samedi 3 octobre 2015
Et si l'on arrêtaient d'écouter les chiens de garde du systême /Quand la présidente de l’Argentine remet l’arrogant Barack Obama à sa place
La présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner peut être considérée déjà comme la grande vedette de la 70e session de l’Assemblée générale de l’ONU. Du point de vue des pays du Sud, sa déclaration – un discours d'anthologie – prononcée à cette occasion fera date. La présidente argentine a commencé par saluer comme étant un véritable «triomphe» la résolution de neuf principes fondamentaux concernant l’encadrement de la restructuration de la dette souveraine des Etats, adoptée par 136 voix, jeudi 10 septembre 2015, par l’Assemblée générale des Nations unies. C’est effectivement un triomphe pour l’Argentine, qui est à l’origine de cette résolution, mais également pour les 134 pays du G77 (133 pays + la Chine), concernés par la question de la dette et qui l’ont soutenue dans sa démarche. Et sans surprise, ce sont les mêmes, à peu près, qui ont voté contre les intérêts des pays du Sud : le groupe des «six contre» comprend l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, Israël, le Japon et le Royaume-Uni. La résolution stipule que «tout Etat a le droit souverain de restructurer sa dette souveraine, droit dont nulle mesure émanant d’un autre Etat ne saurait contrarier ou gêner l’exercice». La présidente de l’Argentine a énoncé les principes qui doivent régir les négociations et le règlement de la dette : le respect de la souveraineté des pays, la bonne foi, la transparence ou encore l’impartialité. Elle a rappelé l’épisode du défaut de paiement de l’Argentine, en 2001, causé par un endettement qui avait commencé en 1978 après le coup d’Etat. En 2001, trois ans successifs de récession avaient mis l’Argentine dans l’incapacité de rembourser une dette d’environ 100 milliards de dollars. Dans le combat qui opposa ensuite l’Argentine aux «fonds vautours», ces sociétés spécialisées dans la spéculation sur les créances douteuses, la justice américaine s’était placée aux côtés des fonds spéculatifs, contre l’Argentine. La présidente Cristina Fernandez de Kirchner a dénoncé «la logique capitaliste de ces «véritables prédateurs». «Si nous leur avions payé une partie de notre dette, nous nous serions retrouvés dans une situation terrible», a-t-elle déclaré. Elle a cité l’exemple des lois anti-fonds vautours adoptées en Belgique, et insisté sur le fait que l’Argentine est en train de rembourser sa dette à des fonds qui viennent d’«un pays qui promeut le rêve américain mais où 1% de la population détient plus de 30% de la richesse». A propos du nucléaire iranien, elle a révélé qu’un conseiller de la Maison-Blanche sur les questions nucléaires était venu en Argentine, en 2013, pour lui demander de fournir du combustible nucléaire à l’Iran. Elle avait exigé une demande par écrit et signée. Elle se demande pourquoi, maintenant que l’accord avec l’Iran a été signé, son pays ne pourrait pas signer un simple accord de coopération judiciaire avec l’Iran. Pour la présidente de l’Argentine, c’est de l’«hypocrisie dans les relations diplomatiques». Elle a évoqué l’affaire de l’attentat commis le 18 juillet 1994 à Buenos Aires contre un bâtiment abritant les institutions juives d'Argentine, tuant 85 personnes et faisant plus de 300 blessés. Elle constate avec étonnement que le jugement intervient avec 14 ans de retard, «au moment où on commence à avoir des informations sur les relations entre des éléments extérieurs et les fonds vautours». Elle demande «pourquoi l’agent du service des renseignements argentin qui était chargé de l’enquête au moment des faits se trouve maintenant aux Etats-Unis ?» Sur cette affaire, elle conclut qu’on ne peut plus continuer avec l’hypocrisie et les politiques de «deux poids, deux mesures», et parle d’«intrigues internationales dignes de John Le Carré». Les vérités dites par la présidente de l’Argentine ont dû écorcher les oreilles des représentants des pays occidentaux qui ont quitté la salle, habitués qu’ils sont à se boucher les oreilles pour ne pas entendre les vérités qui blessent.
Houari Achouri
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