« Des soldats israéliens ont torturé deux enfants et les ont forcé à boire l’eau des latrines. »Bab al Arab- 1.11.2010. Le ministre des Affaires des Détenus de l’Autorité Palestinienne, Issa Qaraqa’, a révélé que les soldats d’occupation avaient uriné sur deux prisonniers palestiniens mineurs et les avaient forcés à boire l’eau des toilettes et les avaient photographiés nus après les avoir arrêté et brutalisés.Selon des sources palestiniennes, Qaraqa’ a confirmé que les mineurs détenus, Mohammed Tareq Abd allatif Mkheimer محمد طارق عبد اللطيف مخيمر, âgé de 13 ans et Mohammed Nasser Ali Raduan âgé de 13 ans lui aussi et élève de 6ième, avaient donné leur témoignage à l’avocate Hiba Massalha du ministère des prisonniers qui leur avait rendu visite dans l’aile des enfants de la prison ’Rimonim’. Ils ont dit que les forces d’occupation les avaient arrêtés en juillet dernier, leur avaient donné des coups violents sur les pieds avec leurs fusils, puis leur avaient entravé les pieds, leur avaient mis des bandeaux sur les yeux et les avaient conduit dans une colonie où ils les avaient forcés à boire de l’eau dans la cuvette des W.C. et les avaient photographiés tout nus, puis ils avaient mis l’air conditionné sur froid dans les toilettes et les avaient laissés 48 heures enfermés dedans sans vêtements.Les enfants ont ajouté que chaque fois qu’ils essayaient de dormir, les soldats les réveillaient. La chose la plus répugnante que les soldats leur ai fait subir c’est d’uriner sur leur têtes et leurs visages. Selon l’avocate Massalha, ce qui est arrivé à ces mineurs est immonde, et dépasse l’entendement.
jeudi 10 février 2011
Ils lui ont pissé dessus, torturé, et condamné à huit de prison ..il a treize ans
L’humiliation est quelque chose de subjectif ; cela dépend de nos représentations personnelles. Pour moi par exemple, ce qui me semble le plus humiliant ce n’est pas qu’ils aient pissé sur lui mais qu’ils l’aient mis tout nu. Au début, le père de Mohammad avait honte de nous dire qu’ils lui avaient pissé dessus. Il ne pouvait pas prononcer ces mots là tout haut, je crois que pour lui c’était la chose la plus humiliante qu’ils aient faite à son fils.
Quel genre de personnes, je me demandais, appréhendent un enfant de 13 ans et le torturent de la sorte ? Et puis je me suis répondu : à peu près n’importe quel soldat israélien. N’importe quel soldat de l’armée israélienne se conduit ainsi avec les Palestiniens. N’importe qui, en fait, si les règles locales le permettent.
La première fois que je l’ai vu, c’était dans le hall numéro deux de la Cour militaire de "Ofer". C’est là qu’on juge les enfants : 20, 22, 23 enfants par jour. Les enfants et les adolescents arrivent par groupes de deux, trois et parfois quatre, en tenues de prisonnier marrons, leurs pieds entravés, menottés à l’enfant suivant.
Je l’ai tout de suite remarqué parce qu’il avait les cheveux joliment bouclés, l’air très jeune et parce qu’il pleurait. Je ne veux pas dire que les autres enfants ne pleurent pas, du moins les plus jeunes. Mais, d’après ce que j’ai vu, ils pleurent rarement ouvertement ; lui, il n’essayait même pas de retenir ses larmes ni de les cacher.
Le plus souvent ils sont conduits devant la Cour militaire pour qu’elle statue sur la prolongation de la garde. C’est la procédure, même pour les enfants. Peu importe ce dont ils sont accusés et la nature des preuves qui ont conduit à leur arrestation. De fait, quelque soit le rôle de cette Cour militaire, ce n’est certainement pas de trouver la vérité ni de décider de la punition adéquate. Surtout quand on sait que les arrestations sont effectuées au milieu de la nuit, généralement sur simple dénonciation de quelqu’un qui n’est souvent qu’un enfant lui-même. Ils sont accusés le plus souvent d’avoir lancé des pierres ou des cocktails Molotov improvisés. Et cela suffit pour les arrêter sans leur donner même la faculté d’être libérés sous caution, jusqu’à la fin de la procédure. Qui dure plusieurs mois. Au moins trois. Puis un jour on les juge et on les déclare presque toujours coupables. C’est le chef d’accusation qui tient lieu de preuve.
Et d’ailleurs, même si on admet que jeter une pierre sur l’occupant est un crime et qu’un enfant qui lance des pierres est aussi coupable qu’un adulte et même qu’une pierre est aussi dangereuse qu’une balle de revolver - même une pierre qui n’a atteint personne - même si on admet que tout cela est vrai, reste qu’on ne peut jamais savoir ce qui est arrivé exactement. Et ce n’est pas un échec ni une erreur du système, car la recherche de la vérité n’est tout simplement pas le but ici. Parce que la Cour est un outil de l’Occupation qui n’a qu’un seul but : opprimer, persécuter et dominer. Rien d’autre.
Quoiqu’il en soit, ce jour-là, comme beaucoup d’autres, des groupes d’enfants furent amenés les uns derrière les autres, attachés les uns aux autres, la plupart arborant un grand sourire malgré tout. C’est que cette grotesque comparution destinée à prolonger leur garde (et dont le but principal est de donner aux forces d’occupation le temps de briser et d’écraser ces enfants pour en faire des collaborateurs) est pour ces jeunes la seule occasion de voir leur famille. Et voilà le petit Mohammed Mukheir, qui ne sourit pas à ses parents, qui ne fait pas de signes, et je ne sais pourquoi nos coeurs se sont arrêtés et se sont déchirés en le voyant. Et encore, c’était avant d’apprendre ce qu’ils lui avaient fait subir. Son regard, doux et craintif, ses boucles enfantines, ses grands yeux débordants de larmes révélaient l’état de son âme. Et tout se déroula comme d’habitude. Le garde lui enleva les chaînes et il s’assit. Il y avait quelques enfants un peu plus vieux avant lui, et la cour avait pris du retard. Ce qui permit au moins aux enfants de parler avec leur famille dans la mesure où les gardes et les soldats les y autorisaient. Tous bavardaient sauf Mohammed. Il portait une chemise à manches courtes et tremblait de froid et il ne parlait pas, il ne faisait que pleurer. Et sa mère ne pouvait pas non plus s’arrêter de pleurer. Et c’est inhabituel, car les mères pleurent surtout après la comparution. Quand leurs enfants sont emmenés. Et le père, pour ne pas devenir fou, ne cessait de composer un numéro de téléphone virtuel sur sa main en murmurant à l’enfant de ne surtout pas l’oublier. Mais les lèvres de l’enfant étaient figées. Seules ses larmes coulaient. Et puis ce fut son tour et l’interprète lui dit de se lever et il le fit. On lut son nom. Puis on lui dit de s’asseoir et il le fit. Ses yeux ne voyaient rien et il avait l’air d’avoir bien moins de 13 ans. Peu de temps après la juge dit qu’il y aurait une autre comparution dans 15 jours et le garde ordonna à l’enfant de se lever. Il le fit. Ses yeux et ceux de ses parents étaient rivés les uns aux autres. Alors le garde lui remit les chaînes et lui fit signe de partir. Son visage mouillé de larmes était blanc de terreur.
L’enfant se tenait debout près de la sortie, le garde à côté de lui le pressait d’avancer. Il lança un dernier regard à ses parents, ne pouvait en détacher ses yeux ; sa mère se tordait les mains et son père se décida finalement à lui murmurer : fais toi couper les cheveux. Fais toi couper les cheveux répétait-il tout bas, formant les mots avec sa bouche en montrant sa propre chevelure puis la chevelure bouclée de son fils. Comme s’il pensait que des cheveux courts donneraient une meilleure impression, auraient l’air plus respectable. Mais nous nous pensions le contraire. Qu’il fallait mieux que l’enfant reste exactement comme il était. Les cheveux libres et l’air enfantin. Car ses boucles témoignaient du monde qui était le sien, le vrai monde, qu’il ne fallait surtout pas oblitérer. Le monde de l’enfance. Et de cette vulnérabilité jaillissait comme un cri, la réalité de ses droits intrinsèques et inviolables. Et soudain la juge dit : Pourquoi est-il si peu vêtu ? Les mots résonnèrent dans l’air, leur écho s’évanouissant à mesure que le garde s’éloignait avec lui et disparaissait, et elle n’insista pas. Et les parents assommés se levèrent. La tête basse. Et ils s’en allèrent, courbés, et nous nous sommes dépêchées de les rattraper.
Nous et nos privilèges inviolables, nous continuerons de hanter les couloirs de cette Cour aussi longtemps qu’on nous le permettra.
« Il a menti à sa mère » nous dit Tareq, le père de Mohammed. « Il lui a dit : "Je suis dans le village". Il était avec les autres enfants et je ne sais pas comment c’est arrivé au juste mais des gens m’ont dit qu’ils l’avaient vu dans la jeep des soldats et qu’ils le passaient à tabac... Je savais où ils l’avaient emmené. Il y a une base de l’armée près de la colonie de Beit Horon. C’est à l’entrée de Lower Beit Ur, entre Upper et Lower Beit Ur. Alors j’y suis allé tout de suite et j’ai demandé après lui. Je voulais leur dire que ce n’était qu’un gosse. S’il a lancé des pierres, je l’enfermerai à la maison. Je voulais savoir ce qui lui arrivait. Mais le soldat m’a dit qu’il n’était pas ici. Que je devais essayer de voir s’il était à ’Ofer’. Il m’a dit ça mais je savais qu’il était ici. je leur ai dit je sais qu’il est ici. Ils m’ont dit ’si vous n’êtes pas parti dans les cinq minutes, le soldat va vous tirer dessus’. Ils parlaient du soldat du minaret. Celui qui surveille les alentours. Son fusil était braqué sur moi. Alors je suis parti. »
« A ce moment-là, nous n’avions aucune idée de ce qu’ils étaient en train de lui faire. Nous ne savions rien. C’est seulement plus tard que nous l’avons su. »
« Nous l’avons cherché une semaine entière, jusqu’à ce que nous ayons trouvé où il était » continua le père. « Partout on nous disait qu’il n’était pas là. Maintenant je sais qu’après trois jours à la base il a été emmené à ’Ofer’. Et qu’il y est resté un mois. Après quoi ils l’ont enfermé à ’Rimonim’. C’est une prison pour les femmes et les enfants. Et pendant tout ce mois il nous a été impossible de lui parler. Jusqu’à la comparution devant la Cour. C’est la première fois qu’on le voyait. Il était incapable de parler, il ne faisait que pleurer. Je ne sais pas ce qu’ils ont dit, ils ont parlé d’une autre date, peut-être dans deux semaines. Je ne me rappelle plus. C’est alors que nous avons reçu un coup de fil. De quelque part à Ramallah. Des militants des droits de l’homme. Pour les mineurs. Ils m’ont dit ’Votre fils est en mauvais état. Il a des problèmes aux pieds. Ils lui ont brûlé les doigts avec des cigarettes, avec des armes à feu. Sa mère et moi on a pleuré une semaine entière. On était incapables de manger. »
« Regardez sur Internet, on y parle ce qui lui est arrivé » ajouta-t-il. Il avait du mal à dessérrer les lèvres pour parler. C’était sans doute trop dur pour lui de nous raconter tout ça. Nous avons cherché sur Internet et nous avons trouvé l’article en question :
De quoi est-il accusé ? avons-nous demandé.
« Seulement de jeter des pierres d’après ce que nous savons » dit Tareq. « Mais maintenant ils ont ajouté un cocktail Molotov aux accusations. Ce n’est qu’un enfant. Il n’a même pas encore de carte d’identité. S’il en avait une ce serait différent mais il est trop jeune.... Cela fait déjà trois mois qu’il est enfermé. C’est assez. Il a été suffisamment puni. Maintenant je veux l’emmener à la maison. Et m’occuper de ses pieds. Des blessures qu’ils lui ont faites avec leurs fusils et leurs cigarettes. Je ne sais pas ce qu’il a aux pieds. A la Cour je lui ai dit de se comporter comme un homme. Mais il ne pouvait pas s’arrêter de pleurer. Il ne dit pas un mot. Il n’appelle pas. Et sa mère n’arrête pas de prendre des cachets. »
« Il y a un ami en prison qui nous appelle et qui nous dit qu’il est malade. Mais notre fils ne nous appelle pas bien que le juge lui ait donné la permission de nous appeler une fois. Mon amis m’a dit qu’ils avaient déchiré le document que le juge avait donné à mon fils pour qu’il puisse nous appeler et qu’ils l’empêchent de nous appeler. Et qu’il a des bleus autour des yeux et que son nez saigne. »
« Et nous n’avons pas le droit de le voir. Ils nous ont dit qu’on ne pourrait le voir que dans deux mois. Et nous ne savons rien. C’est dur de ne rien savoir. C’est une enfant, rien qu’un enfant. »
« Tout ce que nous pouvons faire c’est attendre, rien qu’attendre. »
Mais pourquoi l’avocat n’a-t-il pas parlé au juge de la torture ? avons-nous demandé. Pourquoi n’a-t-il pas mentionné les sévices que l’enfant subissait ?
« Parce qu’alors ils le traiteraient encore plus mal » nous a expliqué le père. « Ils lui donneraient deux mois de prison de plus parce que nous nous sommes plaints. J’en suis sur. C’est pour la même raison qu’on ne le laisse pas porter une veste en prison. Vous avez vu qu’il n’avait pas de veste. Et il n’a pas le droit de téléphoner. C’est peut-être parce que les militants des droits de l’homme sont allés le voir en prison. C’est pour cela qu’on le traite comme ça... Alors parler au juge nous causerait encore plus de problèmes. »
Et nous nous sommes dit qu’il avait probablement raison, même si c’est horrible à dire.
Nous avons assisté à trois comparutions au cours desquelles la détention de Mohammad a été prolongée, trois parmi beaucoup d’autres depuis que son procès a commencé.
Entretemps, il s’est fait couper les cheveux comme son père le lui avait conseillé et aussi sans doute parce que c’est obligatoire en prison.
La troisième fois que nous sommes venues, après qu’un plea bargain** ait été conclu entre la défense de Mohammad et le procureur aux termes duquel le petit Mohammad Mukheir serait condamné à une peine de 8 mois de prison en plus d’une amende de 2000 shekels (environ 400 euros NdT) (ou deux mois de prison supplémentaires) et une peine de prison conditionnelle.
Après présentation du plea bargain à la Cour on a entendu les discours d’usage : le juge dit qu’il acceptait leplea bargain en raison du jeune âge du prévenu, de son casier judiciaire vierge, du fait qu’en avouant il avait fait gagner du temps à la Cour et parce que ni la pierre ni le cocktail Molotov qu’on l’accusait d’avoir lancés n’avaient touché quelqu’un. Et donc que finalement personne n’avait été blessé. En raison de quoi elle acceptait le plea bargain et condamnait le petit Mohammad à huit mois de prison et à 2000 shekels d’amende ou s’il ne pouvait pas payer l’amende à deux mois de prison supplémentaires.
En fait presque tous les cas qui arrivent devant la Cour militaire se terminent par un plea bargain. Cela signifie que l’accusé avoue tout ou une partie de ce dont on l’accuse. Et généralement il avoue, qu’il soit ou non coupable, parce qu’il comprend vite qu’il n’a quasiment aucune chance d’être acquitté. Et cela fait déjà des mois qu’il est en prison. Et un plea bargain généralement le condamne à peu près à la peine de prison qu’il a déjà accompli, ou un peu plus. Tandis que se battre pour prouver son innocence durera beaucoup plus longtemps et entraînera probablement une condamnation plus sévère. Alors la plupart préfèrent avouer.
Quand Mohammad a entendu la sentence, il s’est assis et a pris son visage dans ses mains.
« Je ne veux pas rester ici » a-t-il crié. Son père gêné a regardé ailleurs, pâle. Puis il a trouvé la force de regarder son fils et il lui a dit avec une sourire tendu et en forçant la voix : « Mais demains je viendrai te voir ». Il essayait de lui remonter le moral. Et c’était en effet une chance que la visite qu’ils avaient sollicitée ait été autorisée et soit programmée pour le jour suivant. La souffrance de l’enfant s’atténua un petit peu, sa bouche cessa de trembler et son regard s’éclaircit. Peut-être parce que son esprit d’enfant pouvait espérer jusqu’à demain. Demain on lui apporterait une veste et une couverture. C’est ce que ses yeux disaient. Et il sourit.
Oui, il a souri.
Quoique....
Huit mois de prison et une amende et une peine de prison avec sursis, voilà ce à quoi un enfant de 13 ans a été condamné, un enfant qui, selon l’aveu même des forces d’occupation n’avait fait de mal à personne.
Huit mois grâce à un plea bargain avantageux.
Telle est la Cour militaire.
Tel est le sort des Palestiniens.
Je ne sais pas ce qui m’a paru le pire dans le calvaire de Mohammad Muckeir. Si c’est la torture que lui ont fait subir les soldats ou la terrible découverte que ses parents étaient impuissants à le protéger. Et le fait qu’ils tombent brutalement de leur piédestal et se délitent. Ou est-ce la prise de conscience à un si jeune âge que pour la plupart des Israéliens il n’est pas "quelqu’un" mais "quelque chose" indépendamment de sa personnalité ou de ses qualités humaines. Pour la plupart des Israéliens, il n’existe pas, il n’est pas réel, il n’est pas un être humain. Mais le pire est peut-être encore que, une fois l’urine lavée depuis longtemps et les blessures de ses pieds guéries sous les cicatrices, une fois oubliée la nourriture insuffisante de la prison et les coups reçus et ceux à recevoir, et une fois ses boucles repoussées, quelque chose continuera de hanter le petit Mohammad Muckeir, une déchirure irréparable dans sa vie. Quelque chose que rien ne pourra effacer. Quelque chose comme l’essence de tous les sévices qu’il aura subis et plus encore. Et cette intuition que j’ai fait vibrer les cieux du futur et du passé d’une pulsion implacable et déchirante. Un pouls de tristesse. Et j’espère seulement que Mohammad et moi nous verrons l’avènement d’un autre monde. Un monde où lui et moi jouirons des mêmes droits sur terre. Un monde où il sera enfin considéré comme un être humain et où moi je serai restée un être humain. Avant que le sang ne recouvre le pays, la terre entière et le ciel.
Aya Kaniuk & Tamar Goldschmidt
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