A la lumière d'une conférence de l'historienne Annie Lacroix-Riz à Metz, notre blogueur associé SuperNo revient sur la stratégie du choc, les théories du complot et la récurrence de certains événements historiques.
Evacuons immédiatement un petit détail. Annie-Lacroix-Riz, comme d’autres (Etienne Chouard, par exemple), est dans le viseur des anti-conspi. On lui reproche d’avoir participé il y a quelques années à une conférence à laquelle participait aussi le conspirationniste Meyssan. Il faut dire que la thèse de son dernier livre Le Choix de la défaite, est un peu difficile à avaler : elle affirme, archives à l’appui, que la défaite militaire de la France en mai 1940 n’est pas une simple défaite militaire, qui serait due, comme le prétend l’histoire officielle, à l’incompétence de nos stratèges, l’insuffisance de notre armement, la couardise de nos soldats… Mais que, bien au contraire, cette défaite serait le résultat logique et attendu d’une stratégie savamment mise en place pendant près de 20 ans. Un complot, pour parler clair. Et que ce complot aurait été ourdi par une organisation secrète baptisée «la synarchie», composée de représentants de l’élite auto-proclamée de l’époque, banksters, grands patrons (Comité des Houillères, Comité des Forges), technocrates, sans oublier les corrompus de syndicalistes ou de journalistes. Que cette synarchie et ses choix ont permis aux sociétés qui étaient derrière de prospérer plus que jamais au cours de la guerre.
LA STRATÉGIE DU CHOC COMME PROPAGANDE
Autre exemple : après les attentats du 11 septembre (dont les conspirationnistes affirment qu’ils ont été provoqués, ce que je me garderai bien d’accréditer), il a été considérablement plus facile aux faucons, aux pétroliers et aux marchands de canon de faire avaler l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak… Cette stratégie du choc est une forme de propagande désormais systématique. Elle a été utilisée dans les années 1930, elle est encore et plus que jamais douloureusement d’actualité aujourd’hui. Ceci nous ramène à la conférence d’Annie Lacroix-Riz, dont je ne vais donc pas faire de compte-rendu en bonnet difforme, mais dont je vais plutôt utiliser les précieuses informations pour faire un parallèle troublant avec la triste situation actuelle.
CRISES EN BANKSTERS À TRAVERS L'HISTOIRE
La ligne de conduite des comploteurs pointés par Annie Lacroix-Riz, c’est la volonté d’un groupe d’oligarques (les synarques, donc), à la sortie de la première guerre mondiale, d’augmenter leurs profits. Même si c’est trivial, l’histoire nous apprend que la cupidité n’est pas subitement née au cours de la période qui a précédé la crise des subprimes dans les années 2000.
Les comploteurs avaient déjà compris une chose : pour maximiser les profits, il faut avoir les mains libres, et écarter tout ce qui peut gêner : la démocratie, les impôts, l’État providence, les prestations sociales, les syndicats… Cela n’a guère changé. D’ailleurs la gauche non communiste de l’époque, qui soutient ces saloperies, s’auto-intitule déjà Gauche moderne : sans commentaire.
On s’aperçoit aussi que la nuisible omniprésence des banksters, et leur collusion avec le milieu politique, était la même en 1930 que maintenant. Parmi les synarques les plus importants, il y avait les représentants de la banque Worms, de la Banque Lehideux (oui oui, de la famille de l’ex-responsable FHaine), et de la banque d’Indochine. Les moyens de pression des bankstersétaient aussi curieusement similaires. Alors aux commandes de la Banque de France, les banquiers privés utilisaient l’endettement de l’État Français pour faire du chantage sur les politiques publiques et exiger, en échange de la poursuite de leur financement, des réformes. D’ailleurs, Léon Blum, le héros du Front Populaire, était en fait un socialiste tiédasse, plus Ayrault que Laguiller, et partisan lui aussi de la réforme de l’État. Il n’a consenti aux avances sociales du Front populaire que sous la pression de la rue.
En 1924, le ministre des finances d’Edouard Herriot s’appelle Etienne Clémentel. Devant les difficultés financières de l’État, il demande une avance aux gredins de la Banque de France. Qui la lui accordent en échange de la promesse d’une «politique d’assainissement financier». Annie Lacroix-Riz souligne que le gouvernement a souvent été de gauche entre les deux guerres ; Ah oui, Clémentel est l’un des fondateurs de la CGPF (Confédération Générale de la Production Française) qui deviendra en 1946 le CNPF, et en 1998 le MEDEF. Herriot lui-même disait «On ne peut rien faire contre les banquiers». Surtout si on ne veut rien faire… Pour mesurer la puissance des banksters, sachez que Hitler n’avait payé que 13% des réparations auxquelles les alliés avaient condamné l’Allemagne en 1918, mais avait réglé rubis sur l’ongle l’intégralité de sa dette privée auprès des banksters.
Inutile de rappeler que notre époque n’a pas non plus inventé les crises. Il y en eut une en 1873 (de la spéculation immobilière, déjà). Celle de 1929 fut tout de même un modèle du genre. La cause en est une bulle, comme celle de l’internet ou de l’immobilier. Les spéculateurs, aveuglés par leur cupidité, ont provoqué une chute de la bourse, qui s’est répercutée dans la “vraie vie” au cours des années suivantes, avec son cortège de chômage, de faillites et de misère. Et en 1931, c’est encore une crise de la dette, cette fois en Allemagne. Les salaires baissent alors de 15%.
Il faut dire aussi que l’immigration, suscitée par le patronat, et mettant les salariés en concurrence, y a bien contribué. On notera que dans les années 1960, le gouvernement Français (de droite), sur pression des patrons de l’industrie automobile, fait venir des immigrés d’Afrique du Nord.
Cinquante ans plus tard, leurs successeurs à l’UMP ou à la droite populaire fustigent les conséquences néfastes de cette immigration, conchient les Arabes, l’Islam… qui ne sont que la conséquence logique et courue d’avance, qu’ils avaient d’ailleurs anticipée. Mais puisque le patronat le voulait.
Après la crise des subprimes de 2008 où les banques ont perdu des fortunes par leur incompétence et leur inconséquence, on a saturé l’espace médiatique sur l’air de «il faut sauver les banques», «si on ne sauve pas les banques, on coule avec elles…». Alors qu’il fallait les laisser crever et reconstruire sur les cendres un pôle bancaire public. Il paraît qu’en France on s’en est plutôt bien sorti. Mais l’État Américain y a laissé près de 15000 milliards (15 suivi de 12 zéros) de dollars. 50 000 dollars par américain… Quelques années plus tard, il faut recommencer. En Grèce, en Espagne, et bientôt partout ailleurs, de nouvelles banques flageolent. Rien qu’en Espagne le mois dernier, il a fallu trouver en urgence 100 milliards. Qui s’ajoutent à la dette. Et certains disent qu’il en faudra au moins 500.
En 1935, les banksters français se plantent en spéculant. Les pertes sont lourdes. Que croyez-vous qu’il arriva ? Le président du conseil, un certain Flandin, le Ayrault d’alors, décide de faire garantir par l’État les pertes de ces banksters. La soumission à ces escrocs est donc une constante.
ÉCHEC DE L'UE ET AUSTÉRITÉ FRANÇAISE
La construction européenne est un naufrage, un ratage total. Vendue aux bisounours comme porteuse d’idéaux ethérés, on a rapidement vu qu’il ne s’agissait bien plus trivialement que de libéraliser tous les secteurs de l’économie, mettre tous les salariés en compétition, permettre la délocalisation des usines là où les profits sont plus grands, entériner la domination de la finance et le recul de la démocratie, cette empêcheuse de faire des affaires en rond. On le constate tous les jours, et on n’a pas encore tout vu.
Prenez le programme économique de Milton Friedman, article 1, page 1, tout est là. On devrait donc en tirer les conséquences, tout arrêter, tout abroger, et repartir sur de nouvelles bases, prenant en compte le ratage initial.
Il est temps ici de parler de notre nouveau pouvoir socialiste. N’oubliez pas le lien historique : ces gens-là ont été élus pour tirer la France de la crise. Mais en réalité, ils ne vont défendre que les intérêts des banksters en nous enfonçant encore davantage.
OÙ EST LA DÉMOCRATIE ?
Bien sûr, il y a l’Assemblée nationale… Dans les années 1930, l’Assemblée nationale avait encore le pouvoir de voter des dépenses. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce qui fait dire à Annie Lacroix-Riz que «L’Assemblée nationale ne sert à rien». Sinon à faire vivre grassement 577 personnes et leur entourage. Le Sénat, lui, a toujours été aux ordres du pouvoir. Une cooptation de notables, où la franc-maçonnerie joue un grand rôle. Toujours selon Annie Lacroix-Riz, pour être sénateur en Lorraine dans les années 1930, il fallait avoir l’aval de la famille De Wendel. Sacré contre-pouvoir !
En 2005, le peuple français, auquel on avait eu l’imprudence de demander son avis, avait dit non à la poursuite de cette folle politique européenne. Malgré un matraquage éhonté et insensé sur toutes les ondes, dans tous les journaux, de tout ce que la France compte d’économistes cyniques, de politiciens incompétents, de syndicalistes corrompus, ou de journalistes complices. Ceux-là même qui vont chipoter du groin tous les mois au Crillon lors des dîners du Siècle.
Depuis 1983, date du renoncement définitif à toute vraie politique de Gauche, on estime que 10% de la richesse produite chaque année en France a glissé des salariés vers les actionnaires. Ce qui représente un vol de 200 milliards d’euros par an. Ce sont ces milliards qui manquent pour payer les retraites, la sécu, le chômage… Et qui ne reviendront jamais, puisque désormais le pacte Merkozy va nous obliger à amplifier encore le phénomène pour interdire tout et figer le hold up. Ces gens se sont assis sur la démocratie. Sarkozy a contourné le vote populaire. Les socialistes ont été complices de cet attentat, leur abstention hypocrite ayant permis son accomplissement.
Aujourd’hui, il faudrait se lever contre les banksters. Leur dire merde. Leur expliquer que leur dette, ils peuvent se la foutre au cul. Euh, pardon, j’exprime un peu trop crûment le fond de ma pensée. On peu aussi être poli et diplomate. Je recommence. On pourrait donc leur expliquer qu’on va revenir à la situation qui prévalait avant ce funeste jour de janvier 1973, c’est à dire que l’État n’empruntera plus qu’à la Banque de France et à prix d’ami. Et qu’on va réaliser un audit de cette fameuse dette de 1800 milliards, qui vraisemblablement ne sont que des intérêts indus, conséquence de ce racket initié en 1973.
Une fois déchargés de ce fardeau, nous pourrons rétablir le bon fonctionnement des services publics, et rééquilibrer le partage des richesses, indispensable puisque celles-ci ne pourront aller qu’en diminuant, faute d’énergie et de ressources naturelles.
LA CRISE FAIT AVALER LES POTIONS
Le parallèle avec notre actualité est flagrant. Je ne crois pas davantage que la situation actuelle relève stricto sensu d’un complot. Plutôt d’une convergence d’intérêts bien compris. Leur synarchie est devenue notre oligarchie. Pourquoi Hollande ou Ayrault, qui rêvent sans doute depuis l’enfance des plus hautes fonctions politiques, iraient-ils changer quoi que ce soit à un système qui leur a tant donné ? Le même raisonnement vaut pour ces médiacrates pleins aux as, dont les supérieurs sont en outre patrons ou banksters… Les dîners du Siècle ne peuvent pas être assimilés à un complot : ce sont de grandes sauteries où les plus puissants paradent, et où les valets se remplissent de la fierté de côtoyer ces puissants qui pourront sans doute le moment venu donner un coup de pouce à leur carrière, ou faire avancer leur légion d’honneur. Plutôt l’Europe néolibérale que l’intérêt de cette valetaille de chômeurs et de précaires qui n’ont rien à apporter sinon des emmerdements, et que les potes des médias savent de toute façon très bien rabattre vers vous dès qu’il en est besoin.
Reste le point commun qui est la crise. Il y a toujours une crise de ceci ou de cela. Et dans tous les cas, elle est bien pratique pour faire avaler les pires potions, comme celle que notre gouvernement socialiste est en train de touiller. L’argumentaire est déjà au point : on n’a pas le choix.
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