Et si Assad reste au pouvoir ?
Il y a quelques jours je parlais avec un médecin syrien vivant aux Etats-Unis, qui avait été un camarade de classe du président Bachar al-Assad et affirmait le connaître depuis plus de vingt ans. Partisan d’Assad, il me disait que la Turquie faisait une grosse erreur. Assad est le seul dirigeant à pouvoir maintenir intacte la Syrie, et que c’était un dirigeant qui avait réformé le pays depuis sa prise de pouvoir. Le médecin disait encore que 85% des Syriens soutenaient Bachar, qu’il ne partirait nulle part et que l’avenir lui donnerait raison contre nous.
On pourrait dire que le médecin avec qui j’ai parlé était un ami de Bachar et qu’il fallait donc s’attendre à ce qu’il soutienne son ami. Oui, mais s’il avait raison ? Et si les Turcs, et le reste du monde, avaient mal interprété les événements de Syrie ?
Quand on considère les faits, on doit reconnaître quelques avantages au maintien au pouvoir de Bachar. D’abord, il semble être la seule personne, dans le système politique syrien, qui semble capable de diriger le pays et d’unir la population. Sa femme sunnite, son alliance avec les milieux d’affaires sunnites des grandes villes et, plus important, les importantes communautés chrétiennes qui le soutiennent lui et non les groupes d’opposition, tout cela lui donne un gros avantage pour rester à la tête du pays.
Ensuite, beaucoup d’entre nous lisent les événements de Syrie à travers le prisme des pays confrontés au « printemps arabe » et dont les dictateurs n’ont pu se maintenir au pouvoir. Du coup, nous nous attendons au même schéma en Syrie. Pourtant, si l’on examine chaque cas particulier, d’importantes différences existent d’un pays à l’autre.
Pour la Tunisie, la dureté économique et la tyrannie du régime Ben Ali ont été les principales raisons du changement. Zine el Abidine Ben Ali était devenu déconnecté de son peuple, et donc était perdu.
En Egypte, les opposants à Hosni Moubarak étaient prêts, bien organisés et savaient qui faire depuis les tout débuts du mouvement. De surcroît, le régime Moubarak n’avait pu contrôler l’impact de la mondialisation, qui avait ouvert la population à l’extérieur. Mais Moubarak ne pouvait prévoir à quel point les Egyptiens s’étaient ouvert au monde et ce que ça pourrait apporter à l’Egypte en cas de révolution. En plus, Moubarak avait tenté de faire de son fils Gamal son successeur, une décision qui a entraîné des années de contestation avant que ne survienne la révolution. En conséquence, la révolution égyptienne n’entendait pas seulement s’opposer à Hosni Moubarak, mais aussi à l’éventualité de 40 années supplémentaires de régime Moubarak.
En ce qui concerne la Libye, la principale raison qui a déclenché la révolution était les conflits tribaux qui ont aidé les groupes d’opposition à avancer leurs revendications. L’opposition libyenne a réussi à gagner le soutien de l’Occident, lui donnant la main dans son combat contre les partisans de Kadhafi. De fait, quand on parle de la Libye, il n’est pas aisé de dire si c’était une révolution populaire ou un conflit tribal.
La Syrie offre un cas très différent des trois précédents exemples. Premièrement, les groupes d’opposants syriens proviennent de zones éloignées, rurales, quand les grands centres urbains soit soutiennent Bachar, soit observent une neutralité vis-à-vis des deux camps. En outre, et au contraire du régime de Moubarak, Bachar a vraiment essayé de réformer son système. C’est un processus très lent, mais le sentiment des Syriens à l’égard de leur président est positif. Plus important, la minorité chrétienne ne soutient pas les groupes de l’opposition, qui constituent un secteur-clé qui pourrait influencer l’opinion publique occidentale. Le médecin avec qui j’ai parlé, par exemple, accuse les groupes d’opposition d’être des fondamentalistes qui ne respecteraient pas les droits des minorités s’ils arrivaient au pouvoir. La situation (de l’opposition syrienne) n’est pas aussi simple que celle des autres oppositions arabes, comme les frères musulmans égyptiens qui ne se sont pas opposé aux rassemblements de la place Tahrir de manière à recevoir le soutien de l’Occident.
De plus, la période de transition, dans les pays du Printemps arabe, a vu les les islamistes arriver au pouvoir, ce qui rend l’Occident nerveux. Israël, tout particulièrement, est très inquiet de la victoire électorale de la Confrérie des Frères musulmans en Egypte. Ce qui signifie qu’Israël et l’Ouest hésiteront désormais à soutenir les groupes de l’opposition syrienne.
Tous ces éléments pris en considération, il faut bien admettre qu’il y a encore un espoir, pour le régime syrien, de rester au pouvoir, si Bachar accepte d’adopter rapidement des réformes et de donner des garanties qu’il ne poursuivra personne dans l’opposition. La question est maintenant de savoir ce qu’il va advenir des relations turco-syriennes, si le régime Assad se maintient en place ?
Info Syrie
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