samedi 10 octobre 2015
Au Crédit Mutuel , il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade ! Les paysans en crise savent de quoi je parle / L’enquête diffusée par France 3
C’est l’enquête dont Canal+ n’a pas voulu. Elle porte sur le Crédit mutuel et l’évasion fiscale. Cinquante-cinq minutes d’investigation spécialement tirée au cordeau par Nicolas Vescovacci et Geoffrey Livolsi pour l’émission "Pièces à conviction", diffusée sur France 3 mercredi 7 octobre à 23h20.
Yachts au mouillage, port de Monaco... Dès la première image, on comprend qu’il ne s’agit pas ici seulement d’argent, mais de fortune. Costume cravate, tenue élégante, deux hommes et une femme ont rendez-vous sur une terrasse ensoleillée. Ce sont trois ex-employés d’une banque. Les trois sources principales de ce film qui vise à dénoncer un système d’évasion fiscale, via Monaco, la Suisse et la France. On y parle de la banque Pasche, une filiale du Crédit mutuel-CIC, dont les valeurs sont le partage, la solidarité et l’exemplarité.
Albert Camus dégaine son smartphone et appelle sa banque à Genève. "Allo, c’est Albert Camus, L’étranger, à l’appareil…" Une voix répond : "A qui L’étranger désire-t-il parler ?" "A son gestionnaire de compte", réplique Camus. Camus n’est pas le seul client de l’établissement. Il y a aussi Jules Verne, Simone de Beauvoir, Charles Baudelaire… Le journaliste raccroche. C’était donc vrai, il y a bel et bien des noms de code derrière lesquels se cachent nombre de grandes fortunes. Toutes ont le fisc en horreur et savent apprécier les charmes de la discrétion suisse. Cette scène constitue l’un des morceaux de bravoure du documentaire.
Les pièces ne manquent pas dans cette démonstration pour le moins sulfureuse. Le film se présente d’ailleurs comme une investigation à livre ouvert. On y accompagne ce que fut le questionnement des trois cadres lorsqu’ils ont commencé à s’interroger sur d’importants mouvements de fonds au sein de leur banque, la Pasche, spécialisée dans la gestion des clients très riches. On assiste aussi à la contre-enquête des journalistes qui vont "au contact" des clients de l’établissement bancaire. Or ces gens-là n’apprécient pas vraiment ce genre de… contact. Ils préfèrent le dépôt en liquide avec liasses de billets de 500 euros à même le comptoir de la banque.
Prenez cet Italien négociant en prêt-à-porter, qui a déposé en quatre mois plus de 200 000 euros à la Pasche de Monaco. En fait de négociant, c’est un chômeur, puisque de l’aveu même de ses proches, il n’aurait jamais travaillé. Lorsqu’il apprend que le journaliste s’intéresse un peu trop à lui, le coup de téléphone qu’il lui adresse est édifiant. "T’arrêtes d’appeler, t’as compris, c’est clair ?" Le ton est menaçant. Nul doute que ce monsieur sait ce que signifie l’usage de la force, cela sent le crime organisé. On fait mieux en matière de fonds "non douteux". Or, dans ce genre de situation, la loi monégasque oblige précisément le banquier à faire une "déclaration de soupçon". Sinon, il risque théoriquement une forte amende et de cinq à dix ans de prison pour ce délit pénal.
Au fil des séquences, les pièces à conviction s’accumulent : les enregistrements des ex-employés alertant leurs supérieurs, les dénégations ou les aveux résignés de ces derniers. Confondant. On va même jusqu’à croiser l’actuel scandale des pots-de-vin de la Fifa. L’un des clients de la banque n’est autre que l’ancien président de la fédération de foot brésilienne. Et le FBI examine son cas de très près, un cas chiffré à 30 millions de dollars de corruption présumée.
Les "aventures sonnantes et trébuchantes" de l’enquête ne s’arrêtent pas là. "Vous qui avez une grosse fortune, pour éviter l’impôt, nous avons la solution !" Tel était, semble-t-il, le credo des apporteurs d’affaires, des chargés de clientèle. Cela s’appelle du démarchage illicite et, là encore, les autorités françaises n’apprécient vraiment pas. Amendes lourdes et peines de prison sont à la clé. Or c’est un véritable système d’évasion fiscale qui est près d'être ici mis au jour. Le service rendu est des plus efficaces, avec collecte des fonds en liquide, transports par valises, 10% de commission au porteur du précieux bagage, et passage discret des fonds d’une banque à une autre. L’origine de ceux-ci n’est plus qu’un lointain souvenir. Ni vu ni connu, c’est ainsi que l’argent passerait les frontières.
La justice est, bien sûr, saisie de ce présumé système d’évasion fiscale qui met en cause le Crédit mutuel-CIC et la banque Pasche. Les auteurs ont tenté de rencontrer les dirigeants. La réponse est toujours la même : "Tout cela n'a jamais existé. On ne commente pas les affaires sous main de justice. Un contrôle interne existe. On n’a jamais découvert aucune pratique illicite."
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