La première leçon à tirer des deux premières semaines de gouvernement Syriza était prévisible : il n’y aura pas d’accord entre le système, représenté par la Troïka, et la Grèce. Seul un clash systémique peut rendre possible un changement politique et social véritable.
Déclaration de Yanis Varoufakis sur les autorités politiques européennes
Entre les balourdises de Jean-Claude Juncker (« aucun changement démocratique possible contre les traités »), la manœuvre d’intimidation de la BCE, et le tout dernier ultimatum du président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, les portes de toute négociation avec les nouveaux gouvernants grecs sont désormais totalement fermées par les autorités européennnes.
De fait, l’impossibilité d’accord, de solution négociée, tient à une évidence cruelle pour le système :
- Tout accord autour de la position grecque, par l’effet de chaînes qu’il ne manquerait pas de provoquer, ferait proprement imploser un système étouffant sous une montagne de dettes.
- Tout changement de stratégie du système — passer d’une politique d’austérité à une politique de relance, par exemple — est devenue totalement inutile, inopérant, car la politique de relance sociale dont ont un impérieux besoin les populations européennes, grecque en particulier, est incompatible avec la relance exclusivement financière dont s’abreuve le système.
- Enfin tout maintien du statu quo actuel autour d’un "plan de sauvetage" désormais obsolète ne peut carrément plus faire illusion qu’à des esprits dérangés.
La phase terminale de l’effondrement
Les kleptocrates de Bruxelles ou de Francfort se trouvent en réalité devant une position intenable : ou "négocier" leur effondrement, ou le subir. En fermant toutes les portes à la moindre négociation, ils ont choisi de le subir.
Qu’à l’instar de l’Irlande en 2010 ou de Chypre en 2013, Alexis Tsipras cède aux ultimatums des autorités européennes ne changerait rien à la situation désespérée du système. Alexis Tsipras y perdrait juste toute crédibilité politique, mais n’aurait pas plus que son prédécesseur Samaras le pouvoir de reculer l’échéance fatale pour son pays.
Le clash systémique survient quand le statu quo autour de l’état prétendument stationnaire du malade ne peut plus faire illusion, écrit Charles Hugh Smith sur son blogOf two minds. Quand le niveau des revenus ou des pensions est descendu à un niveau si bas qu’il force les gens à adopter d’autres moyens de consommation pour survivre et à se détourner du système, alors « la phase terminale de l’effondrement », de la mort clinique du système, est patente.
Petit à petit, par quelque bout qu’elle le prenne, l’Union européenne, cette assemblée composite, hétéroclite, de pays soumis à une kleptocratie mafieuse, arrive au bout de sa course absurde. Comme le remarque crûment Yanis Varoufakis, ministre grec des finances, l’échéance fatale est juste encore précédée de cette période pathétique de dénégation de la réalité propre à tout malade condamné.
Tsipras et Varoufakis restent fermes
S’il veut enfin échapper au chaos et parvenir à un monde d’après un peu plus vivable et digne pour les siens, le gouvernement Tsipras n’aura sans doute plus guère d’autre choix qu’un Grexit [1] subi ou assumé.
Les Grecs ont en tout cas leur destin en main. Seuls. Sauf à mourir avec les imbéciles en plein déni qui prétendent leur dicter leur conduite, ils vont devoir faire figure de pionniers dans l’inéluctable recomposition géopolitique du monde. C’est ce que semble avoir très bien compris Alexis Tsipras qui, dimanche 8 février, renvoyait sèchement dans les cordes les ultimatums des dirigeants européens :
« La Grèce ne recevra pas d’ordres par e-mail. Les Grecs ne sont pas décidés à subir encore plus de déceptions. Nous ne voulons plus de votre "plan de sauvetage" qui a échoué. Nous respecterons nos engagements électoraux. Ce n’est pas négociable. Syriza fera de la Grèce un pays économiquement autonome. »
Et Yanis Varoufakis, spécialiste de la théorie des jeux à somme nulle, de conclure le même jour :
« Si la Grèce est contrainte de quitter la zone euro, d’autres pays suivront et le bloc monétaire s’effondrera. L’euro est comme un château de cartes. Si vous retirer la carte grecque, tout le reste s’écroulera. »
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1 commentaire:
J’ai toujours aimé le bon sens des paysans, ne serait-ce que parce que leur attachement à la terre les enracine dans un terroir, et, au-delà, dans un pays reposant sur des traditions ancestrales qui ne cadrent pas forcément, de nos jours, avec ce que veulent ces fameux kleptocrates dont parle M. Jean Claude Depoil dans ses chroniques.
Ceci dit, au-delà des mots, il y a certaines réalités dont on ne peut faire fi.
Et pour ne pas froisser personne, en Europe, je vais prendre l’exemple de l’endroit où je vis, présentement, au Brésil, et qui est une région assez pauvre du Nord-Est brésilien.
Cette région-là repose, économiquement parlant, principalement sur une agriculture assez rudimentaire, en raison, qui de la rudesse du climat, qui d’un terrain peu propice, faute de moyens, à la culture ou à l’élevage, qui, enfin, de conditions météorologiques qui, certaines années, sont très difficiles à supporter.
Or là où je vis, les keptocrates mafieux dont parle M. Depoil, au lieu d’être des technocrates bruxellois ou affiliés à la BCE de Francfort, sont tous les politiciens qui profifent de leur passage au pouvoir pour détourner les fonds publics (qu’il s’agisse des fonds à l’investissement destinés au développement économique de la région, ou qu’il s’agisse des subventions versées, au titre de la sécheresse et du sous-développement consécutif, par les caisses de l’Etat Fédéral).
Ces politiciens-là contrôlent donc une économie qui, sous leurs auspices, est devenue mafieuse.
A partir de là je vais répondre au propos que M. Depoil tient dans son blog, en lui disant ceci : quand vous aurez supprimé les mafias et la corruption qui, dans certains pays du sud de l’Europe, bloquent tout accès au développement, vous aurez créé, dans ces pays, les conditions dudit développement.
Ce n’est là, bien entendu, que l’un des problèmes de la question, mais un problème qui ne sera jamais résolu par la lutte des classes entre, d’un côté des patrons exploiteurs, et de l’autre, des travailleurs exploités - fussent-ils employés, comme ouvriers agricoles sur les terres possédées par une minorité d’individus.
Il s’agit donc, pour en revenir à la Grèce, d’avoir une vue d’ensemble un peu plus large que celle consistant à ne critiquer que le néolibéralisme imposé, à Bruxelles, Berlin ou ailleurs, par les responsables de l’Union Européenne.
Car même si la Grèce quitte, un jour, l’euro et l’UE, elle sera bien obligée, pour se développer, de se réformer en luttant contre les mafias et la corruption qui gangrènent ce pays jusque dans les plus hautes sphères de ses instances politiques.
A bon entendeur, salut !
Claude Gétaz
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