lundi 29 novembre 2010
A l'heure de l'arrivée de l'hiver : une réflexion Simone de Beauvoir
« ...C’est là le crime de notre société. Sa
« politique de la vieillesse » est scandaleuse.
Mais plus scandaleux encore est le traitement
qu’elle infl ige à la majorité des hommes au
temps de leur jeunesse et de leur maturité. Elle
préfabrique la condition mutilée et misérable
qui est leur lot dans leur dernier âge. C’est par
sa faute que la déchéance sénile commence
prématurément, qu’elle est rapide, physiquement
douloureuse, moralement affreuse parce qu’ils
l’abordent les mains vides; des individus exploités,
aliénés, quand leur force les quittent, deviennent
totalement des « rebuts », des « déchets ».
C’est pourquoi tous les remèdes qu’on
propose pour pallier la détresse des vieillards
sont si dérisoires : aucun d’eux ne saurait
réparer la systématique destruction dont des
hommes ont été victimes pendant toute
leur existence. Même si on les soigne, on
ne leur rendra pas la santé. Si on leur
bâtit des résidences décentes, on ne leur
inventera pas la culture, les intérêts, les
responsabilités qui donneraient un sens à leur
vie. Je ne dis pas qu’il soit tout à fait vain
d’améliorer au présent, leur condition ; mais
cela n’apporte aucune solution au véritable
problème du dernier âge : Que devait être une
société pour que dans sa vieillesse un homme
demeure un homme ?
La réponse est simple : il faudrait qu’il ait toujours
été traité comme un homme... ».
Simone de BEAUVOIR
La vieillesse 2, Idées/Gallimard, 1970
« politique de la vieillesse » est scandaleuse.
Mais plus scandaleux encore est le traitement
qu’elle infl ige à la majorité des hommes au
temps de leur jeunesse et de leur maturité. Elle
préfabrique la condition mutilée et misérable
qui est leur lot dans leur dernier âge. C’est par
sa faute que la déchéance sénile commence
prématurément, qu’elle est rapide, physiquement
douloureuse, moralement affreuse parce qu’ils
l’abordent les mains vides; des individus exploités,
aliénés, quand leur force les quittent, deviennent
totalement des « rebuts », des « déchets ».
C’est pourquoi tous les remèdes qu’on
propose pour pallier la détresse des vieillards
sont si dérisoires : aucun d’eux ne saurait
réparer la systématique destruction dont des
hommes ont été victimes pendant toute
leur existence. Même si on les soigne, on
ne leur rendra pas la santé. Si on leur
bâtit des résidences décentes, on ne leur
inventera pas la culture, les intérêts, les
responsabilités qui donneraient un sens à leur
vie. Je ne dis pas qu’il soit tout à fait vain
d’améliorer au présent, leur condition ; mais
cela n’apporte aucune solution au véritable
problème du dernier âge : Que devait être une
société pour que dans sa vieillesse un homme
demeure un homme ?
La réponse est simple : il faudrait qu’il ait toujours
été traité comme un homme... ».
Simone de BEAUVOIR
La vieillesse 2, Idées/Gallimard, 1970
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