vendredi 12 octobre 2012
Les Etats-Unis reconnus complices de crimes contre l’humanité, les Nations Unies paralysées
Roger Waters et Angela Davis
au Tribunal Russell
C’est une sentence cinglante qui a été infligée aux Etats-Unis d’Amérique et aux Nations Unies par le Tribunal Russell sur la Palestine, à New York.
Il ne s’agit pas d’un slogan extrême-gauchiste, mais bien d’une analyse fouillée de la manière dont les Etats-Unis, en paralysant les Nations Unies, assurent une sorte d’impunité à l’Etat d’Israël, pourtant reconnu maintes fois coupable de crimes contre l’humanité sur le peuple palestinien, par diverses instances des Nations Unieselles-mêmes.
Le Tribunal Russell sur la Palestine est un tribunal d’opinion, sur le modèle de celui institué par Bertrand Russell lui-même avec Jean-Paul Sartreà propos de la guerre du Vietnam. Il est composé de citoyens du monde connus pour leur engagement moral pour les droits humains et pour la justice et la paix (1). La quatrième session du TRP s’est tenue à New York les 6 et 7 octobre 2012.
L’impunité dont bénéficie Israël, cette « politique des deux poids deux mesures » qui révolte nombre d’Etats et de citoyens dans le monde entier, discrédite le système entier des Nations Unies, censé assurer la paix et la justice mondiale.
Une aide militaire colossale
Cette complicité n’étonne évidemment pas de la part des Etats-Unis, protecteurs de l’Etat d’Israël (en violation de ses propres lois) et surtout de l’industrie de l’armement qui transforme ce petit Etat en monstre surarmé et en puissance nucléaire au service des intérêts stratégiques américains au Proche-Orient. Les routes du pétrole sont proches. Et puis, il fallait au début contenir l’influence soviétique notamment dans l’Egypte de Nasser et ensuite la montée d’un islamisme contestant les dictatures arabes mises en place par les grandes puissances. Dictatures corrompues qui ont laissé dans la plus grande pauvreté des masses populaires ne trouvant plus que dans les structures religieuses l’aide nécessaire à leur survie. Le célèbre activiste américainNoam Chomsky a présenté au tribunal sa lecture incisive de l’histoire des relations israélo-américaines.
Une politique du nettoyage ethnique
Israël n’est pas le modèle démocratique que sa propagande veut laisser croire. C’est ce qu’a démontré devant le TRP l’historien israélien Ilan Pappé analysant l’impact du sionisme sur la société israélienne et qui a institué le judaïsme comme nationalisme ainsi qu’une mythologie présentant le Palestinien comme un agent étranger occupant une terre qui était celle des Juifsdans l’antiquité. Le Palestinien est présenté comme une menace démographique à supprimer par le nettoyage ethnique, comme un éternel responsable de ce qui lui arrive : il n’avait qu’à accepterde se laisser déposséder de ses terres, de sa culture ainsi que le prévoyaient les Nations Uniesen créant l’Etat d’Israël. Le problème est que le nettoyage ethnique avait commencé avant la résolution des Nations Unies fixant les territoires respectifs des uns et des autres ! Et ce nettoyage ethnique, reconnu pourtant comme crime contre l’humanité, se poursuit depuis plus de 60 ans dans le silence assourdissant de la communauté internationale, paralysée par les vétos successifs des Etats-Unis aux Nations Unies.
La paralysie des Nations Unies
C’est bien cela qui était au cœur des travaux du Tribunal Russell sur la Palestine. Les analyses juridiques très fouillées, les témoignages les plus poignants ont mené à cette tragique conclusion : la colossale aide économique et militaire des Etats-Unis à Israël lui permet de poursuivre sa politique d’occupation des terres palestiniennes, d’oppression, de discrimination, d’emprisonnement, de mort lente du peuple palestinien. La Cour Internationale de Justice a détaillé tout cela dans son avis sur le Mur, datant de 2004. Et cela n’a pas été suivi d’effet par lesNations Unies, à savoir par les gouvernements des Etats membres. La moindre tentative de s’opposer à ces crimes contre l’humanité est bloquée par un véto étatsunien. De plus, ce pays menace les gouvernements et les agences des Nations Unies qui oseraient s’opposer à lui de restrictions d’aides et de budget. Cependant, les Nations Unies sont tenues d’assurer l’aide humanitaire, indispensable à la survie de millions de Palestiniens, réfugiés dans leurs «bantoustans » dont le plus grand est la Bande de Gaza, véritable prison à ciel ouvert. Elles paient ainsi le prix de l’occupation et de la colonisation illégale des terres palestiniennes sans mesures de rétorsion contre l’occupant. Cela fut aussi dénoncé au tribunal par un ancien commissaire desNations Unies, Peter Hansen et par des juristes spécialisés dans le droit humanitaire et celui des réfugiés.
La révolte des citoyens du monde
Conclusion du Tribunal Russell sur la Palestine: devant cette paralysie des instances internationales, une mobilisation plus importante encore de l’opinion publique, des médias, des réseaux sociaux est indispensable, la campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanction) en est un exemple remarquable.
Un autre moyen de pression consiste à porter plainte contre ces violations des droits desPalestiniens devant les juridictions pénales nationales. Plus urgent encore serait une plainte duConseil de sécurité devant la Cour Pénale Internationale ou l’acceptation par cette Cour d’une plainte du gouvernement palestinien qui a accepté sa compétence. Tout cela est juridiquement possible mais bloqué politiquement.
Le TRP souligne donc qu’il faut impérativement réformer le fonctionnement du Conseil de sécurité pour supprimer le système de véto, foncièrement antidémocratique car symbole de la loi du plus fort. Ou alors, il faut que l’assemblée générale des Nations Unies décide d’élargir le nombre de membres de ce conseil dans l’espoir d’une démocratisation accrue. Cela correspondrait à l’évolution actuelle des rapports de forces : l’Empire US est vacillant, des pays puissants émergents, comme la Chine, l’Inde, le Brésil à côté de la Russie. Un monde multipolaire qui succède au bipolaire du temps de la guerre froide et à l’empire US en déclin actuellement. Les Nations Unies redeviendraient alors les protecteurs des peuples, ainsi qu’il est précisé dans sa Charte fondatrice et spécialement des plus faibles. Voilà pourquoi le problème palestinien est exemplaire : il représente un défi pour la démocratie mondiale telle que voulue par de plus en plus de citoyens du monde. Le défi de la justice et de la paix.
L'auteur de l'article Gabrielle Lefèbre est journaliste
(1) Les membres du jury de la session de New York : Michael Mansfield (avocat GB), Alice Walker (écrivaine US), John Dugard (juriste sur-africain et ancien rapporteur des N.U. sur les Droits de l’Homme dans les territoires palestiniens), Stéphane Hessel (ambassadeur de France et président honoraire du TRP), Dennis Banks (défenseur des droits des « natives » américains), Roger Waters (musicien US, cofondateur du groupe Pink Floyd), Mairead Corrigan Maguire (Irlande du Nord, Prix Nobel de la Paix), Angela Davis (activiste politique US, enseignante universitaire), Miguel Angel Estrella (pianiste argentin et ambassadeur à l’Unesco), Cynthia McKinney (ancienne membre du Congrès US et membre du Parti Vert),Ronald Kasrils (écrivain sud-africain, politicien et activiste).
L’enregistrement des quatre sessions du Tribunal Russell sur la Palestine est visible sur le sitewww.russelltribunalonpalestine.com
Source : Association belgo-palestinienne.
Article sur ce site qui traite également des Nations Unies et de la Palestine :
de Mme Mireille Fanon-Mendes-France, membre du Bureau National de l’Union Juive Française pour la Paix et de la Fondation Frantz Fanon.
Une analyse rigoureuse et sans faille de la manière dont l'ONU, sitôt créée, a renié à la faveur du problème de la Palestine les principes les plus fondamentaux sur lesquels elle était fondée, et comment depuis lors elle a ainsi été sans cesse consolidée dans le rôle d'un instrument de domination, les «pays occidentaux, dont les Etats-Unis en tête, agissant avec la Palestine et son peuple, de manière radicalement incompatible avec le droit international et les normes de protection des droits humains».
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