre).
La date est du 30 Janvier 2008. Seulement quelques jours après que ’Sicko’ ait été "nominé" pour l’Oscar du meilleur documentaire. Cela a du rendre fou quelqu’un du Département de l’Etat de Bush (son département du Trésor, qui m’a aussitôt signifié qu’ils étaient en train de chercher quelles lois auraient pu être enfreintes pour emmener trois des premiers sauveteurs du 11 Septembre à Cuba, pour qu’ils y reçoivent des soins qui leur auraient été refusés aux Etats-Unis)
L’ex-directeur d’assurances de santé Wendell Potter a révélé récemment que l’industrie de l’assurance - qui avait engagé des millions pour s’opposer à moi et, si nécessaire, «
précipiter Michael Moore dans un ravin » - avait commencé à travailler avec les anticastristes cubains de Miami afin qu’ils calomnient mon film.
C’est ainsi que le 31 Janvier 2008, un fonctionnaire du Département d’Etat à La Havane a pris une histoire inventée et l’a envoyée en retour à son siège à Washington. Voici ce qu’ils suggéraient :
XXXXXXXXXXXX a déclaré que les autorités cubaines ont interdit le documentaire de Michael Moore ’Sicko’ pour son caractère subversif. Bien que l’intention du film soit de discréditer le système de santé des Etats-Unis, mettant en relief l’excellence du système cubain, il dit que le régime sait que le film est mythique et qu’il ne souhaite pas prendre le risque d’une réaction populaire devant des installations cubaines dont la grande majorité d’entre les cubains ne dispose assurément pas.
Ca paraît convaincant, non ? Seulement, il y a un problème : tout le peuple de Cuba a vu le film à la télévision le 25 Avril 2008 ! Le film a tellement plu aux Cubains qu’il a été un des rares films d’Amérique du Nord à être distribué dans les cinémas de Cuba.
Personnellement, je me suis chargé de faire parvenir une copie de 35mm à l’Institut du cinéma de La Havane. ’Sicko’ a été projeté dans les villes de tout le pays, et à La Havane, ’Sicko’ a été projeté au fameux cinéma Yara.
Mais le cable secret dit qu’il a été interdit aux Cubains de voir mon film. Hmmm.
Nous savons aussi par d’autres cables secrets des USA que "la désillusion (des masses Cubaines) s’est étendue à toutes les provinces" et que "toute la province orientale bout de haine" contre le régime de Castro. Il existe une grande révolte souterraine active, et "les travailleurs donnent facilement tout l’appui nécessaire" à tous ceux qui sont engagés dans une "sabotage en douce" du gouvernement. Le moral est en berne dans toutes les strates de l’armées, et en cas de guerre l’armée "ne combattra pas".
Enorme - ce cable est très chaud !
Evidemment, ce cable secret des USA est du
31 mars 1961, trois semaines avant que Cuba ne botte quelques postérieurs dans la Baie des Cochons.
Le gouvernement des USA a transmis à lui-même ces documents "secrets" durant ces cinquante dernières années, expliquant minutieusement et en détails à quel point la situation à Cuba est terrible et comment les Cubains souffrent en silence pour que nous puissions revenir et prendre le pouvoir. Je ne sais pas pourquoi nous avons écrit ces cables, je suppose qu’ils nous ont seulement fait nous sentir mieux avec nous-mêmes. (Toute personne curieuse peut trouver
un musée entier des vœux exaucés des USA sur le site des Archives de la Sécurité Nationale).
Alors, que faire d’un cable "secret" quasiment faux, particulièrement quand il fait allusion à vous et au film ? Bon, vous attendez qu’un journal responsable enquête et qu’il hurle aux quatre vents ses découvertes. Mais Wikileaks a fait connaître hier le cable de ’Sicko’ à Cuba aux médias … et qu’en ont-ils fait ? Ils l’ont fait circuler comme si c’était la verité !
Wikileaks : Cuba interdit ’Sicko’ pour décrire un système de santé "mythique".
Les autorités craignent que les images des hopîtaux reluisants du film de Michael Moore, nominé à un Oscar, ne provoquent une réaction populaire.
Pas l’ombre d’une enquête approfondie pour savoir si Cuba avait réellement interdit le film !
Tout le contraire, en fait. En se faisant l’écho d’un mensonge la presse de droite commençait à voir s’ouvrir un boulevard pour ses manoeuvres, (...). Elle a écrit à ce sujet sans réserves, y compris, malheureusement,
BoingBoing et mes amis de
The Nation. De cette façon, nous avons ici Wikileaks, qui a été mis en ligne pour trouver et rendre ces cables libres - et les journalistes traditionnels, une fois de plus trop paresseux pour lever un doigt, pointer et faire un clic avec la souris pour acceder à Nexis ou chercher avec Google pour voir si réellement Cuba a "interdit le film". Si un seul reporter l’avait fait, voici ce qu’il aurait trouvé :
16 de junio del 2007 Sábado 1:41 GMT [c’est-à-dire 7 mois avant le cable "faux"]
TITRE : Le Ministre de la Santé Cubain dit que le film de Michael Moore ’Sicko’ montre les "valeurs humaines" d’un système communiste.
TEXTE : Par ANDREA RODRIGUEZ, auteur à Associated Press
La Havane
Le Ministre de la Santé de Cuba, José Ramón Balaguer, a dit ce vendredi que le documentaire du cinéaste Américain Michael Moore ’Sicko’ met en relief les valeurs humaines du gouvernement communiste de l’île... "Il ne peut y avoir aucun doute, ce documentaire émanant d’un personnalité comme celle de Michael Moore aide à promouvoir les principes profondément humains de l société cubaine."
’Sicko’ inauguré à Cuba le 25.04.08.
Le documentaire ’Sicko’, du cinéaste Américain Michael Moore, qui traite de l’état déplorable du système de santé aux Etats Unis sera inauguré aujourd’hui à 5 heures 50 à la Mesa Redonda de Cubavisión et sur le Canal Educatif.
OK, on sait que les medias sont paresseux et que la plupart ne servent à rien.
Mais le plus gros problème ici c’est comment notre gouvernement paraît être complice de l’industrie des assurances de santé pour détruire un film qui pourrait faire aller vers ce que les Cubains ont déjà dans un pays du tiers-monde ravagé par la pauvreté : la santé gratuite pour tous. Et parce qu’ils l’ont et nous pas, Cuba a un taux de
mortalité infantile meilleur que le nôtre, l’espérance de vie y est
seulement de 7 mois en dessous de la nôtre, et, selon l’OMS, ils sont seulement
deux places derrière le pays le plus riche du monde en termes de qualité des soins médicaux.
Voilà l’histoire, afin qu’elle soit connue des principaux médias et des ennemis de la droite.
Maintenant que les faits ont été présentés, que va-t-on en faire ? Va-t-on attaquer parce que mon film a été diffusé par la télévision d’état cubaine ? Ou bien parce-qu’il n’a pas été diffusé par la télévision d’état cubaine ? Il faut choisir, cela ne peut être les deux en même temps.
Maintenant que les faits démontrent que le film a été diffusé par la télévision d’état et dans les cinémas, je crois que le mieux est de m’attaquer pour avoir projeté mon film à Cuba.
Vive Wikileaks
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