Par Michel Peyret (merci à lui)
L'IMMENSE SPOLIATION CAPITALISE
Le travail, celui des travailleurs, des salariés, seul produit de la valeur, de la richesse.
Ce produit est spolié, volé, à ceux qui le produisent.
Il devient, avec et par le capitalisme, avec et par l'Etat capitaliste, que certains n'ont pas honte d'appeler l'Etat social, l'argent destiné à faire survivre et perpétuer ce même capitalisme en crise.
C'est la honte, l'immoralité, l'inhumanité, le despotisme, l'autoritarisme du capitalisme qui est ainsi mise en évidence.
Et ainsi l'on voit bien à quoi, aux Etats-Unis comme ailleurs, à quoi servent les élections tant que l'on reste dans le cadre de ce système.
En cette veille de 1er mai, je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler ces vérités premières.
Et merci au blog d'Olivier Berruyer d'y contribuer.
Cordialement,
M.
Le plus grand plan de renflouement de l’histoire est resté secret pendant deux ans !
Combien d’argent public l’Etat fédéral américain a-t-il débloqué pour aider les banques opérant aux Etats-Unis ? On avait surtout retenu les 700 milliards de dollars (environ 500 milliards d’euros) d’aides du plan Paulson de 2008. L’agence de presse Bloomberg vient de révéler un plan de soutien d’une tout autre ampleur, resté jusqu’alors largement inconnu : entre 2007 et 2009, la banque centrale américaine, la Réserve fédérale, a mis sur la table… onze fois plus, pour sauver les banques de la faillite. En toute opacité, et sans que le Parlement ne soit mis au courant. | |
Peu médiatisée en Europe, cette révélation pourrait nourrir le débat sur la faiblesse des pouvoirs accordés à la BCE, en comparaison de ceux dont dipose la Fed.
C’était le plus important plan de renflouement financier de l’histoire des banques. Et il a bien failli rester secret. Son montant ? 7 770 milliards de dollars (“7,77 trillion”, en anglais). Pour sauver les banques américaines, la Réserve fédérale (Fed) a accordé une dizaine de mesures diverses, dont des rachats de crédits, des garanties bancaires ou des reports de dates d’expirations de prêts. Mais aussi une bonne part de prêts à court terme, quasiment gratuits, consentis aux plus grands établissements financiers américains. Le dimanche 27 novembre au soir, le site de l’agence de presse financière américaine Bloomberg publiait sur son site une longue enquête sur les “prêts secrets de la Fed”. Relayée par le New York Times, ou reprise en intégralité par le Washington Post, l’info n’a eu que très peu d’écho en France, où elle n’a guère été mentionnée que par les sites Atlantico et Slate. Ce sont des échanges entre @sinautes dans les forums qui nous ont alertés…
Pourtant, l’article de Bloomberg, également publié dans un magazine mensuel du groupe aux Etats-Unis, vaut largement le détour. Il détaille, ainsi, que les six plus grosses banques américaines ont reçu en quelques mois 460 milliards de dollars de prêts de la Réserve fédérale. Soit presque trois fois plus que les 160 milliards qui leur ont été versés par ailleurs par le plan Paulson, concocté par le gouvernement américain et validé (après un premier rejet), par le Parlement.
Mais alors que le plan Paulson était public, l’aide de la Fed, dont les “prêts d’urgence”, est restée secrète pendant plus de deux ans ! D’autant plus étonnant que les conditions consenties aux banques étaient particulièrement avantageuses pour les prêts à court terme : “Durant la crise, les prêts de la Fed étaient parmi les moins chers disponibles, le financement étant même possible pour unprix aussi bas que 0,01% en décembre 2008″, souligne Bloomberg.
L’information a été rendue publique à partir de décembre 2010. D’abord parce qu’une loi votée en juillet 2010 par le Congrès, visant à réguler le monde de la finance, oblige la Fed à divulguer ses opérations de soutien au bout de deux ans. Mais l’information diffusée est restée parcellaire, l’institution refusant de donner le détail des sommes versées à chaque banque. Il a fallu que Bloomberg, associée à Fox news, poursuive en justice la Fed et Clearing House, une association de lobbying des banques, pour obtenir la publication des comptes détaillés. Après deux ans de procédures judiciaires au nom du Freedom of information Act, qui ont mené jusqu’à la Cour suprême, les médias ont obtenu gain de cause : une masse de 29 346 pages de documents, recensant 21 000 mouvements financiers, leur a été livrée en trois fois, en décembre 2010, puis en mars et juillet 2011. Tous les prêts et autres facilités de paiement, parfois journaliers, accordés à toutes les banques pendant deux ans, détaillés un à un.
DEUX ANS DE PROCÈS
Le site de Bloomberg consacre un dossier complet à ces prêts, qu’elle a commencé à scruter de près dès le mois d’avril. En mai, l’agence avait déjà repéré les prêts à 0,01%, et en août elle avait fait ses comptes, estimant qu’au pic de la crise, la Fed avait consenti en même temps, pour la seule journée du 5 décembre 2008, “1,2 trillions de dollars”de prêts (1 200 milliards de dollars, soit environ 895 milliards d’euros) à divers établissement financiers. Des banques américaines, bien sûr, mais parmi les 30 plus importants emprunteurs, on dénombrait aussi des compagnies européennes, Royal Bank of Scotland, le Suisse UBS, ou la Société générale et la franco-belge Dexia…
L’article publié fin novembre par Bloomberg est donc une synthèse des diverses informations contenues dans les documents obtenus auprès de la Fed. Mais ils restent relativement flous. Il semble par exemple impossible de dire précisément combien d’argent sur les “7,77 trillions” évoqués a réellement été prêté aux banques.
Ce qui n’empêche pas aux Etats-Unis les critiques de s’indigner devant ces chiffres pharaoniques (la somme représente la moitié du PIB américain).
Avec son talent coutumier, Jon Stewart s’est saisi du sujet le 1er décembre dans son Daily Show sur Comedy Central.7 minutes de délire offusqué, avec comparatifs issus de Star Wars et sacrifice de chaton mignon…
Rappelant qu’aucun responsable de la crise financière n’a été jugé, Stewart intitule sa séquence : “Mais punaise, pourquoi Martha Stewart est-elle allée en prison ?”, en référence à une célébrissime présentatrice télé, spécialisée dans la bonne gestion de son intérieur, qui a été condamnée en 2004 à 5 mois de prison pour fraude boursière.
Il ironise fortement sur le fait que le plan Paulson (le Tarp en anglais, pour “Plan de liquidation des actifs douteux”) n’ait été que la face émergée de l’iceberg, et que presque personne n’ait été au courant, même si la Fed assure que tous les prêts ont été remboursés.
Bloomberg rappelle que plusieurs dirigeants de banques avaient déclaré publiquement que leur établissement était solide et ne craignait pas la crise, au moment même où ils bénéficiaient secrètement de l’aide de la Fed. L’article cite également plusieurs parlementaires, qui assurent qu’ils ne connaissaient pas les détails de ce plan de sauvetage très discret, qui avait lieu au moment même où ils négociaient le plan Paulson. Apparemment, même au Trésor américain, l’équivalent du ministère des Finances, seuls quelques rares initiés étaient mis au courant avec précision…
ALÉA MORAL
| La justification de la Fed est classique. William B. English, directeur du département des affaires monétaires, a expliqué à Bloomberg que ce programme était nécessaire : “Soutenir la stabilité des marchés financiers pendant les périodes de tension extrême est une fonction essentielle des banques centrales. Ces prêts ont permis d’empêcher un effondrement du système financier et de maintenir l’afflux du crédit pour les familles et les entreprises américaines.” (traduction d’Atlantico). Certes. Mais pour Bloomberg, ces mesures ont permis aux banques de gagner de l’argent, en réinvestissant l’argent, prêté à bas coût, ou en le prêtant à d’autres créanciers, à des taux bien supérieurs. L’article estime le gain sur deux ans à environ 13 milliards de dollars pour 190 banques, et à 4,8 milliards pour les six plus grosses banques, soit un quart de leurs profits totaux.Le blog économique du New York Times juge que cette estimation est surévaluée, et préfère souligner que sans les prêts secrets, la plupart des banques se seraient effondrées. |
Or, elles sont toujours là, accréditant un peu plus la thèse du “too big to fail”, qui désigne les établissements trop gros pour s’effondrer, les pouvoirs publics étant toujours prêts à mettre la main à la poche pour éviter qu’une grosse partie de l’épargne des citoyens ne s’évapore du jour au lendemain…
Sans aller jusqu’à épouser les thèses de Frédéric Lordon, qui estimait sur notre plateau que dans ce cas de figure, les banques devraient être nationalisées, Bloomberg estime que la situation est susceptible de créer ce que les économistes nomment un “aléa moral” : si les géants bancaires savent qu’ils seront toujours remis sur pied par l’Etat, ils prendront un maximum de risques, sans avoir à en subir le contrecoup, qui pourrait être fatal à une banque plus modeste. Une situation qui inquiète jusqu’au Congrès américain. Ces révélations de Bloomberg, en outre, ne vont certainement pas manquer de nourrir le débat sur la faiblesse des moyens dont dispose, en cas de crise, la BCE. Non seulement la Fed est armée d’un gros bazooka, mais on voit qu’elle l’utilise en secret.
Mise à jour – 15h45 : Comme signalé dans le forum de l’article, la Fed a répondu à Bloomberg, contestant notamment que le programme d’aides d’urgence ait été secret. Bloomberg y a répondu de façon détaillée, reprenant point par point les critiques de l’institution.
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