vendredi 3 décembre 2010
L'ancien directeur du Wall Street Journal et secrétaire assistant du Trésor étatsunien livre son sentiment sur la "crise"aux Etat Unis
La veille de Thanksgiving le China Daily en Anglais et le sitePeople’s Daily Online rapportaient que la Chine et la Russie s’étaient mis d’accord pour utiliser leurs monnaies respectives au lieu du dollar dans leurs transactions commerciales bilatérales. Les Russes et les Chinois ont dit qu’ils avaient pris cette décision pour protéger leur économie des problèmes qui ont ébranlé leur confiance dans le dollar comme monnaie de réserve mondiale.
C’est une nouvelle importante spécialement pendant la période des congés de Thanksgiving où il n’y a pas beaucoup de nouvelles, mais on n’en a pas parlé sur Blomberg, CNN, New York Times ni nulle part dans les médias, presse ou TV, étasuniens. L’autruche ne sort pas sa tête du sable.
Auparavant la Chine avait conclu le même accord avec le Brésil.
Comme la Chine possède une importante et toujours croissante réserve de dollars provenant des surplus de l’exportation qu’elle pourrait utiliser dans ses transactions commerciales, la Chine manifeste ici qu’elle préfère le rouble russe et le réal brésilien au dollar étasunien.
La presse financière étasunienne se réjouit quand les craintes sur les dettes souveraines des états de l’UE font s’envoler le dollar aux dépens de l’euro et de la livre sterling anglaise. Mais ces fluctuations monétaires sont simplement dues au fait que les acteurs financiers se dégagent des dettes problématiques de la zone euro. Elles ne signifient pas que le dollar est fort.
Le rôle du dollar comme monnaie de réserve dans le monde entier est un des instruments principaux de l’hégémonie financière étasunienne. On ne nous a pas informé du degré de dommage que les fraudes de Wall Street ont causé aux institutions financières européennes mais les pays européens n’ont plus besoin du dollar pour commercer entre eux puisqu’ils partagent la même monnaie. Dès que les pays de l’OPEC cesseront de garder les dollars qu’ils reçoivent pour le pétrole, ce sera la fin de l’hégémonie du dollar.
Un autre instrument de l’hégémonie financière étasunienne est le FMI. Chaque fois qu’un pays ne peut honorer sa dette, le FMI arrive et contraint ce pays à un plan d’austérité qui écrase la population du pays en augmentant les impôts et en faisant des coupes dans les budgets de l’éducation, de la santé et des programmes sociaux jusqu’à ce que les banquiers soient remboursés.
C’est en train d’arriver à l’Irlande en ce moment et cela va probablement se propager au Portugal, à l’Espagne, et peut-être même à la France. Etant donné que la crise financière a été causée par les USA, il est de moins en moins acceptable que le FMI joue ce rôle d’instrument de l’impérialisme. On arrivera à un point de rupture quand les gouvernements ne pourront plus trahir leurs peuples pour satisfaire les banques étasuniennes.
Il y a d’autres signes que certains pays commencent à se fatiguer de la manière irresponsable dont les USA usent de leur pouvoir. Le gouvernement civil turc a longtemps été sous la botte de l’armée turque pro-étasunienne. Cependant, dernièrement le gouvernement civil a pris des mesures contre deux généraux en chef et un amiral suspectés de fomenter un coup d’état. Le gouvernement civil s’est affirmé encore davantage en annonçant le jour de Thanksgiving par la voix du Premier Ministre que la Turquie était prête à répondre à toute attaque d’Israël contre le Liban. Voilà donc un membre de l’OTAN étasunien qui se libère de la souveraineté que les USA exerçaient sur eux par l’intermédiaire de l’armée turc. Qui sait, l’Allemagne pourrait être le prochain.
Pendant ce temps, aux USA l’administration Obama a réussi à mettre en place une Commission du Déficit qui veut financer les guerres qui coûtent des milliards de dollars et qui enrichissent le complexe militaire et sécuritaire ainsi que les milliards de garantie du système financier en réduisant l’augmentation annuelle du budget de la Sécurité Sociale correspondant au coût de la vie, en faisant passer l’âge de la retraite à 69 ans, en supprimant la déduction sur les intérêts des hypothèques, en supprimant la déduction des impôts pour les employeurs qui offrent à leurs salariés une assurance santé, en imposant un impôt sur les ventes (sales tax) fédéral de 6,5%, tout en diminuant le taux d’imposition des riches.
Même les taux d’intérêt bas de la Réserve Fédérale sont destinés à aider les banquiers. Les bas intérêts privent les retraités et ceux qui vivent de leurs économie des intérêts sur l’épargne. Les bas intérêts ont aussi privé les caisses de retraite alimentées par les entreprises de ressources. Pour y remédier les entreprises doivent émettre des milliards de dollars d’obligations pour pouvoir payer les pensions. La dette des entreprises augmente mais pas les usines ni l’équipement qui permettrait de faire des profits pour la rembourser. Au fur et à mesure que l’économie se dégrade, le remboursement des dettes supplémentaires va devenir un problème.
De plus, les étasuniens du troisième âge trouvent de moins en moins de médecins qui acceptent de les soigner puisqu’on menace de réduire de 23% la prise en charge déjà minimale des consultations par le système de santé (Medicare).
Le gouvernement des USA a des ressources uniquement pour les guerres et les agressions, les interventions intrusives de la police d’état et les garanties apportées aux riches banquiers. Le citoyen étasunien est devenu une sorte d’esclave que l’oligarchie régnante saigne à blanc.
Le comportement de la police d’état du TSA (service d’administration des transports et de la sécurité) envers les voyageurs aériens montre clairement que les Etasuniens ne sont plus des citoyens qui ont des droits mais des esclaves dénués de droits. Peut-être que le jour viendra où les Etasuniens opprimés descendront dans la rue comme les Français, les Grecs, les Irlandais et les Anglais.
Paul Craig Roberts
Paul Craig Roberts a été directeur du Wall Street Journal et secrétaire assistant du Trésor étasunien. Son dernier livre "Comment nos avons perdu l’économie" vient d’être publié par CounterPunch/AK Press.
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