[…]
Chávez : Au fait il faut féliciter Cristina ! Elle vient d’être réélue. Nous ne l’avons pas saluée comme il convient.[Applaudissements] Pour la présidente des Argentins qui vient d’être réélue ! [Applaudissements] Avec 54% des voix !
Cristina : Oui ! 54,11.
Chávez : 54.
Cristina : 54,11. N’oublie pas le « virgule onze ».
Chávez : Je vais tenter de te dépasser pour les élections de l’an prochain. [Il rit] Ou au moins t’égaler.[Applaudissements]
Cristina, je veux aller assister à ta prise de fonction. Nous allons y aller ! Nicolás [Maduro] n’est pas ici parce qu’il se trouve à la réunion des ministres des Affaires étrangères de la CELAC ! Ce sera le 10 décembre, et je vais y aller ! Cristina, compañeros, compañeras, c’est pour cela que je disais que cette unité, ce rapprochement, cette compénétration personnelle, politique et stratégique, entre le gouvernement dirigé alors par Néstor [Kirchner] et celui que tu diriges maintenant, et notre gouvernement, nos peuples, nos nations, tout cela vient de très loin. Je crois que c’est une obligation de l’histoire. C’est une obligation de la géographie, pourrait-on dire même. Cette phrase que Bolívar écrit quand il se trouve au bord de l’Orénoque, en pleine guerre de libération, en 1819, il dit alors à celui qui dirigeait les Provinces unies du Río de la Plata, c’était [le général] Pueyrredón, il écrit alors à Pueyrredón et aux habitants du Río de la Plata, 1819, il dit alors : « Quand avec les armes du Venezuela nous achèverons le processus de notre indépendance, nous irons au Río de la Plata » ; il ajoute : « pour forger le pacte américain ». Il dit finalement : « Si la Providence, si le Ciel, nous concédaient la satisfaction de ce vœu, nous ferions ici la reine des nations et la mère des républiques ». Et Bolívar est presque arrivé à Buenos Aires, vous le savez. Presque. Il n’y est pas arrivé parce que cela lui a été interdit par le mouvement antibolivarien qui prenait forme alors à Bogotá autour de Santander, alors président de la Grande Colombie. On le demandait à Buenos Aires. Le Loco Dorrego [le « fou » Dorrego] était de ceux qui l’appelaient.
Cristina : Laisse-moi te dire. Il y a quelques jours j’ai signé un décret qui a été critiqué par l’historiographie libérale argentine. On a créé l’Institut du révisionnisme historique argentin et ibéro-américain Manuel Dorrego, où on étudiera l’histoire ibéro-américaine, mais pas du point de vue des colonisateurs et des vainqueurs dans les différents pays, mais en prenant en compte l’économique, le social, dans l’histoire de l’indépendance. Cela a provoqué quelque polémique parce qu’il existe une histoire officielle. Dans tous les pays il existe toujours une histoire officielle, surtout dans les pays qui ont connu des dictatures et de fortes subordinations culturelles. C’est ce qu’ils nous enseignent dans les collèges, c’est ce qu’ils nous racontent. Mais nous savons tous que ce n’est pas la véritable histoire. C’était juste une petite digression. Je ne voulais pas vous interrompre, Président, excusez-moi. J’ai adopté votre habitude, voyez-vous. Je ne devrais pas trop vous fréquenter. Continuez. [Applaudissements]
Chávez : Cristina. Non. Tu n’as fait qu’alimenter encore davantage mes réflexions. Et cela me paraît très bien. Ici la bourgeoisie m’accuse de changer l’histoire. Eh oui, en fait nous la changeons. Aujourd’hui et dans le futur. Mais aussi l’histoire passée, le récit historique, la vérité, ils avaient falsifié ce qui s’est réellement passé ici. Et maintenant nous faisons un effort pour remettre les choses à leur juste place, essayant d’être au maximum objectifs. Ici au Venezuela presque personne ne savait que Bolívar avait été expulsé. J’ai fini par l’apprendre quand j’étais capitaine, j’étais professeur d’histoire militaire, et, à force de chercher et chercher, je tombe sur le décret d’expulsion de Bolívar. Je te jure que, bien que presque 200 ans fussent passés, le sang m’est monté à la tête, j’ai empoigné mon épée de capitaine et je voulais sauter 200 ans en arrière pour défendre Bolívar, parce que personne, ou presque, ne l’avait défendu alors. Le pauvre il a fini seul, isolé, ignoré.
Il y a une phrase de Bolívar, vers la fin de sa vie, qui dit textuellement : « Que peut faire un pauvre homme contre le monde ? »
C’est de là que provient tout cet élan. Bolívar, San Martín. L’Abrazo de Guayaquil ! Voilà un défi pour nous, Argentins, Vénézuéliens, l’Abrazo [Etreinte propre aux Latino-américains pour se saluer chaleureusement] de Guayaquil et tout ce qui est arrivé ensuite.
D’ailleurs, puisque nous parlons de Dorrego, dans les notes que me transmettent les compañeros, les clips historiques, le 1er décembre, aujourd’hui, tu vois nous sommes presque à Noël, mais en 1828, quel hasard !, une conjuration téléguidée par Londres renverse le gouvernement légitime de la Province de Buenos Aires, le gouvernement de Manuel Dorrego. Le représentant de l’empire britannique est alors [prononciation hésitante] Lord Ponsonby.
Cristina : Lord Ponsonby. Il existe une pièce de théâtre, fantastique, c’est un dialogue entre Lord Ponsonby et Dorrego, écrite par Pacho O’Donnell. Excellente ! Et je vais te dire, tu dis que Bolívar a été expulsé d’ici. Je te dis quelque chose à propos de Manuel Belgrano, autre grand patriote, qui n’a peut-être pas…
Chávez : Tu m’as beaucoup parlé de Belgrano.
Cristina : Mon préféré c’est Belgrano. Cela a fait la une de la presse, les supporters de River Plate voulaient ma peau. Mais bon ce n’est pas grave. Belgrano c’est le nom d’un club de football, lequel a battu River Plate, et moi j’avais dit : « Mon préféré c’est Belgrano » ; et un journal a titré « Le préféré de Cristina c’est Belgrano ». [Rires]
Belgrano, et heureusement il a désobéi, avait reçu l’ordre de Buenos Aires de se retirer du nord du pays. S’il avait obéi aux ordres il n’aurait pas remporté les batailles de Salta et de Tucumán. Ce que San Martín accomplit ensuite aurait été impossible. San Martín, la traversée des Andes et ses victoires remportées au Pérou, cela ne peut être compris que comme une suite des victoires de Belgrano dans le nord de l’Argentine. Et ils avaient ordonné à Belgrano d’abandonner ces positions pour revenir avec ses troupes vers Buenos Aires ; or cela aurait permis l’avancée des royalistes. Il a désobéi et il a vaincu, et les défaites qu’il leur a infligées à Salta et à Tucumán ont été déterminantes. La même chose pour un autre grand Argentin, [le général Martín] Miguel de Güemes.
Chávez : Lors de la traversée des Andes qui se produit ensuite ?
Cristina : Bien sûr, il fallait qu’il mène ces batailles pour empêcher la pénétration, parce que sinon la marche de San Martín vers le Pacifique aurait été inutile. C’est aussi un exploit, inspiré d’Anibal, je crois, le Carthaginois, qui a tenté de franchir les Alpes pour parvenir à Rome. Bon, je te laisse continuer avec Dorrego.
Chávez : C’est très bien que nous nous rencontrions. Nous sommes en direct à la télévision. Bolívar a mené une geste un peu équivalente par ici, en 1819, il a traversé les Andes jusqu’à Boyacá. Il a libéré la Nouvelle Grenade. Voilà pourquoi cette histoire vient de loin et possède des racines très très profondes et très vives encore aujourd’hui. Ce ne sont pas des racines mortes. Non. Ce sont des racines vivantes. C’est une histoire vivante, excitante, c’est un défi qui nous oblige à l’engagement.
C’est le 1er décembre 1828 qu’ils ont renversé Dorrego.
Belgrano. Je me souviens que comme tu as dit que tu as versé quelques larmes lorsque j’ai annoncé mon cancer… Cristina appelait et appelait depuis plusieurs jours à La Havane. Nicolás m’a dit : « Je ne sais pas quoi dire à Cristina. Que lui dirai-je ? » Après il m’a raconté que Cristina lui a dit : « Nicolás, d’accord, ne me dis rien ». Tu lui as fait des remontrances.
Cristina : Je me suis fâchée. Oui, je me suis fâchée.
Chávez : Et tu lui as dit : « J’imagine qu’Hugo doit avoir quelque chose de grave, parce que je suis tombée, et je me suis donné un coup, et il ne m’a pas appelée. Et j’ai été choisie comme candidate, et il ne m’a pas appelée ! »
Cristina : C’est lorsque je suis tombée lors d’une cérémonie et je me suis ouvert la tête. Et toi, qui m’appelais à tout propos, lorsque je suis tombée tu ne m’as pas appelée ! Puis j’ai annoncé que j’allais une nouvelle fois soumettre ma candidature à la considération de l’électorat, et tu ne m’as pas appelée ! C’est ainsi que j’ai réalisé qu’il se passait quelque chose. Pourquoi ne m’appelle-t-il pas ?
Chávez : Et finalement c’est Nicolás qui a dû subir tes remontrances. Moi de la même façon j’ai pleuré d’indignation, une nuit, je conduisais la nuit, ma petite voiture, à la caserne Fuerte Tiuna, je revenais, il était presque minuit, je revenais à l’Ecole militaire, où je travaillais comme capitaine, en 1981, et j’écoutais la radio, et j’entends la nouvelle : le Belgrano a été coulé !
Cristina : Bien sûr.
Chávez : Le Belgrano, je crois que ce n’était même pas un navire de guerre, je crois qu’il transportait des passagers.
Cristina : Non, non. C’était le navire de croisière General Belgrano qui se trouvait hors de la zone d’exclusion. C’est un crime de guerre. Ce n’est pas un acte de guerre. C’est un crime de guerre !
Chávez : Je n’oublierai jamais cette nuit-là, Cristina. C’est pour ça que je disais que c’est cette histoire qui nous dynamise, et c’est cette histoire qui nous a menés ici ! alors que commence le XXIème siècle ! Tu vois [il lui tend un livre], Jorge Abelardo Ramos ! Ce livre, que je suis en train de lire, je me prépare pour la CELAC ! [Cristina rit]. Oui, j’étudie. Il m’a été offert par des Argentins en 2003. Ils ont écrit : « Monsieur le président Hugo Chávez – le 17 août 2003 – pour un Ayacucho définitif ! La marche des vainqueurs ! Natalia Fosatti et Andrés Ruiz, fiers d’avoir dansé un tango pour vous, en représentation de notre peuple, et pour l’union des nations. » Ils m’ont offert ce livre !
Cristina : Le fils de Ramos est l’un des historiens qui intègrent cet Institut ibéro-américain Manuel Dorrego ! Tu vois ! Tu vois comme l’histoire…
Chávez : Nous devrions faire ici à Caracas une réplique de cet institut ! Bien sûr ! Regarde ce qu’écrit Jorge Abelardo Ramos, marxiste qui aborde très bien la question nationale. La question nationale !
Cristina : Il intègre un courant marxiste, avec Hernández Arregui, parmi d’autres qui se penchaient sur les questions historiques. Ils étaient marxistes mais ils avaient une approche nationale des problèmes. Il a intégré ce courant marxiste de l’historiographie.
Chávez : Et il a soutenu Perón !
Cristina : Bien sûr ! En 1973, lorsque la candidature est Perón-Perón l’ambiance est assez chaude. C’est un moment historique. La formule Perón-Perón, lui la soutient sous l’étiquette FIP [Front de la gauche populaire].
Chávez : La formule Perón-Perón ?
Cristina : Bien sûr ! Lorsque Cámpora démissionne et Perón se présente. La candidate à la vice-présidence est Isabel, son épouse, Isabel Perón. Comme cela a provoqué beaucoup de discussions, beaucoup de secteurs de la jeunesse et du centre gauche qui n’aimaient pas trop son épouse, Abelardo Ramos, sous l’étiquette FIP, soutient aussi la formule Perón-Perón, mais dit : « Un vote de gauche pour Perón ». Et il mène ce projet. Il obtient plus de 800 000 voix, presque un million de voix, parmi les voix péronistes, qui atteignent un record historique de 62%. C’est l’apport de…
Chávez : de la gauche !
Cristina : Ce n’étaient pas des voix pour Abelardo Ramos, bien entendu. C’était des gens qui voulaient voter pour Perón, mais sur des bases différentes.
Chávez : Des mouvements de la gauche, des secteurs populaires. Regarde, dans ce chapitre, le 7, de cette œuvre merveilleuse qui s’appelle « De Bolívar à la Bolivie », Jorge Abelardo Ramos dit : « Le peuple de Buenos Aires célèbre Bolívar ». Je lis juste un paragraphe : « La nouvelle est arrivé à Buenos Aires à 8 heures du soir le 2 janvier 1825. Alberdi racontera son enfance… ». Alberdi, un écrivain.
Cristina : Juan Bautista Alberdi est un homme qui a d’abord fait partie de la génération de Mai. Nous ressemblons à des professeurs d’histoire. A Buenos Aires ils vont dire : Elle nous saoule encore une fois avec ses cours d’histoire ! [Ils rient] Juan Bautista Alberdi fut l’un des hommes les plus clairvoyants. C’est vers la fin de sa vie qu’il devient très clairvoyant, lorsqu’il voit l’évolution de l’histoire. Cet Alberdi des « Œuvres Posthumes » est occulté, ignoré. Ils parlent de l’Alberdi qui a été antirosiste, l’Alberdi de la génération de Mai. Mais ils occultent l’Alberdi merveilleux des « Œuvres Posthumes », lesquelles sont très difficiles à trouver. Je les ai trouvées dans une librairie perdue de la rue Corrientes. On ne les trouve nulle part.
Chávez : Je crois qu’il était alors enfant.
Cristina : Il était très jeune. Et ses positions n’étaient pas très nationalistes ni très populaires. Mais sur la fin de sa vie, il modifie son point de vue, et alors, il devient l’homme des bases constitutionnelles de l’Argentine, et réellement, c’est un personnage dont on montre toujours la première partie. Mais l’Alberdi de la fin, l’Alberdi qui pressent la question nationale et la question populaire, celui des « Œuvres Posthumes », celui-là est escamoté. Comme tant d’autres.
Chávez : Regarde ce que Ramos dit d’Alberdi : « Alberdi racontant son enfance, ‘‘Ma première impression à Buenos Aires ce sont les sons de cloches et les fêtes en l’honneur de Bolívar pour le triomphe d’Ayacucho’’. Beaucoup plus tard, déjà vieux, le général Gregorio Heras, alors gouverneur de Buenos Aires, lorsque la grande nouvelle est arrivée, disait ses impressions avec sa verve de vieux soldat : ‘‘Ils ont sorti le portrait de Bolívar pour la procession dans les rues avec des torches guerrières, par une nuit de pampero’’ ».
« Nuit de pampero », de quoi s’agit-il ?
Cristina : Le pampero c’est le vent.
Chávez : Ah oui, de la pampa ! le vent de la pampa. Qu’il est bien ce vieux Heras ! Il écrit tout cela longtemps après. N’est-ce pas ? Il dit : « Des torches guerrières allumées par une nuit de pampero. Un volcan de fêtes et de joies dans la ville, pour un mois ». Et finalement : « J’ai dû émettre un décret pour canaliser le délire ». C’est ainsi qu’avait été reçue la nouvelle d’Ayacucho ! C’est pour cela qu’aujourd’hui, avec ce même délire, nous avons Néstor [Kirchner] ! nous avons San Martín ! nous avons Perón ! Nous avons Evita [Perón] ! Et toi ! Et vous tous ! [Applaudissements]
Compañeras et compañeros ! La Patrie argentine ! [Applaudissements]
Continuons d’être à la hauteur du défi ! Le défi du sud. Notre défi !
Pour moi, bien entendu tous les pays d’Amérique latine et tous les pays des Caraïbes, tous les pays d’Amérique du Sud ont leur propre poids, ils ont leur propre grandeur, ils ont leur notable importance ! Mais la géopolitique : Caracas-Buenos Aires. La Caraïbe et l’Atlantique sud. L’Orénoque et le Río de la Plata. Il peut manquer beaucoup de choses pour parvenir à l’unité de l’Amérique du Sud, et, au-delà, de la Caraïbe. L’Amérique latine. Mais le plus important, je le crois fermement, nous le croyons, c’est la relation que nous pouvons continuer de structurer, de consolider, c’est l’axe Caracas-Buenos Aires.
Et c’est ce que nous sommes en train de faire ! Et nous en avons beaucoup parlé lors de la réunion avec nos ministres des Affaires étrangères, avec nos ministres, avec nos ambassadeurs.
Et maintenant que Cristina est sur le point de commencer une nouvelle période, de huit ans !
Cristina : quatre !
Chávez : Quatre ans. Pardon. De quatre ans. [Il rit]
Cristina : Ne t’amuse pas à dire ça, je t’en prie ! J’imagine déjà la presse avec 80 titres ! C’est quatre ans ! C’est plus que suffisant !
Chávez : Quatre ans. Et l’année prochaine nous commencerons, nous, une nouvelle période de six ans. Nous avons devant nous, ensemble, disons, quatre ans, pour renforcer ce que nous avons déjà construit, et pour faire avancer la relation stratégique à des niveaux nouveaux, plus importants. Surtout si on considère l’état du monde aujourd’hui, ce qui se passe dans le monde aujourd’hui. Ce qui n’existait pas il y a huit ans, ce qui n’existait pas il y a un an. Tu étais présente au G20 et tu nous as raconté certaines choses. Hier soir je regardais TeleSur, TeleSur s’améliore de jour en jour ! Regardez TeleSur ! Débora, tu regardes TeleSur ? [Débora, étonnée et contente, répond positivement]. Un jour Néstor m’a appelé, il m’a dit : « Tu sais une chose ? ». J’étais en train de parler je ne sais plus où, et moi, ce n’était pas de ma faute, TeleSur transmettait mon intervention. Et moi qui parlait parlait sans fin. Néstor appelle alors : « Dites à Chávez de laisser TeleSur, sinon je ne pourrai pas dormir. [Il rit]. Moi je m’endors avec TeleSur. » T’en souviens-tu ? [Il rit]. Il m’a rappelé ensuite, dans la nuit, et nous avons parlé. « Je m’endors avec TeleSur, dites-lui de laisser TeleSur, mon ami ». [Il rit]. Ce n’était pas de ma faute, TeleSur transmettait un discours.
Cristina : En Argentine les chaînes de télévision transmettent très peu de ce qui arrive dans le monde. On est à peine informés. Si on veut savoir ce qui se passe à Londres ou à New York, en Grèce, en Europe, au Moyen-Orient, il faut regarder TeleSur, parce que, en fait, les chaînes ne veulent pas montrer ce qui se passe dans le monde. Il ne faudrait pas que les Argentins prennent conscience de ce que nous avons obtenu. Il me semble aussi que, souventes fois, cela doit relever d’une stratégie. Ce ne sont pas toutes les chaînes, il serait injuste de généraliser, mais pour la plupart il ne s’est rien passé dans le monde.
Chávez : Heureusement, Cristina, c’est mon point de vue, modestement, en analysant, comme je me trouvais ces quatre ou cinq mois un peu à l’arrière-garde, avec davantage de temps, pour voir, pour analyser, pour étudier un peu. Ce qui arrive en Europe maintenant, ici c’est déjà arrivé. Ce qui est en train de se passer maintenant dans certains pays d’Europe, d’Afrique, des rébellions populaires de différents types, cela nous l’avons déjà vécu ! Le caracazoqu’est-ce que c’est ? Et vous, là-bas, à Buenos Aires, le modèle néolibéral ! La faim ! La misère ! La dette extérieure ! Les impositions du FMI ! C’est l’une des réalisations magistrales de Néstor : Le schéma financier stratégique. Nous en avions parlé au bord de l’Orénoque, je m’en souviens. Julio De Vido était présent. J’envoie un salut à Julio De Vido !
Maintenant dans cette situation mondiale, dans cette crise terrible, dont personne ne sait comment ça va finir, nous sommes ici présents. Dans Notre Amérique !
Je ne crois pas que nous soyons dans les meilleures conditions possibles. Mais les conditions sont bonnes, pour pouvoir penser à un projet, au-delà du national, du national national, si vous me permettez l’expression, pour pouvoir nous concentrer sur un projet Grand national, si vous me permettez cette autre expression. Je lis également Aldo Ferrer.
Cristina : Notre ambassadeur en France.
Chávez : Ah. Il est en France ? Et Helio Jaguaribe, ce petit livre que j’ai depuis plusieurs années, « L’Argentine et le Brésil dans la réflexion Mercosur ou ALCA ». C’est ce que nous avons fait à Mar del Plata. Et cette fameuse phrase de Néstor [Il rit] : « Ne venez pas ici nous patotear » ! T’en souviens-tu ?
Cristina : Leur visage montrait qu’ils ne comprenaient pas vraiment.
Chávez : Ces messieurs sont sortis par là-bas, discrètement. Je m’en souviens. Néstor était très habile. Très habile. Il m’avait parlé, il m’avait dit : « Ecoute Hugo, toi qui parles tant !, ces gens-là on va les épuiser ici. On va les épuiser ! » Ils suaient, ils suaient. Il m’avait dit : « Lorsque j’aurai besoin de gagner du temps je te donne la parole, à n’importe quel moment ». Je crois que j’étais allé aux toilettes, on me dit : « c’est votre tour de parler ». Moi ? Oui ! La parole est au président du Venezuela ! Et à chaque fois que je parlais Mister Danger [George W. Bush] se levait et s’en allait je ne sais où. J’ai été impressionné par l’habileté de Néstor, par sa gestion de cette rencontre. Sinon ils nous auraient imposé l’ALCA [ZLEA, Zone de libre-échange des Amériques] ! Ces gouvernements, ces gens-là étaient décidés, ils ont y compris voulu que l’on vote. Tu étais présente. Ils voulaient que l’on vote. C’est alors qu’il a dit « Ne venez pas ici nous patotear », cette expression typiquement argentine [qui signifie « nous bousculer, nous humilier »].
Bien. Cristina qu’en dis-tu ? Je ne souhaite pas abuser du temps. La présidente Dilma est en route, la présidente brésilienne. Et nous avons une autre rencontre bilatérale. Pourvu que nous puissions nous rencontrer tous les trois, ensemble, pour discuter de quelques idées, de tout cela, du thème Grand national ! Vous les ministres, les ambassadeurs, les entrepreneurs, il y a ici des gouverneurs également. Compañeras et compañeros, portons tout cela ici, fermement, tous les jours, ici, entre la poitrine et le dos, dans la conscience : la question nationale, si bien développée ici par Jorge Abelardo Ramos. Mais celui qui l’a très bien développée, sur le terrain, c’est San Martín ! Pourquoi San Martín est-il venu jusqu’à Guayaquil ? Il est presque arrivé à Caracas ! Et pourquoi Bolívar est-il presque arrivé à Buenos Aires ?
Parce qu’ils avaient une claire conscience, bien avant que ne se produisent les thèses sur la question nationale, qu’aucun de nos pays pris séparément n’aurait de futur dans le monde, lequel comme disait Bolívar évolue très rapidement. Il s’accélérait beaucoup déjà sous la menace de grands empires. Les vieux et les nouveaux empires !
Aujourd’hui nous avons une grande opportunité de donner vie à un projet Grand national sud-américain !
Traduction : Numancia Martínez Poggi
Source : http://www.cubadebate.cu/noticias/2011/12/03/cristina-y-chavez-un-dialogo-excepcional-para-repasar-la-historia-latinoamericana-video
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire