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mardi 11 octobre 2011
Daxia une banque , grenouille qui voulu devenir boeuf au mépris du citoyen
Il était une fois des banques qui étaient au service du bien général. Cela se passait il y a très très longtemps, et les enfants d’aujourd’hui n’en ont probablement jamais entendu parler. Deux d’entre elles s’appelaient Crédit Local en France et Crédit Communal en Belgique. Elles avaient à cœur d’une part le sort de leurs clients : les collectivités locales, et d’autre part celui de leurs employés.
Un jour, on a voulu « faire moderne » : on a réuni les deux banques, et on a donné au tout un nom emprunté à la science-fiction : « Dexia ». La « modernisation » impliquait que le bien général s’efface devant les « exigences » des intérêts particuliers. On s’est donc désintéressé des clients et des employés et on a mis en avant ces héros des temps modernes que sont les investisseurs ou actionnaires (ceux qu’on appelait autrefois « capitalistes » parce qu’ils apportent le capital) et les dirigeants de l’entreprise (dont les salaires qui représentaient dans le temps X fois celui de l’employé le moins bien payé, sont passés à 10 fois X fois, sans qu’on se pose la question d’où vient l’argent qui rend un tel miracle possible).
Les démarcheurs allaient prospecter, comme on dit, leur marché captif de collectivités locales et leur tenaient un nouveau langage : « Nous allons répondre à vos besoins, comme avant, mais en plus, nous allons rendre immensément riches nos actionnaires et nos propres dirigeants ». Et à l’intention de ceux de leurs clients qui avaient du mal à imaginer comment cela serait possible, ils ajoutaient : « Ne vous inquiétez pas : c’est le miracle de la ‘main invisible’ d’Adam Smith ». Et leurs interlocuteurs interloqués répondaient : « Ah bon, si c’est comme ça ! » – de peur de ne pas avoir l’air « moderne ».
Ce qu’on avait malheureusement oublié dans cette « modernisation », c’est une chose qui s’appelle le Réel, qui est toujours là, caché en arrière-plan et qui se caractérise par sa dureté semblable à celle du roc. La « modernisation » s’était elle faite ailleurs : dans ce qu’on appelle les Représentations. Le processus par lequel on essaie de se débarrasser du Réel, en l’enterrant sous des tonnes de Représentations, s’appelle en psychanalyse : « le refoulement ». Une autre chose bien connue des psychanalystes, c’est « le retour du refoulé », ce qui veut dire en deux mots qu’à l’arrivée, et quel que soit le volume de Représentations que l’on ait déversé sur lui, c’est toujours le Réel qui finit par l’emporter. Le « retour du refoulé » est un processus très pénible et la santé mentale du patient n’y survit pas toujours.
En ce moment-même, les politiques essaient, sinon de sauver Dexia, du moins d’en sauver les morceaux qui peuvent encore servir à quelque chose. Sont-ils alors en train de remettre le bien général au centre des préoccupations ? Ont-ils bien à cœur à nouveau le sort d’une part, des collectivités locales et de l’autre, des employés de Dexia ? C’est ce que nous espérons bien entendu. Mais à voir les tombereaux de Représentations que l’on a fait venir et qui attendent dans la cour que la réunion se termine, on peut craindre le pire.
Le Réel, je l’ai dit, finit toujours par triompher. Quand il s’agit des individus, la victoire du Réel, je l’ai rappelé aussi, s’appelle « retour du refoulé », mais quand il s’agit de communautés humaines, la victoire du Réel a un autre nom, on l’appelle : « l’histoire avec un grand h ». C’est Karl Marx qui a attiré l’attention sur le fait que l’histoire avec un grand h dispose de poubelles géantes. Espérons que nos politiques en ce moment, ne se contentent pas de remplir ces poubelles avec des tonnes de Représentations que le Réel a pourtant démenties.
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