mercredi 1 juin 2011
L'occident en déclin, ou au 20 eme siècle 231millions de morts en 100ans de guerres et conflits , déclins , déclins ou la fin d'une civilisation?
« Dieu et la nature sont sagesse, le monde a de l’eau en quantité suffisante pour que chacun ait de l’eau, le monde a suffisamment de richesses et de terres pour produire de la nourriture pour la population mondiale, le monde a suffisamment de pierres pour construire afin que personne ne soit laissé sans habitat, mais dans les faits une minorité s’est appropriée les richesses du monde, moins de 10% de la population du monde est propriétaire de la moitié de la richesse du monde entier. »
Président Hugo Chavez
On peut se demander si le discours de Chavez n’est pas utopique face à un Occident sûr de lui et dominateur qui arrache ce qui n’est pas à lui pour entretenir une civilisation moribonde de la croissance infinie dans un monde fini. Justement, l’Occident est-il une civilisation ou la civilisation étalon sur tous les aspects, matériels de puissance et en termes d’éthique ? Est-ce un Empire avec des vassaux ou un ensemble disjoint d’Etats-nations uni par une seule cause, la suprématie de l’homme blanc, vieux mythe du XIXe mais toujours vivace au XXIe siècle ? Quel est le moteur de son idéologie ? La preuve externe le néolibéralisme, la mondialisation qui permet de laminer les identités et les spiritualités pour créer de l’errance propice au développement sans fin du marché, l’autre convoque un conflit de civilisation, voire de spiritualités qu’Huntington a martelé comme inéluctable.
Qu’est-ce qu’une civilisation ?
La civilisation est le fait de porter une société à un niveau considéré comme plus élevé et plus évolué que l’était son état antérieur. Cette acception inclut une notion de progrès qui s’oppose à la barbarie et à la sauvagerie. La civilisation est l’ensemble des traits qui caractérisent l’état d’évolution d’une société donnée sur le plan technique, intellectuel, politique ou moral, sans porter de jugement de valeur. Une société définit un type d’homme idéal comme l’ » homme de bien » selon Confucius, l’ » honnête homme » du XVIIe siècle européen ou le « gentleman » de l’Angleterre victorienne. Le comportement civilisé permet aux hommes de vivre ensemble. Prométhée a apporté aux hommes les arts et les sciences, mais, malgré ce don, les hommes ne parviennent pas s’entendre. Zeus leur fournit alors la pudeur et la justice, c’est-à-dire, la capacité de tenir compte des autres membres de la société et de régler les différends de manière pacifique et ordonnée. Les hommes peuvent alors construire leur vie dans la cité.
Ce qui distingue le pays « civilisé », c’est la manière dont la violence est utilisée dans un État moderne où toute force armée doit relever de l’État, puisque ce dernier a le monopole de la violence légitime. Le progrès technique et celui de la civilisation sont intimement associés. Dès lors, l’Europe, qui a bénéficié d’une avance technique et militaire, s’est sentie investie d’une mission civilisatrice - dont on a connu l’oeuvre positive- ce qui l’a auto-autorisé à lancer une colonisation abjecte..
Beaucoup d’auteurs et non des moindres se seront penchés sur le déclin de la civilisation occidentale. On prête à Kissinger l’interrogation sur ce qui a fait disparaître l’empire romain. Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler traduit par le philosophe algérien, Mohand Tazerout (1893 à Azazga en Algérie 1973 à Tanger au Maroc) -superbement ignoré chez lui- est l’un des essais historiques les plus débattus. Pour expliquer la mort des civilisations, Spengler conçoit ainsi une histoire universelle : une collection ordonnée des événements, passés, présents ou à venir.
Pour sa part, l’oeuvre de réflexion de l’historien Toynbee - Toynbee qui s’est inspiré de la Muqaddima, préface de l’histoire universelle de Ibn Khaldoun. - sur la genèse des civilisations est inclassable. À des fins de classification, Toynbee distingue vingt-six civilisations avec leurs montées et leurs déclins L’historien britannique Arnold Joseph Toynbee, admirateur de Spengler, au point de l’admirer toute sa vie. Son approche peut être comparée à celle de Oswald Spengler dans Le Déclin de l’Occident. Il n’adhère pas cependant à la théorie déterministe de Spengler selon laquelle les civilisations croissent et meurent selon un cycle naturel. Toynbee présente l’histoire comme l’essor et la chute des civilisations plutôt que comme l’histoire d’État-nations ou de groupes ethniques. Ainsi, la « civilisation occidentale », qui comprend toutes les nations qui ont existé en Europe occidentale depuis la chute de l’Empire romain, est traitée comme un tout, et distinguée à la fois de la « civilisation orthodoxe » de Russie et des Balkans comme de la civilisation gréco-romaine qui a précédé.
La classification de Toynbee, très historique et faisant une large place aux grandes religions ; les idées de Toynbee ont connu une certaine mode. Avec raison ou pas, certains critiques reprochent à Toynbee l’importance qu’il attribue à la religion par rapport aux autres aspects de la vie lorsqu’il brosse le portrait des grandes civilisations. À cet égard, le débat rejoint celui, plus actuel, sur la théorie de sur le « choc des civilisations ».
Justement dans Le Choc des civilisations publié à l’été 1993 par la revue Foreign Affairs, Samuel Huntington pense que les relations internationales vont désormais s’inscrire dans un nouveau contexte. (...) Cette vision des relations internationales trouve son point d’aboutissement dans la Guerre froide, celle-ci ayant institué l’affrontement de deux modèles de société. Huntington nous dit qu’il faut désormais penser les conflits en termes non plus idéologiques mais culturels : « Dans ce monde nouveau, la source fondamentale et première de conflit ne sera ni idéologique ni économique. Les grandes divisions au sein de l’humanité et la source principale de conflit sont culturelles. Les conflits centraux de la politique globale opposeront des nations et des groupes relevant de civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique à l’échelle planétaire. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front des batailles du futur.
Comment les empires meurent ?
D’où vient cette hégémonie qui fait que l’Occident se veut le seul dépositaire de sens ? Pour l’expliquer, il est courant d’admettre que l’Occident est parti à la conquête du Monde après la première révolution industrielle. En fait, il serait plus indiqué de remonter dans le temps pour s’apercevoir que l’hégémonie occidentale a débuté après ce qu’on appelle dans la doxa occidentale « Les Grandes découvertes ». Prenant la relève d’un Orient et d’une civilisation islamique sur le déclin, et au nom de la Règle des trois C - Christianisation, Commerce, Colonisation, il mit des peuples en esclavage. Il procéda à un dépeçage des territoires au gré de ses humeurs sans tenir compte des équilibres sociologiques que les sociétés subjuguées ont mis des siècles à sédimenter. Pendant cinq siècles, au nom de ses « Droits de l’Homme » qui « ne sont pas valables dans les colonies » si l’on en croit Jules Ferry, l’Occident dicte la norme, série, punit, récompense, met au ban des territoires qui ne rentrent pas dans la norme. Ainsi, par le fer et par le feu, plus de 75% des richesses des Sud épuisés avec 80% des habitants de la planète furent spoliés et détenus par 20% des pays du Nord. (1)
Après l’implosion de l’empire soviétique, ce fut « la fin de l’histoire » selon le mot de Fukuyama avec une pax americana qui paraissait durer mille ans. Le peuple américain se voulant lui aussi, « peuple élu » comme le martèle « la destinée manifeste », c’est à lui d’éclairer le monde au besoin par le napalm. Ce n’est pas l’avis de la CIA qui, dans un rapport intitulé : Le monde en 2025, constate une prise de conscience d’une nouvelle donne à la fois démographique, économique, financière et même dans une certaine mesure, militaire. Pour la première fois, les Américains reconnaissent qu’ils ne seront plus les maîtres du monde. Pour garder la direction du monde, avec 600 bases américaines et 700...hommes, en dehors des Etats-Unis, Les Etats-Unis sont constamment en alerte surtout depuis la perte de leur suprématie économique. L’arrivée du 11 septembre fut du pain bénit. Le Satan de rechange tombait du ciel, l’Islam et terrorisme. Ainsi, furent organisées les expéditions punitives que l’on sait un peu partout semant le chaos, la destruction et la mort. (1)
Des craquements se font entendre, l’Empire est puissant mais il est exsangue sur le plan économique. Pour Ignacio Ramonet, « l’Empire n’a pas d’alliés, il n’a que des vassaux ». Ce basculement inexorable concernant l’avenir du Monde, est rendu nécessaire. L’analyse lumineuse de l’ambassadeur singapourien, Kishore Mahbubani, décrit le déclin occidental : recul démographique, récession économique, et perte de ses propres valeurs. Il observe les signes d’un basculement du centre du monde de l’Occident vers l’Orient. Il cite l’ouvrage de l’historien britannique Victor Kiernan « The Lords of Humankind, European Attitudes to the Outside World in the Imperial Age » qui avait été publié en 1969, lorsque la décolonisation européenne touchait à sa fin.
Victor Kiernan écrivait notamment : « (...) Même si la politique coloniale européenne touchait à sa fin, l’attitude colonialiste des Européens subsisterait probablement encore longtemps. En fait, poursuit Kishore Mahbubani, celle-ci reste très vive en ce début de XXIe siècle. Souvent, on est étonné et outré lors de rencontres internationales, quand un représentant européen entonne, plein de superbe, à peu près le refrain suivant : « Ce que les Chinois [ou les Indiens, les Indonésiens ou qui que ce soit] doivent comprendre est que... », suivent les platitudes habituelles et l’énonciation hypocrite de principes que les Européens eux-mêmes n’appliquent jamais. Le complexe de supériorité subsiste. Le fonctionnaire européen contesterait certainement être un colonialiste atavique. » (2)
Jean-Pierre Lehmann analysant l’ouvrage de Mahbubani écrit : « Quand Mahbubani écrit que « le moment est venu de restructurer l’ordre mondial », que « nous devrions le faire maintenant ». Pour lui l’Occident est dans l’incapacité à maintenir, à respecter et encore plus à renforcer les institutions qu’il a créées. Et l’amoralité avec laquelle il se comporte trop souvent sape davantage les structures et l’esprit de la gouvernance mondiale. Selon Mahbubani, il « est légalement vivant mais spirituellement (souligné par nous Ndlr) mort » « Le monde, écrit-il, a perdu pour l’essentiel sa confiance dans les cinq États nucléaires. C’est cette incapacité à exercer convenablement un leadership qui fait que l’Occident est aujourd’hui davantage le problème que la solution. En même temps, comme le reconnaît Mahbubani, « les pays d’Asie ne sont pas encore prêts à intervenir. Il en va de même des institutions financières internationales. Bien qu’on ait de bonnes raisons de douter qu’aucune des trois plus importantes - la Banque mondiale, le FMI et l’OMC - ne subsistera jusqu’à la prochaine décennie, Mahbubani estime qu’il est d’une importance capitale de les conserver. Mais, bien entendu, il faut les transformer et les désoccidentaliser. Il ne faut plus que les postes de directeur de la Banque mondiale et du FMI soient attribués automatiquement à des États-uniens ou à des Européens, comme si c’était écrit dans l’Évangile ; ils doivent être globalement ouverts à des talents du monde entier. Il est également important que la Banque mondiale n’ait plus son siège à Washington DC et dissémine ses employés dans les pays où elle opère. L’esprit internationaliste tel qu’il s’incarne dans la Charte des Nations unies doit donc être maintenu, voire revivifié ». (3)
« Les civilisations, disait Arnold Toynbee, ne sont pas assassinées, elles se suicident ». L’empire américain subit-il le même déclin que son prédécesseur britannique ? s’interroge l’historien Eric Hobsbawm. La suprématie navale fit la puissance de la Grande-Bretagne, la capacité de destruction par bombardement assure celle des Etats-Unis. Cependant, les victoires militaires n’ont jamais suffi à assurer la pérennité des empires (...) La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont bénéficié d’un atout supplémentaire qui ne pouvait exister que dans le cadre d’une économie globalisée : tous deux ont dominé l’industrie mondiale. (...) Quand l’ère des empires maritimes arriva à sa fin, au milieu du XXe siècle, la Grande-Bretagne sentit le vent tourner avant les autres puissances coloniales. Son pouvoir économique ne dépendant pas de sa puissance militaire, mais du commerce, elle s’adapta plus facilement à la perte de son empire, comme elle l’avait fait face au plus grave revers de son histoire, la perte de ses colonies américaines. Les Etats-Unis comprendront-ils cette leçon ? Ou chercheront-ils à maintenir une domination globale par la seule puissance politique et militaire, engendrant ainsi toujours plus de désordre, de conflits et de barbarie ? » (4)
Au monde unipolaire et dominé par l’Occident, écrit Alain Gresh, succède une nouvelle géopolitique marquée par la multiplication des acteurs influents. L’affaissement actuel du système financier ne peut qu’accélérer ce mouvement de repli occidental. « La fin de l’arrogance », titrait l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, le 30 septembre, avec ce sous-titre : « L’Amérique perd son rôle économique dominant ». Quinze ans plus tard, un autre consensus se fait jour, plus proche, semble-t-il, de la réalité : nous entrons dans un « monde post-américain ». (5)
L’Occident vit une crise de l’avenir : les nouvelles générations ne croient plus qu’elles vivront mieux que celles qui les ont précédées. Une crise de sens, d’orientation et de signification. L’Occident sait à peu près d’où il vient, mais peine à savoir où il va. Certes, comme disait René Char, « notre héritage n’est précédé d’aucun testament » et il appartient à chaque génération de dessiner son horizon. Mais nos tourments ne sont pas sans fondement. Le sens du commun s’est étiolé. A l’heure du « chacun pour soi », le sentiment d’appartenance à un projet qui transcende les individualités s’est évaporé. L’effondrement du collectivisme - nationaliste ou communiste - et du progressisme économique a laissé place à l’empire du « moi je ». Le sens du « nous » s’est dispersé. (6)
Le déclin de la civilisation occidentale est à des degrés divers, aussi celui des valeurs face à un Islam qualifié d’obscurantiste parce qu’il tient à des valeurs universelles consubstantielles de la dignité humaine . Cette façon de faire de l’Occident est condamnée. A terme, on s’apercevra que les slogans creux des droits qui sont ceux exclusifs de l’homme blanc en Occident - encore qu’il faille noter que même dans ces sociétés la fracture est totale entre les nantis et les pauvres - vont s’effriter au fur et à mesure de la disparition de la puissance matérielle, malgré tous les combats d’arrière-garde symbolisés notamment par les nouvelles armes terribles tels que les drones, les lasers, les bombes thermonucléaires les aurores boréales sur commande allant plus loin que le XXe siècle « A Beastly Century », « un siècle bestial » terme, utilisé par Margaret Drabble, pour décrire le XXe siècle. Il y eu en effet, environ 231 millions de morts en 100 ans de guerres et conflits. Tout ceci pour tenter de garder, en vain, la suprématie sur des hommes qui aspirent quelles que soient leurs latitudes à une égale dignité. Ce siècle sera assurèment aussi celui de la guerre de tous contre tous C’est en définitive, un déclin du sens et du non-respect des valeurs éthiques que ce même Occident veut appliquer aux autres et non pas à soi-même. « La paix universelle écrit Anatole France se réalisera un jour non parce que les hommes deviendront meilleurs mais parce qu’un nouvel ordre, une science nouvelle, de nouvelles nécessités économiques leur imposeront l’état pacifique » Amen.
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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