vendredi 11 octobre 2013
Oui madame les merdias de France 2 se sont servis de vous , de votre détresse de votre dignité , de votre courage pour faire de l'audimat et se moquer de vous au passage , mais vous dit franchement la vie de tous les jours de gens qui" tire la ficelle " oui mais voilà eux c'est leur business qu'ils font fructifier et tant pis s'i ils alimentent l'extrême droite ,MERCI madame Maurer
Capture d'écran de l'émission "Des paroles et des actes" du 10 octobre 2013.
La chômeuse rigolote en vedette, ce fut le grand moment de l'émission des "Paroles et des actes" sur France 2, avec pour invité Jean-François Copé. Tragique et terrible moment, illustration de tous les maux de la télévision.
"Des Paroles et des actes" a une apparence : un quarteron de journalistes jouant au fact checking, confrontant la parole des politiques à leurs actes. Elle a une réalité, un présentateur et un directeur de l'information, partisans de la société du spectacle, ambitieux d'audience et fanatiques de la part de marché.
Dans la dernière production de l'émission, consacrée à Jean-François Copé, David Pujadas et ses camarades de France 2 ont eu l'idée de confronter les propositions du président de l'UMP en matière d'indemnisation du chômage et allocations sociales à la réalité de la vie d'une chômeuse, invitée en tant que témoin du réel.
A priori, pourquoi pas se dit-on. Sauf que, comme souvent dans les émissions de Pujadas, la bonne intention dissimule toujours une manipulation.
Quand Isabelle Maurer apparait sur l'écran, le téléspectateur note immédiatement qu'elle n'est pas sur le plateau de France 2, au milieu de la noblesse politico-médiatique. Elle est assise sur un canapé bas de gamme, à côté d'une lampe bon marché qui diffuse une lumière blafarde.
On commence par se dire qu'elle est chez elle, qu'il s'agit d'un duplex, mais non, elle vend la mèche, "je ne suis pas venue de Mulhouse pour juste vous souhaiter le bonsoir", ce qui veut dire qu'elle est dans une loge, quelque part à proximité du plateau de l'émission, en duplex.
Pourquoi n'est-elle pas face à Copé, comme Saint-Cricq, Lenglet et les autres ? Pourquoi celle qui est censée incarner la vraie France, les vraies gens, n'a-t-elle pas accès à ce lieu sacré ? Pourquoi cette représentation d'une coupure entre ceux qui ont le droit d'être entre eux et cette Française "représentative" ?
L'irruption soudaine du réel
Et elle crève l'écran Isabelle Maurer. Elle parle, parle, parle... Elle sait qu'elle n'a que peu de temps, qu'il faut faire vite. Elle connait la mécanique de la télévision, comme tous les téléspectateurs de l'époque. Elle ne s'arrête pas, elle sait que marquer une pause, c'est s'exposer à être interrompu. De sa faiblesse, ne pas être sur le plateau, elle fait une force, car il est plus difficile pour un présentateur de couper un invité en duplex que présent sur le plateau.
Alors elle parle, puis elle crie, puis elle hurle... Elle lance à la face de Copé, qui veut lui réduire ses allocations chômage, qui lui dit que ne travaillant pas elle est une assistée, elle lui jette à la face sa vérité, celle d'une femme qui vit avec 471 euros par mois, celle des classes populaires de ce début de XXIe siècle, entre "L’Assommoir" de Zola et "Les Démons de Jésus" de Bonvoisin...
Copé, d'instinct, sait qu'il ne faut rien faire et rien dire. Il sait que plus vite la séquence se terminera, plus vite il en finira avec cette irruption du réel dans l'émission. Car sur ce réel, il ne peut avoir de prise, lui, le politique. Parce que le politique est général et qu'il ne s'adresse jamais au particulier. Le témoignage en direct auquel il est confronté n'est pas anonyme, comme celui servi à Christiane Taubira il y a quelques semaines, mais la mécanique du piège est identique.
Donc Copé attend, laisse la bête de télévision dévorer l'écran. Il sait que tout cela ne durera que quelques minutes, et que l'on aura tout oublié après. Que le conducteur de l'émission reprendra ses droits. Pour la forme, il fait mine de vouloir répondre à la dame, mais voyant qu'il est débordé, il adopte la posture du type qui trouve cela marrant.
Copé a beau ne pas être aimé, il sait que la télévision est le média de l'émotion et que compte tenu de son impopularité, il ne peut pas se payer le luxe de se confronter de manière conflictuelle à l'émotion qu'engendre nécessairement Isabelle Maurer chez les téléspectateurs. Attendre donc. Attendre la fin du moment de télé.
Le chômage comme objet de divertissement
Et c'est là que le piège se retourne contre Isabelle Maurer. Elle crève tellement l'écran, avec sa manière de s'exprimer, sublime femme du peuple en colère s’efforçant à la dignité, empêchant Jean-François Copé, qui n'a plus ouvert lui-même la portière d'une automobile depuis quinze ans, de lui répondre, que le moment finit par en devenir comique.
Copé sourit. Pujadas sourit. Lenglet sourit. Le public du plateau sourit. Comme elle est drôle Isabelle, la chômeuse en colère ! "Vas-y Zaza, rentre lui dedans au Copé ! T'as cinq minutes encore !"
C'est le moment où tout se renverse, où la dramaturgie bascule. Parce que la séquence tourne au comique de situation, parce que tout le monde en sourit, on perd le sens de la présence d'Isabelle Maurer.
Et l'on découvre alors le pot-aux-roses, la perversité des responsables de l'émission : si elle est là, sur l'écran, c'est bien parce qu'elle a été castée, repérée, identifiée. Sa faconde, l'émotion qu'elle dégage ont été nécessairement décelées par les journalistes de "DPDA". Elle est marrante, c'est une bonne cliente. Elle a un accent alsacien pittoresque. Elle va nous mettre le feu au plateau. Elle va nous faire marrer. Elle est tellement poilante. Ça va être un grand moment de télé.
Pour Pujadas, le chômage est un objet de divertissement, et Isabelle Maurer en est le vecteur idéal.
Et c'est ainsi que les choses se passent. On lui a dit qu'elle pourrait se faire entendre. Que ce serait une occasion exceptionnelle de dire ce qu'elle a sur le cœur, ce qu'elle vit dans sa chair. Mais c'est un marché de dupes. Isabelle est là pour nous faire poiler. C'est la séquence comique de l'émission. Sa détresse est un prétexte. On n'est pas là pour compatir, mais pour rire. Comme elle est rigolote la chômeuse avec son fils ouvrier chez Peugeot qui dit que la retraite à 63 ans quand on a fait ce boulot, c'est dégueulasse. Comme elle est cocasse. On s'est pas planté dans le casting.
En vérité, la télé, France 2, Pujadas et les autres se foutent de sa gueule à Isabelle Maurer.
L'élite rit de la misère du petit peuple
Ce n'est pas un être humain à qui l'on donne la parole, c'est une bête de scène que l'on produit, une Jackie Sardou de province destinée à occuper le temps de cerveau disponible du téléspectateur.
Et l'on comprend alors ce que signifie le dispositif technique retenu. Si Isabelle Maurer n'est pas sur le plateau, avec Pujadas, Copé et les autres, c'est parce qu'elle n'est pas du même monde. La coupure entre le haut et le bas, le sommet et la base, l'élite et le peuple, la distance qui sépare deux mondes, deux France, apparaît dans sa vérité brutale.
La séparation d'Isabelle du reste du plateau signifie qu'elle ne peut avoir sa place dans cet univers là. Elle n'est pas dans le code, dans les usages. Elle n'est pas de chez eux. Qu'elle fasse marrer, oui, mais dans un studio, à coté du grand studio.
Donc, à la fin, quand Isabelle Maurer tire la langue comme pour signifier que l'épreuve l'a éreintée, elle qui n'aura accès à la télé, durant toute son existence, que pour ce quart d'heure warholien, tout le monde rit. Copé rit. Pujadas rit. Lenglet rit. Le public rit. L'élite rit de la misère du petit peuple, voilà ce que dit l'image qui clôt la séquence "chômeuse rigolote en colère", sa misère réduite à un moment comique dans une émission de télévision.
Isabelle Maurer ne s'en rend pas compte, mais Pujadas lui a volé son malheur, souillé sa dignité, réduit sa vie à n'être qu'un objet de potacherie pour étudiants prolongés en charge d'une émission de service public. C'est d'une cruauté insigne.
Et devant la télévision, face à ces rires, devant cette expression de la pire des dominations de classe, on se sent triste, tellement triste. On lit les tweets, en temps réel des confrères journalistes ou des autres "twittos" qui, peu au fait du langage binaire de la télévision, ne voient que la bête de scène qui a crevé l'écran mais qui ne comprennent pas que le sous-texte de la séquence est ravageur.
Et puis, passé cet éphémère abattement, on tire les conclusions de ce que l'on vient de voir. Cette coupure entre France d'en haut et France d'en bas... Cette misère, cette détresse que l'on entend pas, que l'on néglige, que l'on traite en objet de dérision pour la télévision...
Une séquence tragique
On pense à Isabelle Maurer, livrée en pâture pour l'audimat, et qui dans les jours qui viennent sera interpellée dans la rue par des gens qui lui diront sans doute "Vous nous avez fait marrer !" "Vous avez été formidable !" et qui se rendra compte, in fine, même si elle niera, ce qui est compréhensible, que le message qu'elle voulait transmettre a été effacé par la manipulation qui a été faite de son personnage.
On pense à ceux que France 2 n'aurait jamais castés et propulsés en direct dans l'émission. Isabelle Maurer, provinciale et blanche, sentant bon le terroir et la France de souche avec son accent alsacien, avait sans doute plus de chances de se retrouver là, indirectement confrontée à Copé, que bien des jeunes issus de l'immigration, tout aussi citoyens français qu'elle. Mais ceux là, jamais ils ne seront conviés sur un plateau de télévision. Et chacun sait pourquoi. Dans son malheur, Isabelle Maurer a de la chance. C'est une chômeuse qui ne fait pas peur. Elle ne "clive" pas, elle est "fédératrice" comme on dit à la télévision.
On pense à cette France populaire qui se sent abandonnée, si ce n'est rejetée. Cette France qui, comme Isabelle Maurer, voudrait travailler mais ne peut pas. Cette France que l'on cantonne sur un bout de canapé usé, dans une loge de boîte de production transformée en studio d'occasion, loin du plateau, noble majestueux, réservé à l'élite politique et médiatique nationale.
On pense à ces électeurs en colère, à ces électeurs qui sont aussi des téléspectateurs et qui, comme vous, comme moi, comme nous, savent lire le dispositif d'une émission de télévision, le décrypter, et l'on se dit : combien de voix encore cette séquence tragique a-t-elle apportées au Front national ? Combien de voix pour Marine Le Pen ?
C'est là qu'est la faute, le crime de Pujadas et de ses complices : ne faire de la télévision que pour faire de la télévision. Au moins ont-ils pour circonstance atténuante de ne même plus se cacher, de ne pas dissimuler le cynisme de leurs méthodes, leur fracture avec la cause du peuple, leur rupture avec l'idée même de service public. Ainsi Nathalie Saint-Cricq, interpellée par Copé au sujet de la mise en scène, très "Star Trek", déployée par la chaîne pour lui présenter les mauvais sondages le concernant et lui répondant, mi-ironique, mi-arrogante : "Ben oui, c'est de la télé".
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