Athènes, envoyé spécial. La dette grecque, celle-là même qui a servi à la spéculation et qui a été utilisée comme argument pour appliquer une austérité sans précédent, est au cœur des discussions, à Athènes. Le memorandum, signé le 5 mai2010 par le gouvernement de George Papandreou avec la troïka (Banque centrale européenne, Commission, FMI) a été approuvé le 7 mai… alors que peu de députés étaient dans l’assemblée.
Aujourd’hui, un nouveau front est ouvert pour dénoncer ce pacte : attaquer sa constitutionnalité. Une anecdote mérite, d’ailleurs, l’attention. Le mercredi 25 mai 2011, à 18h30, George Papaconstantinou, ministre grec des Finances intervenait à la Maison de l’Europe lors d’une conférence organisée en partenariat avec l’IRIS sur le thème : « crise économique grecque : les bases d’un nouvel élan ». Il y a défendu, sans désarmer, la politique d’austérité en Grèce, bien qu’au même moment, sous les fenêtres de son ministère, les Indignés se rassemblaient massivement. En fin de conférence, à la question sur l’annulation de la dette, il ne répondit que « ce serait une mauvaise chose », sans plus d’argument. A celle sur le vote du mémorandum, il se tut. Et quand il entendit : « pensez-vous que le memorandum soit constitutionnel ? », il dit juste : « Pensez-vous que la crise soit constitutionnelle », et partit…
Explications par Notis Marias, Professeur à l’Institut européen de l’Université de Crête.
Pourquoi estimez-vous que le memorandum n’est pas constitutionnel ?
Notis Marias. D’après l’article 28.2 de la Constitution grecque, quand, suite à un accord international, des compétences souveraines de l’Etat sont transférées à des organismes internationaux, cet accord doit être ratifié par le Parlement à la majorité de 180 députés. Or, le memorandum transfert des compétences à la troïka. Il aurait donc dû être appliqué par 180 députés. Il n’y en eut que 172, il est donc anticonstitutionnel.
Pensez-vous pouvoir mener cette bataille à son terme ?
N.M. : Nous avons bon espoir de voir notre combat couronné de victoires suite au recours déposé devant le Conseil d’Etat. En effet, ce recours est fondé sur de nombreuses questions. Il est possible que nous gagnions sur le principe. Dans ce cas, tout le memorandum serait annulé. Nous pouvons aussi gagner sur certains points. Alors, seules certaines de ses parties seraient annulées. Aujourd’hui, le gouvernement refuse de répondre aux questions juridiques posées.
- Le premier problème est le contrat de prêt : il n’a pas été ratifié par le Parlement. Il n’existe donc pas juridiquement. En outre, la convention n’a été signée que par le ministre de l’économie, qui n’avait pas l’autorisation de signer, le 8 mai. Il n’a obtenu cette autorisation que le 11. Par conséquent, il n’est pas valable. C’est pourquoi le gouvernement fait tout, aujourd’hui, pour obtenir un consensus entre les partis. Il veut trouver 180 voix pour ratifier ce contrat, en ajoutant d’ailleurs les termes du nouveau prêt. Il souhaite faire ratifier directement un « super-memorandum ».
- Le deuxième problème est le memorandum en lui-même, la façon dont il a été approuvé.
- Le troisième est l’immixtion de l’UE et du FMI dans les affaires intérieures de la Grèce. L’UE et le Commissaire Oli Rehn, en charge des affaires économiques et monétaires, sont illégaux. Selon le traité de l’UE, la Commission européenne n’a pas le droit de demander à des partis politiques de l’opposition de souscrire aux politiques menées. Or, il intervient dans chaque parti pour demander le respect du memorandum ; la Commission est obligée à la neutralité politique. Oli Rehn est le représentant des prêteurs et non de l’UE!
Que proposez-vous concernant la dette grecque ?
N.M. : Rappelons que Juncker, comme il l’a reconnu, savait que la dette grecque était énorme. En tant que responsable de l’organisme de contrôle, il devait prendre des mesures contre la Grèce selon le Traité de Maastricht. Mais il ne l’a pas fait – ni lui, ni Trichet, ni la Commission – car les Français et les Allemands exportaient vers la Grèce. Ces exportations étaient payées par des prêts. En 2004, la dette grecque s’élevait à 136 milliards d’euros. En 2011, elle est de 340 milliards ! les prêts souscrits ne servent qu’à payer cette dette. Sur le principe de la dette odieuse, je demande l’annulation de 200 milliards. Et cette dette comprend aussi les affaires Siemes, les sous-marins… Nous réclamons aussi 162 milliards d’euros sans intérêt de la part de l’Allemagne, suite à la 2ème Guerre Mondiale et au prêt pour occupation.
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