Un article du New York Times, du 14 novembre, nous informe sur la mort du commandant militaire du Hamas, Ahmed Jabari, tué par une des récentes frappes « chirurgicales » (« chirurgicale », selon l’article). Bien entendu, l’article prend soin de ne pas mentionner les autres – dont des enfants – tués lors de la frappe. Une phrase dans l’article reflète la logique du gouvernement israélien en la matière : « la férocité des frappes aériennes, en réponse à ce qu’Israël appelle des attaques répétées par roquettes par des militants palestiniens basés à Gaza... »
L’article se poursuit en renforçant cette logique lorsqu’il aborde le fragile cessez-le-feu entre le Hamas, au pouvoir à Gaza, et Israël :
« Depuis (2008-2009), le Hamas pour une grande partie respecté le cessez-le-feu informel, sinon vacillant, et a parfois tenté de le faire respecter par des groupes militants plus petits. Mais au cours des derniers mois, sous la pression d’une partie de la population de Gaza qui voulait venger les frappes meurtrières aériennes israéliennes, le Hamas a revendiqué des tirs de roquettes. »
Alors se pose la question : qui a commencé ? Lorsqu’on lit le texte ci-dessus, on a l’impression que le « commencement » de « tout ça » est un phénomène récent et que la réponse se trouve dans les événements récents de la semaine écoulée. La logique défendue par le gouvernement israélien et le « journal de référence » US est défendu aussi par – et je m’excuse par avance à l’absence de toute surprise ici – le gouvernement des Etats-Unis.
A la fin de son mandat, George W. Bush a justifié l’opération Plomb Endurci – le massacre par Israël d’environ 1400 Palestiniens – en disant que c’est le Hamas qui avait commencé en violant le cessez-le-feu avec des tirs de roquette.
D’abord, c’est faux. Israël a violé le cessez-le-feu le 4 novembre 2008, lorsqu’il a envahi la bande de Gaza et tué six membres du Hamas. Le raid fut mentionné à l’époque par le quotidien The Guardian. L’incident ne fut pas vraiment mentionné dans la grande presse US, ce qui est révélateur de l’attitude de la presse dominante US envers Israël et Gaza.
Les défenseurs d’Israël vantent souvent comment Israël s’est « retiré » de Gaza, comme si la transformation de Gaza d’un territoire formellement occupé en une prison à ciel ouvert constituait un geste de paix de la part d’Israël. Mais Israël viole le territoire de Gaza comme il l’entend et s’offusque lorsqu’il rencontre une résistance. Ceci n’a rien d’exceptionnel. Le parrain d’Israël, les Etats-Unis, pense aussi que tout lui appartient et qu’il peut faire ce qu’il veut où il veut. Pensez à ce vaste réseaux de drones, toujours occupé à assassiner des civils au Pakistan, au Yémen ou ailleurs.
Techniquement, le Hamas et d’autres factions palestiniennes à Gaza avaient offert une trêve à Israël, pas plus tard que le 12 novembre. Mais posons une question plus profonde : qui a commencé ?
La réponse est facile, mais la question doit être posée avec plus de précision : qui a commencé le colonialisme d’implantation meurtrier ? (« colonialisme d’implantation meurtrier » est un pléonasme, mais j’emploierai cette expression pour bien me faire comprendre).
C’est Israël, bien sûr. La question du colonialisme d’implantation est importante. Ca clarifie les choses. Après tout, le colonialisme d’implantation est un processus. En Palestine, c’est un processus en cours. Et chose plus importante encore à souligner, c’est un processus qui est toujours violent.
Au cœur du projet colonialiste d’implantation se trouve le plan de séparer les membres du peuple visé, de couper les individus de leurs communautés. Pour y parvenir, le présent de la population visée doit devenir son passé et son passé doit être effacé. Ce qui s’obtient par le vol et la destruction.
La destruction est un art qu’Israël a particulièrement bien apprise de son parrain, les Etats-Unis. Une des tâches entreprises par les colonisateurs US fut l’extermination massive des bisons (et, chose méconnue par la majorité, se poursuit encore de nos jours), et la modification radicale de la terre que les Amérindiens connaissaient si bien. De la même manière, Israël a depuis des années entrepris l’extermination en masse des oliviers, modifiant radicalement la terre que les Palestiniens connaissaient si bien.
Oui, les Etats-Unis et Israël partagent des valeurs. Ils partagent aussi des tactiques. Leur relation privilégiée est forgée dans une iconographie commune : l’image de la mort, illustrée par les innombrables cadavres de buffalos et d’oliviers, sans parler des innombrables cadavres de gens.
Le blocus contre Gaza est une des formes d’expression de la violence du colonialisme d’implantation. Aux Etats-Unis, ceci n’est généralement pas considéré comme une forme de violence. Après tout, les partisans de sanctions US contre l’Iran considèrent le plus souvent que les sanctions sont des alternatives à la violence.
En réalité, les sanctions sont d’une violence inouïe. Les 500.000 enfants irakiens assassinés par les sanctions de Bill Clinton dans les années 90 témoignent que ceux qui cherchent à « briser » des économies cherchent à affamer des enfants.
Il en va de même à Gaza. Un rapport de l’ONU a déclaré que l’endroit sera « invivable » d’ici 2020 si les conditions actuelles persistent. Dans ces conditions, des roquettes répétitives et féroces – fabriquées avec le peu de matériel disponible – constituent des actes de résistance, des déclarations de lutte, des promesses que la violence d’Israël ne sera pas acceptée à Gaza, malgré la puissance militaire des forces ligués contre lui.
En résumé, ceux qui voient la violence en Palestine et se sentent dans l’obligation de hurler aux Palestiniens qu’ils doivent reconnaître le droit à l’existence d’Israël sont soit incapables, soit refusent, de reconnaître un colonialisme d’implantation meurtrier.
Et cette autre question : Israël a-t-il le droit d’exister ?
Typiquement, il n’est jamais bon de répondre à une question par une autre, mais parce que cette question-ci est un piège, je n’aurai pas d’état d’âme. Alors voilà : Est-ce que « Israël » peut être dissocié du colonialisme d’implantation meurtrier auquel il se livre depuis sa fondation ?
Admettons que la réponse soit non. Je veux dire par là que le droit au retour des Palestiniens leur soit toujours refusé et que le système raciste israélien construit sur une paranoïa démographique persiste dans sa violence. Dans ce cas, la réponse à la question de savoir si Israël a le droit d’exister est aussi facile que la réponse à la question de savoir si un colonialisme d’implantation meurtrier a le droit d’exister.
La réponse est non.
Non.
En aucun cas.
Patrick Higgins
http://www.counterpunch.org/2012/11/15/bloodbath-in-gaza/
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